"Encore une fois". C'est le titre du troisième album du chanteur canadien Paul Demers, artiste emblématique de l'Ontario français depuis déjà trois décennies. Avec cet opus résolument optimiste, l’auteur compositeur ontarien, dont la carrière a plusieurs fois été interrompue du fait de la maladie de Hodgkin, effectue un retour très remarqué sur le devant de la scène. Avec ce disque de retrouvailles, Paul Demers signe sans doute son projet le plus abouti, celui où il reconnaît s’être le plus donné, parvenant enfin, la cinquantaine passée, à « s’assumer » musicalement.
Oui, de Gatineau qui, à vrai dire, se trouve de l'autre côté de la rivière d'Ottawa, qui est en Ontario. C'est une région où il y a beaucoup de ponts, toutes sortes de ponts, des vrais et des virtuels... La région d'Ottawa-Gatineau compte beaucoup de familles des deux côtés de la rivière; c'est un peu des frères, des cousins... C'est mon père, qui travaillait pour un conseil scolaire à Ottawa, qui a décidé, dans les années 1970, de déménager la petite famille à Ottawa, et j'ai terminé mes études secondaires à l'école Champlain, dans l'ouest de la ville, qui était déjà une école dite bilingue à l'époque... C'est à dire que c'était une école anglophone : il n'y avait pas d'école francophone à l'ouest de la ville d'Ottawa. Les francophones ont fini par obtenir une école, mais il a fallu à l'époque que les francophones cohabitent avec les anglophones au sein du même établissement. Et moi, je suis arrivé en plein là-dedans, venant du Québec, de l'Outaouais, en pleine effervescence nationaliste québécoise. En pleine montée du parti nationaliste québécois. Disons que la crise identitaire qu'on vit tous à l'adolescence a été marquante pour moi car je l'ai vécue dans un milieu minoritaire, côtoyant beaucoup la langue anglaise. C'était un choc au début, mais aussi un tournant parce que les arts m'ont sauvé à l'école. Je me suis beaucoup impliqué dans les spectacles. Et c'est comme ça que j'ai commencé à jouer en public.
Titus - Est-ce qu'on jouait beaucoup de musique chez les Demers ?
Titus - Comme toute famille canadienne-française qui se respecte, en somme...
C'est ça. Dans notre génération, le chant, durant les fêtes notamment, était quelque chose de tout à fait naturel, comme en France d'ailleurs... C'est de votre faute, tout ça ! Le côté latin... On chantait ce qu'on appelle des chansons à répondre, des chansons du terroir, des chansons parfois grivoises. Tout le monde faisait sa petite nouvelle chanson dans le temps des fêtes. Donc, j'ai grandi là-dedans, sans gêne, où je voyais les oncles chanter en toute liberté, en famille, et tout le monde qui répondait en choeur. J'étais donc déjà initié à la chanson a cappella dans les fêtes de famille et, plus tard, les jeunes frères de mon père ont commencé à avoir des instruments, des guitares, et la jeunesse a pris le contrôle de la famille au niveau des choix musicaux. Les oncles vieillissaient, le grand-père vieillissait et les jeunes prenaient de plus en plus de place. J'ai donc grandi dans une ambiance musicale, branchée à la fois sur les Etats-Unis puisque nous étions en Amérique du Nord, mais aussi sur ce qui émanait d'Europe. Et puis c'était l'époque de la montée de notre propre chanson québécoise au Canada.
Titus - Quel fut ton premier instrument ?
Titus - On pense bien sûr à CANO, la coopérative des artistes du Nouvel Ontario, qui était une communauté d'artistes aux disciplines très diverses...
