Quand ça ne veut pas marcher, ça ne marche pas. Malgré des torrents de subventions publiques de par le monde, malgré, même, une assourdissante campagne alarmiste en faveur des énergies renouvelables qui ne font pas de mal à la Terre Nourricière, … le photovoltaïque peine à approcher, même de loin, la rentabilité. Ce qui se traduit, en France, par … des faillites.
Cette semaine, j’ai donc découvert, pas du tout surpris, qu’une entreprise de production de panneaux photovoltaïques, PhotoWatt, n’arrivait plus à écouler ses panneaux. Le quatre novembre dernier, la société a décidé de se placer en redressement judiciaire. Pourtant, vu son historique, on aurait pu croire que la société avait de beaux jours devant elle : issue de la recherche appliquée sur le photovoltaïque, elle développe plusieurs technologies qui deviennent des références.
Mais petit-à-petit, le syndrome de l’intervention étatique se fait sentir, en deux temps.
Le premier se passe fort bien : à mesure que les excitations écologiques gagnent la population et les élus divers et variés, l’entreprise reçoit de multiples subventions, qui, couplées aux mécanismes de rachat d’électricité photovoltaïque imposés aux producteurs traditionnels, vont lui permettre d’écouler sa production sans trop de problème.
Dans un second temps cependant, la demande goulue de panneaux provoque l’appétit d’autres producteurs, de moins bonne qualité, certes, mais surtout nettement moins chers, en provenance notamment de Chine ; et c’est là qu’on ne peut pas être surpris : d’une part, il était assez prévisible que la bonne grosse subvention (qu’elle soit à la production ou à la consommation) attirerait un maximum de monde, augmentant rapidement la concurrence pour l’entreprise française. D’autre part, à mesure que la difficulté de produire des panneaux diminue, le nombre d’entreprises susceptibles de se positionner sur le marché augmente.
Le syndrome de l’intervention étatique a, en outre, un autre effet, plus pernicieux et bien plus difficile à déceler : l’argent tombant facilement pour l’entreprise chouchoutée par les pouvoirs publics, l’incitation à se tenir toujours sur la brèche, à innover sans arrêt et à produire toujours moins cher est nettement amoindrie. Si l’on y ajoute une certaine frilosité bien française à s’installer à l’étranger et exporter dans de grandes quantités (qui permettront, à la production, de négocier plus âprement les prix des matières premières), on comprend que le nœud coulant du cocon franchouillard s’est resserré sur le cou de l’entreprise.
Et ce qui devait arriver arriva : l’entreprise s’est retrouvée distancée de tous les côtés, très rapidement ; on peut noter, par exemple, que si certains industriels lorgnent, les babines déjà humides, vers l’invention de Michael Grätzel — des panneaux solaires d’un coût très compétitif basés sur la photosynthèse — la société française semble n’en pas faire mention dans ses projets stratégiques pour sortir de la panade gluante dans laquelle elle s’est bien enfoncée.
Pendant ce temps, les salariés, pour lesquels on pressent un avenir un peu sombre, ont choisi une voie originale pour faire connaître leur entreprise en introduisant un super-héros, Superwatt, dont le muscle doit malheureusement beaucoup plus aux subventions généreusement distribuées par la puissance publique qu’à de longues séances en salles de muscu. D’un autre côté, on peut se dire que ça nous change des éternels pneus brûlés devant des préfectures, avec les indépassables drapeaux de la CGT propulsés par de rondouillards délégués, toutes merguez de sortie, préparant l’inaction syndicale du midi.
En revanche, ce qui ne change pas d’un millimètre au tableau touchant de cette entreprise se débattant dans le caca républicain français, c’est la réaction des zotorités et de nos représentants étatiques de tous bords. Si, d’un côté, Superwatt semble un tantinet dopé à la subvention mais tente le tout pour le tout pour sauver son costume, de l’autre, les élus n’en loupent pas une dans la médiocrité.
Comme l’environnement, le photovoltaïque et la distribution d’argent des autres sont devenus, spontanément (?) et sur les cinq dix vingt dernières années le leitmotiv des gouvernements pour tenter de trouver des débouchés à leurs lubies institutionnelles, la perspective d’une faillite retentissante dans le domaine a entraîné quelques sueurs chez plus d’un élu, local ou national.
Quand on parle super-héros avec cape et slip sur le pyjama, gros sous et concurrence du David français contre le Goliath chinois, immédiatement, on sent que c’est un travail pour Super-Sarkozy … qui a donc chargé René Ricol, le commissaire général à l’investissement, d’étudier le dossier Photowatt, histoire de sauver le bazar avec un feu d’artifice, du champagne et des petits fours au caviar à la fin.
Et comme de juste, on apprend que si l’Etat et l’Elysée, toute fanfare dehors, interviennent, c’est surtout parce que le propriétaire Canadien (ATS) ne veut plus, lui-même, continuer dans cette voie. En plus, la situation est désespérée, ce qui rend l’ensemble de l’opération stato-dispendieuse particulièrement alléchante ; les éventuels repreneurs de l’entreprise doivent se faire connaître d’ici au 13 janvier, mais tout indique qu’il n’y en aura pas :
« … le carnet de commandes est à zéro. Et la société perd trois millions d’euros par mois »
… déclare un proche de l’affaire ; il faudrait injecter une quinzaine de millions dans la boutique pour la faire tenir encore quelques mois.
Décidément, ce dossier est l’illustration d’un cas d’école : une entreprise innove, s’installe et produit. L’état subventionne, rapidement, à la production (pour aider cette petite pousse, vous comprenez) et à la consommation (pour que les gentils pigeons consommateurs se dirigent naturellement vers le bon produit qui va bien). La concurrence arrive. L’entreprise perd sa spécificité, se fait tailler des croupières, peine à s’adapter, grossit trop vite ou pas assez. Ses actionnaires historiques la délaissent, l’état intervient encore plus et y ajoute une bonne dose d’insécurité juridique (ici, en décrétant un moratoire sur le photovoltaïque). L’entreprise fait des pertes de plus en plus importantes. L’état décide d’intervenir encore plus. Notez que tout ceci peut durer encore des années : Bull existe toujours, par exemple.
La moralité de cette histoire me semble limpide : tenez-vous toujours aussi loin que possible de ce dans quoi l’état met ses gros doigts. Vous éviterez bien des ennuis.