Jean-René Lassalle avait déjà donné à Poezibao un premier ensemble de textes de Franz Josef Czernin. Il propose aujourd’hui cette traduction de quatre « sonnets des quatre éléments ».
Ces poèmes sont inclus dans une édition préparée par Jean-René Lassalle et qui vient de paraître aux éditions Grèges, Le Labyrinthe d’abord invente le fil rouge (présentation du livre)
SONNETS DES 4 ÉLÉMENTS (extrait)
sonnet (terre)
l’édifice sombre qui à corps perdu par moi se sonde,
où tous passages nommément se croisent, se confondent,
quand les espaces vers moi se tendent, mur tournant
après mur m’inversant derrière parois me contournant :
puis les pièces me fuient, car le cercle j’ai bougé,
de nous envahir lieu a cœur, il bat pour garder
les fondements, pierre à pied, pour en élan suant
presque sang, que les trous se comblent par le pesant
et les grands mouvements : en masses obscures vivement,
nous nous tenons, à l’un sur l’autre s’arc-bouter,
en chambre étroite, cellule, pareils nous insérant
dans tous coins et côtés ; enfin rendus on est,
haut partis, échafaudés jusqu’à en entier
se saisir : - quelle douleur secoue cette maison !
erde, sonett
der dunkle bau, der leibhaft sich durch mich erkundet,
dass all die gänge namentlich sich kreuzen, queren,
da räume laufend nach mir greifen, wand umrundet
um wand mich, hinter allen mauern umzukehren:
wie mich jetzt zimmer fliehen, da selbst ich dreh den kreis,
ort herzlich uns heim suche, schlagend zu gewähren
die gründe, stein wie bein, bis durch den schwung, den schweiss,
ja, blutigernst sich lücken füllen mit dem schweren,
den grossen stücken: wie lebhaft die, in finstern massen,
auf uns wir halten, ineinander stützen, streben
in engster kammer, zelle, uns gleich anzupassen
an allen ecken, enden; wie wir uns ergeben,
getürmt, doch auch bedacht, hautnah so ganz erfassen
einander: - wie schmerzhaft muss dies haus erbeben !
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sonnet (eau)
la mer, elle résonne en son nom traversée,
car tempête en son verre l’envie d’un ouvrant,
où toutes écumes elles-mêmes en lèvres sont avivées,
afin que l’eau hisse nos couleurs, s’y mijotant
son image en un œil : bleu en nous s’est concentré,
inondant le regard, quand résolvons l’océan,
creusant son flot au fond, nous donnons ruisselés
aux vagues, à la mer, parole nous éclairant :
sera la voile entière, repliée redéployée
en chaque point, que larmes et gouttes emmêlées,
d’un seul jet nous remettent, sur ce même bateau,
à en perdre nord et barre, dans cette langue : niveau
annonce renonce sa source, qui dans les choses
et entre ces traits saisit des lignes : règle s’est apaisé ?
wasser, sonett
das meer, es wird durchkreuzt, im eignen namen laut
da im glass wasser stürmt, als öffnung vor zu schweben,
wie all die schäume sich mit lippen selbst beleben,
dass wasser unsre farben spielt, zusammenbraut
sein bild als aug: aus blauem sich das durch uns staut,
blick bis zum rand zu füllen, da auf die see wir heben,
von grund auf schwall ausschöpfend, wir auch fliessend geben
dem meer, den wellen wort, das unsern lauf rein schaut:
gestrichen wird, auch an- wie aus-, das ganze segel
an jedem punkt, dass tränen, tropfen sich durchdringen,
aus einem guss, in einem boot auf uns zu bringen,
ja, lösend ruder, blatt mit dieser zunge: pegel
auf- es und angibt mit der quelle, die in dingen
und zwischen zügen, zeilen fasst: stillt dies die regel?