André Paiement, qui a fondé CANO, était tout d'abord impliqué dans le théâtre, et son théâtre était musical. CANO était multi-disciplinaire. On y trouvait vraiment de tout : des photographes, des dramaturges, des musiciens. Et on montait des créations collectives : c'était la mode dans les années 1970. André Paiement a été amené à côtoyer Robert Paquette, qui avait déjà monté des pièces de théâtre étudiant et fait de la musique à l'université. Et j'ai rencontré tous ces gens à ce festival. Et ça a changé ma vie. J'ai rencontré un peuple, le peuple franco-ontarien, en particulier celui du nord de l'Ontario, qui m'impressionnait. Il faut rappeler le contexte de crise identitaire que je traversais à l'époque. Etais-je Québécois, Canadien-Français ou Franco-Ontarien ? J'ai vécu, lors de ce festival, comme une rencontre avec un peuple, dans le fond. Et je me suis tout de suite identifié à eux-autres parce que mon père était plutôt fédéraliste, tout en étant nationaliste. Il n'a jamais été partisan de l'autonomie ou de la séparation du Québec. Il y avait un réconfort dans le nationalisme franco-ontarien parcequ'il ne mettait pas en cause la séparation territoriale. Mais je l'ai toujours vu comme l'extension de la grande nation canadienne-française. Parce que jusqu'à l'émergence du nationalisme québécois, le peuple canadien-français n'était pas confiné à un territoire. Il y avait les gens du Manitoba, ceux de l'Ontario, ceux de l'Acadie. Ces derniers étant un peu particuliers parce qu'ils sont acadiens, c'est à dire d'une autre cuvée. On pourrait dire la première cuvée... Ils ont leur propre identité, leur accent... Mais je dirais que l'extension à l'ouest, c'était nous. C'était beaucoup les Canadiens-Français qui avaient développé le nord de l'Ontario...
Titus - Dans cette mouvance culturelle à laquelle tu as participé, qu'est-ce qui a fait qu'un jour tu décides de choisir le métier de chanteur ?
Titus - Et pour t'avoir vu chanter plus d'une fois, je sais combien tu es une bête de scène...
Je m'y sens très à l'aise. Comme je te le disais, il n'y avait pas de gêne lorsqu'on chantait autrefois au sein de ma famille. Chacun prenait le plancher et chantait sa chanson. C'est sûr que la première fois que je me suis présenté sur une scène à l'école, les pieds me tremblaient sur les barreaux du tabouret tellement j'étais nerveux, mais je me suis rapidement senti assez à l'aise sur scène, à côtoyer ces gens-là, cet univers-là. Et le public me l’a bien rendu aussi. On n’en est pas conscient qu’on est une bête de scène…
Titus – Est-ce que la période au sein du groupe Purlaine a constitué le principal élément déclencheur dans le lancement de ta carrière professionnelle ? Les quelques années passées à Hearst, dans le nord ontarien, semblent avoir beaucoup compté dans ton parcours…
Titus – Qui faisait partie de Purlaine à l’époque ?
A vrai dire, ce devait être au départ simplement des musiciens qui venaient m’accompagner. Parce que j’avais déjà une carrière en solo. Si je me souviens bien, tout cela est parti du troisième festival Théâtre Action qui, cette fois-là, s’était déroulé dans le petit village de Sturgeon Falls, entre North Bay et Sudbury, dans le nord ontarien. Alain Grouette, de Hearst, en était l’organisateur. Il était auteur compositeur, lui aussi, et on avait fait connaissance à cette occasion. La performance que j’avais donnée cette fois-là, l’avait suffisamment emballé pour qu’il décide de prendre contact avec moi quelques semaines plus tard. Il m’a appelé chez moi à Ottawa pour me proposer que lui et son collègue Yves Proulx, qui joue de la basse et de la mandoline, m’accompagnent. Il m’a proposé d’aller les rejoindre à Hearst, dans une immense maison où il y avait de la place en masse pour monter un groupe, faire des répétitions et créer un spectacle. J’ai toujours été un gars de gang, comme on dit chez nous, un gars d’équipe qui aime être entouré, et j’ai opté à l’époque pour la création d’un vrai groupe. Contrairement à l’idée de départ, je ne voulais pas que ce soit « Paul Demers et ses musiciens ». C’est un peu plus tard, à Ottawa, que le nom m’est venu. J’ai pensé à Purlaine, par rapport à l’expression « Canadien-Français ou Franco-Ontarien pure laine ». Le groupe s’est donc appelé ainsi. Et un peu comme les Beatles, on a changé l’orthographe par souci d’originalité et Purlaine s’est écrit en un seul mot.
Titus – Combien de temps a vécu le groupe ?
Environ deux ou trois ans… Assez pour connaître le chemin des studios. C’est la première fois en effet que j’enregistrais en studio. On n’avait pas d’argent à l’époque pour enregistrer des albums, donc on sortait des 45 tours qu’on vendait très bien dans le cadre de nos tournées. C’était la grande époque du vinyle.
