Poezibao a reçu n° 195, dimanche 11 décembre 2011

Par Florence Trocmé

Cette rubrique suit l’actualité éditoriale et présente les derniers ouvrages reçus par Poezibao. Il ne s’agit pas de fiches de lecture ou de notes critiques et les présentations font souvent appel aux informations fournies par les éditeurs.  
Devant l’afflux de livres, Poezibao n’est plus en mesure de présenter chaque livre reçu de façon détaillée. Tous les livres reçus seront donc cités mais une partie seulement d’entre eux fait l’objet d’une présentation plus complète, accessible en cliquant sur « lire la suite de… » - pour les autres livres, Poezibao s’efforce de trouver des informations en ligne et donne les liens correspondants. 
  
 
○Rose Ausländer, Je compte les étoiles de mes mots, Éditions Héros-Limite 
○Jean-Paul Michel, Je lis Hölderlin comme on reçoit des coups, Ich lese Hölderlin, wie man Schläge einsteckt, Verlag im Wald, William Blake and Co 
○Revue If, n° 35bis 
○Ernesto Cardenal, Poèmes de la révolution, le Temps des cerises 
○Ernesto Cardenal, Oraison pour Marilyn Monroe, Le Temps des cerises 
○Jean-Michel Platier et Thierry Renard, Crever la route, Les Cahiers de l’indocile 
○Philippe Delaveau, Ce que disent les vents, Gallimard 
○César Vallejo, Tungstène, Le Temps des cerises 
○Brigitte Gyr, Parler nu, Lanskine 
○Revue Décharge, n° 152 
 
 
À propos de ces dix livres et revues, lire une présentation détaillée en cliquant sur « lire la suite » 
 
  et aussi 
○Claire Ceira, Voir, regarder-voir-, Polder, lire un extrait 
○Geneviève Raphanel, L’autre présence, Rougerie, 12€ 
○Guillaume Decourt, La Termitière, Polder, sur la collection Polder 
○Amandine Marembert, n’écris plus, je ne répondrai pas, en savoir plus 
○Fawzi Karim, Non, l’exil ne m’embarrasse pas, Lanskine, site de l’éditeur 
○Alain Corbellari & Pierre-Marie Joris, Florides helvètes de Charles-Albert Cingria, Infolio, site de l’éditeur avec fiche du livre 
Cippe à Charles-Albert Cingria, un recueil d’hommages, Infolio, sur le site de l’éditeur, fiche du livre 

  

Rose Ausländer, Je compte les étoiles de mes mots, traduit de l’allemand par Edmond Veroul, Éditions Héros-Limite, 2011, 108 p., 8€, site de l’éditeur 
 
La collection « feuilles d’herbe » propose dans une édition bilingue un recueil de poésie de Rose Ausländer traduit par les soins d’Edmond Verroul. Ce recueil, le dernier de la poétesse, s’intitule Je compte les étoiles de mes mots. Éloignés du lyrisme et de l’obscurité, les poèmes, très courts, forment de petites phrases, qui ne sont pas sans ressembler dans leur brièveté et leur fragilité aux haïkus japonais. La recherche de la simplicité ainsi que celle de Dieu traversent de manière diaphane l’ensemble de ces poèmes de la fin et de la finitude. La poète se consacre à la nuit, trois ans avant le grand arrêt, le grand regret. Cette fois l’exil est un retour chez soi, de l’autre côté, dans l’absolument inconnu. 
Rose Ausländer est née le 11 mai 1901 à Czernowitz, capitale de la Bucovine, alors région autrichienne. Elle fait partie de la communauté juive allemande, au même titre que Paul Celan qu’elle rencontrera à deux reprises. Elle fera des études littéraires et philosophiques à l’Université de Czernowitz, avant d’immigrer aux États-Unis avec son futur mari qui lui donnera le nom d’Ausländer qu’elle portera si bien, puisqu’elle passera sa vie, aussi bien en Amérique qu’en Europe, en exilée, en perpétuelle étrangère. Elle retournera en Europe dans les années trente pour rejoindre sa mère et échappera à la déportation en s’enfuyant aux États-Unis en 1941.
Du traumatisme de la Seconde Guerre mondiale, elle se résoudra à ne plus écrire dans la langue de l’occupant et se réfugiera dans celle anglaise qui deviendra sa nouvelle patrie. C’est lors d’une rencontre avec Paul Celan en 1957, et après avoir épuisé la langue d’accueil, qu’elle retrouvera la force et le sens d’écrire dans sa langue maternelle. De retour en Europe dans les années soixante-dix, elle s’installera à Düsseldorf. Malade, elle entre dans une maison de repos portant le nom d’une autre poète juive allemande, Nelly Sachs. Elle y restera jusqu’à sa mort en 1988, vivant dans son lit, à lire et à écrire. Elle aura écrit plus de 3000 poèmes.
Auteur discrète et inconnue, la chance voulut qu’à Düsseldorf, l’éditeur Helmut Braun lui rende ses lettres de noblesse, en publiant ses œuvres complètes. Pourtant, en France, elle tarde à se faire connaître aujourd’hui encore. (Prière d’insérer) 
 