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sonnet, monadique (feu)
simple étincelle, livrée à soi se propageant
face à ces ténèbres, pour moi brûlant je jaillis,
dans mon sens sensitif objectif, me conditionnant
luis dans espace, image dans ce cercle saisie
parais lumineux ; convoitant, fulgurant, m’enfermant
en nuit de l’esprit, fait pour moi, de sagesse incarneur
dans propre matière, sous son feu, avec éclat traversant,
enflammé par les racines, des cheveux, sur mon ardeur
partout tressaillant ; si clair dans toute l’obscurité
rayonnant me suis moi-même allumé, le regard,
en flammes, déliant les langues jusqu’à dernière lueur :
m’éclairant moi-même, au but petit à petit
arrive en cendres ; dans l’extinction dispersé
noirci par moi-même, retombe loin dans le noir.
feuer, sonett (monadisch )
ein funke nur, auf sich allein selbst überspringend
vor all der finsternis, ich mir aufblitze heiss,
so eigen sinn- wie sachlich werde, mich bedingend
besterne rings, gebannt so bildsam in den kreis
anscheine licht; liebäugelnd, funkelnd, mich umringend
in der umnachtung, mir gemacht bin leibhaft weis
im eignen zeug, befeuert, glanzvoll dies durchdringend,
entbrannt mit haut mir, haar, auf eigenes geheiss
allseits durchzuckt; wie hell in all der dunkelheit
mir strahlend bin geraten selbst in glut, den blick,
in flammen stehend, zungen löse bis zum letzten deut:
mir selbst schon gehend auf, zur sache stück für stück,
zur asche komme; im verlöschen ausgestreut
schwarz selbst durch mich, ins schwarze falle tief zurück.
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sonnet (air)
ce qui nous chasse en ombre et brume pêle-mêle,
hantant ses sombres affaires vous écarquille,
les oreilles cassant, s’insinue en moi d’un souffle,
m’aborde déborde, dissimulé, oscille vacille
ainsi se tisse ; quand m’échappe l’espace dans un flot,
vous fébriles devenez fantômes obscurs, l’arraché
hérisse la nuque, susurre et sans voix nous frôle
et mue, frappe au noir, en moi circule et débouche.
de quelle vapeur se concentre-t-il, l’air épais,
orageux, débite ses hermétismes, crisse en nous
par ma bouche, siffle de ses doigts couche après couche.
pour être sous la forme exigée nous secoue,
me creuse gueule grande, l’œil nous crève, visage étranger
montre son sens le plus vrai : qu’est-ce qui s’est incarné ?
luft, sonett
was schatten-, schleierhaft uns durch einander scheucht,
umher sich geisternd dunkel treibt, euch im aufbinden,
schmerzlich die ohren spitzt, mich leis anhaucht, einschleicht,
rauscht ab wie an, verhohlen, schwankend, so im schwinden
ist angesponnen; wir mir ort um schwall entweicht,
seid schreck- wie schemenhaft verfinstert, zeug entwunden
im nacken sträubt, einflüstert, stimmlos uns umstreicht
und –schlägt, schwarz trifft, verkehrt durch mich bevor zu munden.
aus welchem dunst es sich zusammenballt, luft dicht,
ja dick wird, wild aufschneidend, durch uns selbst aufkreischt,
aus meinem atem, fingern saugt sich schicht für schicht.
aufschaukelnd uns es dergestalt zu sein erheischt,
mir kluft, gross maul, aug uns reisst auf, dies fremd gesicht
zu zeigen wahr im sinn: was hat sich dadurch eingefleischt?
Texte allemand extrait de : Franz Josef Czernin : elemente, sonette, Hanser, Francfort 2002.
Traduit de l’allemand (Autriche) par Jean-René Lassalle.
Texte français extrait de : Franz Josef Czernin : Le Labyrinthe d’abord invente le fil rouge, Grèges, Montpellier 2011.
Franz Josef Czernin dans Poezibao :
bio-bibliographie et première série de textes traduits par Jean-René Lassalle. Présentation du livre Le Labyrinthe d’abord invente le fil rouge, Grèges, Montpellier 2011
[Choix, traduction et présentation de Jean-René Lassalle]