Titus – Quelques-unes des chansons de Purlaine sont aujourd’hui devenues des classiques du répertoire franco-ontarien…
Il y a eu notamment la chanson « Un jour j’irai dans le nord », qui a ouvert beaucoup de portes et qui a été jouée sur les radios d’un océan à l’autre. C’était ma déclaration d’amour aux gens du nord, que j’avais découverts lors du premier festival Théâtre Action. Je l’avais écrite entre cette époque-là et l’époque de Purlaine. J’ai tellement chanté le nord que beaucoup de gens croyaient que j’en étais originaire. Ce 45 tours a fait son chemin en tout cas et nous a amenés à nous produire d’un bout à l’autre du Canada, de la Nouvelle-Ecosse à la Saskatchewan.
Titus – Qu’est-ce qui a mis un terme à l’expérience Purlaine ?
« Quand tu blues », extrait du premier album éponyme de Paul Demers (1990), en duo avec la vedette québécoise Laurence Jalbert
Titus – J’aimerais que l’on s’arrête un instant sur cette étape en France… Comment cela a-t-il pris forme ?
Cela a pu se réaliser grâce à des amis français que je salue, Jean-Louis Pasquier et son épouse Christine, qui avaient fondé l’association France-Ontario, qui organisait des échanges touristiques entre l’Ontario et la France. Tout est parti d’un coup de foudre. Ils étaient venus en Ontario en premier et avaient fait le tour de la communauté francophone, qui est disséminée sur un espace extrêmement vaste. Lors de ce voyage, ils étaient tombés en amour avec les Franco-Ontariens et l’Ontario. Ils avaient fait le tour des centres culturels au sein des petites communautés francophones et avaient décidé de recevoir à leur tour les Franco-Ontariens chez eux, aussi bien qu’ils avaient été reçus par nos municipalités. Et ils ont fait la même chose pour moi là-bas. On est allés en Bretagne, en Normandie et dans le sud. J’ai eu aussi l’occasion de faire l’émission « Pollen », de Jean-Louis Foulquier, parce que Jean-Louis Pasquier travaillait à la Maison de la radio. J’y ai même donné un concert. Foulquier, sur le coup, tout de suite après ma performance et en direct à la radio, m’a invité aux Francofolies de La Rochelle.
Titus - Ça n’est pas rien, tout de même…
Non, c’est sûr. Mais j’étais loin de me rendre compte à l’époque que Foulquier était le personnage qu’il était. On le connaissait un peu moins chez nous… C’était vraiment immense et je ne m’en rendais pas compte. Jean-Louis Pasquier sautait de joie dans les coulisses quand il a entendu ça… Les deux plus beaux festivals où j’ai joué, c’était La Rochelle, et le festival international de la Louisiane, à Lafayette. Ce sont deux festivals extraordinaires. L’artiste y est toujours bien reçu, peu importe son statut, qu’il soit une vedette, une nouvelle tête d’affiche ou un parfait inconnu. On s’y sent considéré en tant qu’artiste. J’avais beaucoup aimé les Francofolies, où Foulquier m’a reçu comme un frère. Il était vraiment très chaleureux. Quand il était dans un café, que ça soit à Montréal, par la suite, ou là-bas, et qu’il était entouré des plus grandes vedettes, il m’invitait à sa table. Je faisais partie de la gang. Il m’a ouvert une grande porte !
Partie de pétanque avec, entre autres, Romain Didier, lors de la tournée de Paul Demers en France.
Titus – Tu faisais allusion à l’instant à ton concert de Lafayette, en Louisiane. Je ne pouvais pas m’empêcher de penser à ta chanson « Zydaco pour Magali » qui racontait cette expérience…
Titus – Une belle histoire…
En revenant de Lafayette, j’étais très emballé par la chaleur des Acadiens et les belles femmes de Louisiane. On y avait été très bien reçus par tout le monde. Même s’ils ont perdu des plumes pendant une ou deux générations au niveau de la francophonie, on a pu voir à quel point ils étaient fiers de leurs racines. Ils sont parfois un peu complexés de parler français mais ils ne devraient pas car leur langue nous rappelle le français de l’Acadie, le vieux français. Je suis vraiment tombé en amour avec ces gens-là. Avant d’aller en Louisiane, j’avais déjà beaucoup d’affection pour Zachary Richard et je m’intéressais beaucoup à cette musique-là qui était tout à fait originale.