 
Jean-Paul Michel, Je lis Hölderlin comme on reçoit des coups, Ich lese Hölderlin, wie man Schläge einsteckt, Edition bilingue, texte original frnaçais, traduction allemande par Rudiger Fischer, Verlag im Wald, William Blake and Co, 2011 16 p., 7€ 
 
« Je lis Hölderlin comme on reçoit des coups.
Ainsi de Pascal, de Mon cœur mis à nu, de Fiodor Dostoïevsky, de quelques autres.
Ces livres sont faits pour battre, en nous, « le cœur », comme pierres.
On revient à leur voix par besoin – de violence, qui lave.
Les a-t-on véritablement connus, soufferts, éprouvés par chacun de ses nerfs, qu’on ne peut plus lire rien d’autre sans connaître ce qu’a de dérisoire, alors, un livre qui ne nous fasse nu davantage.
Ils vont à l’obscène, ces livres.
Il faut les craindre. »  
 
Revue If, n° 35bis, 12€ 

Au sommaire de la revue un ensemble sur Pasolini avec des textes de Andrea Inglese, Stéphane Bouquet et 11 poèmes inédits de l’auteur ; et des contributions de Catherine Weinzaepflen, Adilia Lopes, Eric Houser, Annie Zadek, Julien Blaine ; et un article d’Yvan Mignot « Lénine, Khlebnikov, la famine ».  

 
 
Ernesto Cardenal, Poèmes de la révolution, présentation, traduction et notes de Bernard Desfretières, édition bilingue, le Temps des cerises, 2011, 250 p., 14€ 
○Ernesto Cardenal, Oraison pour Marilyn Monroe, traduit de l’espagnol (Nicaragua) et présenté par Claude Couffon. Edition bilingue. Le Temps des cerises, 2011, 190 p., 10€ 
site de l’éditeur 
 
Deux livres du poète nicaraguayen. 
Né en 1925, le poète nicaraguayen Ernesto Cardenal, prêtre et fondateur de la communauté contemplative de Solentiname, a également été Ministre de la Culture après le triomphe de la révolution sandiniste en 1979. Sa poésie est l'une des plus originales d'Amérique Latine mêlant préoccupations sociales, valorisation des cultures indigènes et un certain mysticisme. 
→Les Poèmes de la révolution (Vols victorieux) nous donnent à voir Cardenal poète, moine et militant politique. On trouve dans ce recueil des poèmes écrits pendant la période entourant la révolution sandiniste. Ernesto Cardenal s’appuie sur des expériences, ses souvenirs, sur des anecdotes pour plonger dans l’humain, parfois l’inhumain. Il y dénonce les horreurs infligées aux plus humbles et chante leur combat pour établir un monde plus juste. Ce recueil, à la fois épique et lyrique, reprend les thèmes éternels : Dieu, le cosmos, la nature, la mort, l’amour… Sa composition reflète la puissante vague de fond qui a soulevé le Nicaragua lors de la révolution : enthousiasme au moment de la victoire, admiration devant l’œuvre accomplie et hommage aux martyrs, artisans de ce changement. 
→Ernesto Cardenal est un poète engagé qui recourt avec bonheur à l’humour, un poète épique qui refuse l’emphase, un poète didactique qui a le sens du mystère, un homme de foi et de raison fervent. Dans son oraison pour Marylin Monroe, il se fait l’avocat de l’actrice auprès de Dieu, après son suicide en 1962, par un poème qui le situe au plus haut de la poésie universelle.  
 
