Lorsque l’inspiration a baissé pavillon pour de bon, c’est le genre de courrier qui revigore le chroniqueur. Le sujet qui lui tombe tout cuit dans la plume, écrit d’avance ou presque. Enfin, du moins, le croyait-il, le chroniqueur. Explications.
Le mail en question a été glissé dans la boîte le mercredi 26 octobre. Il annonce le lancement d’un nouveau site communautaire. Autour d’un thème unique et exclusif : l’art subtil de remettre systématiquement au lendemain ce que l’on peut faire le jour même. J’ai cité la procrastination. Cela tombait bien : le chroniqueur est un ardent adepte de cette pratique. Dont il abuse même parfois, au point de faire sienne la devise : « Procrastiner, j’arrête demain. »
Le courrier électronique avait d’autant plus de chances d’attirer son attention que la discipline devait y être présentée sous un jour différent. Car faites l’expérience. Tapez « procrastination » dans Google, et passé les définitions de rigueur sur Wikipédia, partout l’exercice y est décrit comme une maladie : « Cinq trucs pour éviter de procrastiner au travail » (http://goo.gl/hPy6E) ; « Guérir de la procrastination » sur Depressionnerveuse.fr (http://goo.gl/E0AT4)… Et tout à l’avenant.
« Il est grand temps de montrer les aspects positifs de cette attitude », proclamait à l’inverse le communiqué. Rappelant au passage que si Roméo avait remis au lendemain son geste fatal, les deux amants de Vérone auraient pu finir leurs jours ensemble…
Bref, je n’avais qu’à cliquer sur le lien – Demaincestbienaussi.com – pour accomplir mon devoir chronique. Sauf que, catastrophe : à l’adresse indiquée, rien d’autre qu’une page couverte de hiéroglyphes. Je n’avais pas vu la date de lancement : le 25 mars 2010 ! Repoussée sûrement de jour en jour. Reste alors un mystère : comment ce mail est-il arrivé dans ma boîte un an et demi plus tard ? Le Rouletabille qui sommeille en chaque chroniqueur a promis de mener l’enquête. Il commence demain.
(article publié dans Le Monde daté du 29 octobre 2011)
Olivier Zilbertin