Titus – Tu as rencontré Zachary Richard ?
Au festival de Lafayette, il y avait des bénévoles qui s’occupaient de nous, et ils m’ont offert d’aller voir la maison paternelle de Zachary. Son père était en train d’arroser les fleurs alors j’ai commencé à jaser avec lui. Dans la même semaine, j’ai vu Zachary aussi, et ses musiciens. D’ailleurs, il était prévu que ses musiciens jouent sur ma chanson « Zydaco pour Magali » parce que je voulais avoir le son le plus vrai possible. Mais c’est à cette époque que je suis retombé malade. Si bien que ce plan-là a dû être abandonné. J’ai dû me battre une seconde fois avec la maladie. Ça a retardé beaucoup de choses, dont mon premier album. Cet album est sorti juste après cette période-là, quand j’ai vu que ma chanson « Mademoiselle » avait pas mal de succès. J’avais par ailleurs accumulé un certain nombre de chansons que je jouais en spectacle…
Titus – Ce premier album est devenu un classique. On y retrouve notamment la fameuse chanson « Notre place », qui est aujourd’hui un hymne pour les Franco-Ontariens… C’est une chanson qui résume assez bien le militant que tu as toujours été…
La chanson de Paul Demers, "Notre place", interprétée par Paul Demers, Robert Paquette, Chuck Labelle, Serge Monette et Michel Bénac du groupe Swing, pour clore le Téléthon organisé le 26 février 2011 à l'occasion du 25e anniversaire de la Fondation franco-ontarienne.
Titus – Pour les Français qui nous liront, justement, à combien évalue-t-on aujourd’hui le nombre de Franco-Ontariens par rapport à la population globale de l’Ontario ?
On parle d’un demi-million de francophones pour environ six millions d’habitants. Les francophones sont particulièrement établis dans l’est ontarien et le nord. Historiquement, cependant, les francophones sont établis jusqu’à la région de Detroit et Windsor. C’était le territoire de la Nouvelle-France. On parle ici de 400 ans d’histoire francophone en Ontario. Même chose dans la région de Penetanguishene, la Huronie, où ont eu lieu les premiers rapports entre les missionnaires français et les Hurons, les Amérindiens de l’époque. L’industrialisation et l’église, en encourageant l’établissement de paroisses catholiques à travers la province, ont aussi beaucoup contribué au développement de la francophonie. On vantait, aux ouvriers sans emploi, l’existence de belles terres en Ontario et c’est comme ça que les Canadiens-Français se sont éparpillés un peu partout au Canada. Depuis les années 1960-70, avec la pression du nationalisme québécois, les francophones du pays ont ressenti le besoin de se positionner par rapport à ça, et leurs revendications se sont précisées au fil du temps, réclamant le droit à leurs propres institutions : les écoles, les universités, les médias (radio et télé). Le mouvement des radios communautaires a ainsi germé. Des stations se sont ouvertes dans de petites communautés à travers la province. C’était l’époque du premier ministre fédéral Pierre Trudeau qui, par réaction au nationalisme québécois, proposait que les francophones prennent leur place dans leurs provinces respectives. Son idée était de convaincre ce que nous appelons les « deux solitudes », le Canada anglais et le Canada français, qu’il y avait de la place pour tous et qu’il fallait juste la prendre, sa place. Tout cela entrait naturellement en contradiction avec le nationalisme québécois qui disait que le jeu n’en valait pas la peine. Personnellement, j’ai pris position pour mes frères francophones qui se battaient partout au pays. J’estimais que cette cause valait la peine d’être chantée.
Titus – Après 30 ans, est-ce que tu dirais aujourd’hui que la situation des francophones s’est améliorée, ou pas ?
Titus – Un certain nombre d’années se sont écoulées avant la sortie de ton deuxième album « D’hier à toujours », sorti en 1999.