 
Jean-Michel Platier et Thierry Renard, illustrations de Roxane Maurer, Crever la route, Les Cahiers de l’indocile, 121 p., 10€ 
 
Avertissement 
Le temps passe, les hommes filent, les générations se succèdent mais les mots demeurent. C'est pourquoi toute tentative pour apporter ici ou là quelques réponses est salutaire. Les champs magnétiques de Philippe Soupault et André Breton, Aisha de Serge Sautreau et André Velter, comptent parmi ces ouvrages utiles qui continuent d'agiter, longtemps après leur parution, les chapes de plomb du verbe et les couvercles de l'ennui. 
Poésie, amour et liberté sont les trois rêves fous qui doivent, coûte que coûte, tourner toutes les pages de nos livres. Avec Crever la route, Jean-Michel Platier et Thierry Renard ouvrent à nouveau les portes de la chambre d'échos. 
La filiation est assurée. Les émotions ont des habits neufs ! Vous allez pouvoir vous laisser porter par les vents sur les routes de la révolte et de l'amour, et vous laisser saisir, aussi, au bond. 
Ne vous vivez pas en désespérés, mais vivez plutôt à l'enseigne de la poésie, du côté des crêtes et de la lumière. Sans trop tarder, mangez ce livre. Et faites de votre existence un grand bal de printemps, ordinaire et subjectif. Aucun hasard ne mérite d'être épargné. 
 
 
Philippe Delaveau, Ce que disent les vents, Gallimard, 2011, 136 pages, 18€, 
 
Un seul thème, le vent, et toutes ses déclinaisons possibles : le voyage, les tourments, les désirs, l'esprit, la voix, le silence, etc. Après Saint-John Perse, mais d'une façon plus moderne, Philippe Delaveau donne rythmes et couleurs à un élément essentiel de la vie. Ses poèmes sont d'une musique exigeante et maitrisée. À la complexité de certains répond la fluidité lyrique des autres, mais tous finalement ont un côté « aérien ». 
(site de l’éditeur) 
 
César Vallejo, Tungstène, roman, traduit de l’espagnol par Nicole R2da Euvremer, Le Temps des cerises, 140 p., 14€, site de l’éditeur 
 
César Vallejo, malgré la brièveté de son œuvre, est considéré comme le poète péruvien le plus novateur de tous les temps. Il est certainement (avec Pablo Neruda et Vicente Huidobro) l’un des plus grands poètes latino-américains du XXe siècle, celui qui a sans doute le plus transformé le langage. Il est mort en 1938 en exil à Paris, où il est enterré,.
Dans ce roman, il montre l’exploitation des mineurs indigènes dans les mines de tungstène au Pérou.
« L’amour profond que Vallejo porte à l’Homme va être, vers la fin des années vingt, renforcé par la théorie de l’action collective. [..] Certains critiques, comme son ami Juan Larrea, ont voulu considérer que la rare diffusion de son œuvre narrative était due à la leçon politique trop explicite. Mais il faudrait alors faire silence sur une part de sa production et négliger tout un pan d’une œuvre qui a sa cohérence interne et sa force propre. Cette traduction de Tungstène veut donc revenir sur cette « mise à l’écart » et donner à lire une œuvre méconnue de Vallejo dont les pages ont aussi une grande force de conviction. » (extrait de la préface) 
 
 
Brigitte Gyr, Parler nu, Lanskine, 2011, 60 p. 10€ 
 
Parler Nu suivi de On désosse le réel de Brigitte Gyr, c’est un peu le tissage d’un passé - présent dé- et recomposé, images entrevues, langue épurée, friable, en quête d’un réel fragmentaire, parfois incompréhensible, souvent trahi par la mémoire.
Douceur de l’instant, confrontée à la violence de la terre, des corps - partie prenante du monde et de son devenir : «  à l’instant de se noyer/ de rejoindre les fragments épars du monde/un filin en métal/parcourt en aveugle/le fond des mers en étrangle/la chronique … » 
 
Revue Décharge, n° 152, 6€ 
 
Au sommaire de ce numéro, notamment François De Cornière, Tomas Tranströmer, Erich von Neff, Sabina Lorenz et Michel Valprémy... 
Illustrations d'Antiocha Ouachir