Je ne suis pas le plus prolifique des auteurs compositeurs puisque je n’ai enregistré que trois disques en 30 ans. La maladie n’a pas facilité les choses, naturellement. J’ai connu quelques embuches qui ont réduit mes ardeurs... Il y avait des priorités qui étaient plus importantes. Mais le besoin de créer a toujours été là… Le besoin de faire de la scène a toujours été là. Mais l’enregistrement d’un album est toujours une aventure un peu ardue, financièrement notamment. C’est aussi un projet qui doit mûrir et qui demande plusieurs années. Un album, c’est un engagement de trois ou quatre années au minimum. Ça demande beaucoup d’énergie pour quelqu’un, comme moi, qui n’est pas à 100 %.
"Les années simples", chanson extraite du deuxième album de paul Demers, "D'hier à toujours" (1990) :
Titus – Dans quel contexte a-t-il vu le jour ?
"L’orage passera", autre single de l'album "D'hier à toujours" :
Titus – Il y a eu trois albums en tout, mais entre la sortie de chacun d’eux, Paul Demers n’a jamais réellement arrêté. Je me rappelle notamment, au milieu des années 1990, de t’avoir vu jouer aux côtés de deux autres musiciens illustres de l’Ontario, Marcel Aymar et Robert Paquette, avec lesquels vous aviez créé le trio PAD (Paquette-Aymar-Demers).
J’avais toujours admiré Robert et Marcel pour ce qu’ils faisaient ; ils avaient quand même été des mentors pour moi… J’étais arrivé quelques années après eux. Robert était un peu notre Félix Leclerc à nous ; il a ouvert le chemin à tous. Il a été le premier à percer à Montréal et ailleurs, où il a fait connaître l’Ontario français. Et Marcel avait creusé son sillon avec le groupe CANO, au côté d’André Paiement. On se côtoyait assez souvent sur scène ; on chantait même ensemble dans certains spectacles, et j’avais le goût d’offrir ça aux diffuseurs. J’en ai parlé à Robert en premier et lui a appelé Marcel. Et l’idée était de lancer ce qu’on appelle un « ghost band », un peu à l’image de ce que faisaient Tom Petty et Bob Dylan avec les Travelling Wilburys. Se réunir autour d’un projet pour le plaisir de travailler ensemble et de voir ce que ça pouvait donner…
Titus – Je garde un très grand souvenir du concert que j’ai vu. C’était un peu magique de vous voir tous les trois sur une même scène…
Titus - C’était une époque fabuleuse, qui n’a pourtant pas donné lieu à un album…
Ça a surtout été une aventure de scène. On avait commencé à faire un album… Mais même si nous sommes trois bons amis, ça n’enlève rien au fait que nous sommes trois grosses têtes. Nous avons l’habitude de travailler chacun de notre côté et à mener nos propres carrières. Ça a ses avantages et ses inconvénients. A la même époque, je commençais aussi à avoir de plus en plus de chansons et j’avais le goût de faire un deuxième album. On s’est consacré à nos propres projets. Marcel a lui aussi préparé son propre album solo.
Titus – Parlons maintenant si tu veux bien du troisième album, « Encore une fois », qui est sorti cet automne, et qui est un accomplissement incroyable. J’ai l’impression que tu y as mis beaucoup de ta personne, non ?
Titus – On a l’impression d’un album à portée vraiment universelle, peut-être plus que par le passé, même si ton œuvre ne s’est jamais recroquevillée sur la réalité franco-ontarienne… Je crois qu’on peut l’écouter d’un bout à l’autre de la Terre et qu’il y a là des refrains susceptibles de parler à tout le monde…
Tu me fais plaisir car c’est tout à fait le sens de ma démarche. La première chanson du disque, « J’pensais pas », est d’ailleurs un clin d’œil à « Notre place ». J’y dis ceci : « J’pensais jamais que Notre place prendrait toute la place ». Mais on peut interpréter cette image de différentes manières : on peut penser à la vie de couple ou à la communauté tout entière.
Lors du lancement du troisième album "Encore une fois", la chanson "J'ai ben le goût de recommencer" :
Titus – Cet album s’appelle « Encore une fois ». Est-ce que tu peux nous expliquer le choix de ce titre ?
Titus – « Encore une fois » est aussi une superbe chanson d’amour.
C’est plein de tendresse, un peu à l’image de « Mademoiselle ». J’ai toujours eu un côté tendre en moi. On est dans l’intimité dans cette chanson-là. C’est la deuxième fois que j’utilise un son d’accordéon sur l’un de mes albums. La première fois, c’était sur « Zydaco pour Magali ». Là, c’est beaucoup plus proche du bal musette que de la musique cajun, mais c’est un instrument organique, romantique. C’est une chanson qui cherche la paix dans le couple. Parce qu’on vit tous des moments qui sont orageux dans nos vies, et puis on cherche un havre de paix à un moment donné.
Titus – Il y a un très beau moment de folklore, aussi, avec la chanson « Eteins la lampe », qui me fait tout de suite penser à l’Ontario français. C’est une chanson extraordinaire où l’on retrouve plusieurs autres pointures de la chanson ontaroise et qui constitue un très bel hommage à Guy Lizotte, poète originaire de Hearst qui n’est plus de ce monde.
Un poète franco-ontarien qui, lui aussi, n’a publié que deux recueils. Mais il s’est beaucoup impliqué dans la communauté. Il fut l’un des fondateurs de la radio communautaire de Hearst. Aujourd’hui, ces stations sont partout en Ontario et sont même regroupées au sein de diverses associations. Je l’avais rencontré lors d’un festival Théâtre Action. C’était un poète qui assumait totalement son côté nordique et habitait dans sa cabane au Canada, pour glisser une référence qui parle aux Français. Je l’ai connu dans son « shack », comme on dit chez nous, sa cabane au milieu des bois. J’ai passé un peu de temps à Hearst du temps de Purlaine, et une journée, il est arrivé dans la maison de la rue Alexandra, où on habitait. Il gratouillait un peu la guitare et il m’avait chanté le texte d’ « Eteins la lampe » sur deux accords et un semblant de mélodie. Dès cette époque, je l’avais insérée dans le répertoire de Purlaine. Donc, c’est une chanson qui voyage avec moi depuis 30 ans mais que je n’avais jamais mise sur un album. Elle passe généralement très bien en spectacle. Elle est à la fois politique et humoristique. C’est une chanson heureuse qui manifeste le goût, le plaisir et l’amour de la nature. C’est comme une invitation à aller lui rendre visite dans sa cabane au Canada…
Titus – Et vous l’avez bien rendue en la chantant à trois voix. On sent une ambiance vraiment très chouette, émaillée d’éclats de rire…
Titus – Même si on traverse une époque un peu morose, il y a sur cet album quantité de chansons revigorantes, porteuses d’espoir, à l’image notamment du morceau « Ensemble », dont le refrain résonne comme un hymne. C’est une chanson à se passer le matin en boucle pour bien commencer sa journée, non ?
Encore une fois, c’est une chanson qui est optimiste à l’image d’un disque qui est un album de retrouvailles. Des retrouvailles entre moi et mon public. C’est toujours sur deux niveaux comme tu peux le voir. Ça peut prendre bien des lectures.
Impromptu tourné en coulisses, la chanson "Ensemble" avec Robert Paquette :
Titus – Ce qu’il y a de bien avec Internet, c’est qu’on peut aujourd’hui vivre à Brest, en Bretagne, et lire l’hebdomadaire L’Horizon de Kapuskasing, ville du nord où tu as récemment présenté ton album. J’ai trouvé cet article qui relate ton passage et les critiques sont dithyrambiques. Les gens semblent enchantés de ces retrouvailles…
Absolument. Un journaliste du nord de l’Ontario a écrit que c’était un album qu’on n’attendait plus. La plupart des gens me disent qu’ils espèrent que je ne mettrai pas douze ans pour écrire le prochain…
Titus – Et est-ce que tu viendras le présenter en France, ce nouvel album ?
A l’âge que j’ai aujourd’hui, si cet album pouvait me refaire voir tous les coins de pays que j’ai vus durant ma carrière, j’en serais vraiment ravi. J’adorerais revenir en Bretagne, à La Rochelle.
Propos recueillis par Titus le 4 décembre 2011. Tous droits réservés. Photo DR.
Le site de l'APCM : livraison en une semaine environ depuis le Canada. (Album vendu 12 $ CAN + frais de port, soit une douzaine d'euros).
POUR EN SAVOIR PLUS
Le site officiel de l'artiste.
Le blog du designer ayant conçu la pochette d'Encore une fois.