Cette nouvelle étude conclut que le dépistage par mammographie du cancer du sein, à 50 ans, pourrait causer plus de tort que de bien, du moins dans les 10 années qui le suivent. Dans cette période de 10 ans, la perte de qualité de vie liées aux surdiagnostics et aux surtraitements l'emporterait sur le gain lié aux cancers dûment dépistés. Menée par des chercheurs de la Faculté de médecine de l'Université de Southampton et publiée dans le British Medical Journal, cette nouvelle analyse appelle à informer les femmes, en amont de leur dépistage sur les risques de surdiagnostic et de surtraitement.
Une idée qui revient régulièrement, toujours en raison du risque, important, de diagnostics erronés et de traitements inutiles comme des interventions chirurgicales pour des tumeurs inoffensives.En Europe, le consensus général est de proposer le dépistage systématique tous les deux ans aux femmes de 50 à 74 ans. Au Royaume-Uni, tout récemment, un groupe de médecins s'est opposé au dépistage généralisé, rappelant que l'ensemble des études combinées n'aboutit qu'à un effet global du dépistage réduit. D'autres organisations sont plutôt pour un dépistage avant 50 ans. La Radiological Society of North America (RSNA) a ainsi publié une étude soutenant la mammographie à partir de 40 ans, démontrant qu'avec ou sans antécédents familiaux, les femmes dans leur quarantaine ont le même risque de développer un cancer du sein invasif... Une récente étude publiée par la Cochrane collaboration conclut que ce rapport bénéfice-risque n'est pas clair. Les 3 études considérées comme de plus haute tenue, montrent que le dépistage n'a pas réduit significativement le taux de décès du cancer du sein après un suivi de 13 ans en comparaison du taux observé chez des femmes qui n'ont pas été dépistées.
Cette étude est justement une réponse aux conclusions de l'étude publiée par la Cochrane collaboration et est basée sur une ré-analyse des données d'un rapport de 1986, l'étude Forrest menée en 1986 mais en incluant des données qui n'étaient pas disponibles à l'époque, comme sur le sur-diagnostic ou les faux positifs. Ce travail a ainsi permis de mettre à jour les résultats, en tenant compte de ces préjudices potentiels du dépistage. Sans surprise, l'inclusion de ces préjudices réduit les bénéfices estimés pour le dépistage.
Combien d'années de qualité de vie gagnées et perdues ? Les chercheurs ont développé un modèle similaire à celui utilisé dans le rapport de Forrest en 1986 et ont confirmé que leur modèle donnait bien les mêmes résultats que le rapport Forrest d'origine, sur la base des mêmes données. Ce modèle aboutit à des « années de qualité de vie gagnées (ou quality adjusted life year- QALY)» avec le dépistage et des pertes de qualité de vie avec les faux-positif des diagnostics et les « chirurgies » inutiles. Le modèle a analysé les effets du dépistage sur 20 ans pour un groupe de 100.000 femmes. Les estimations sont un taux (vérifié) de 6,4% de faux positifs au premier dépistage et environ 3,1% pour les suivants, un faux-positif entraînant pour une femme une réduction de 5% dans la qualité de vie. Une chirurgie (nécessaire ou inutile) entraînerait une réduction de 6% dans la qualité de vie sur le reste de la vie.
Pas de bénéfice clair avant 10 années après le dépistage :
· Après 13 ans, les décès par cancer du sein sont réduits de 19%.
· A 5 ans, le dépistage par mammographie de 100.000 femmes entraîne à 5 ans, 195 années de qualité de vie (QALY). Ce gain est réduit à 12 QALY si on intègre les faux positif et chirurgies inutiles.
· A 20 ans, le dépistage a produit une augmentation de 3.145 QALY. Ce gain est réduit à 1.536 si on intègre les faux positif et chirurgies inutiles.
· Si les chercheurs se basent sur le « gain » de mortalité de l'étude Cochrane, soit 15% et non 19% -ce qui est leur hypothèse préférée- le rapport bénéfice-risque du dépistage par mammographie est neutre à 7 ans et très légèrement positif seulement à partir de 10 ans (70 QALY).
Cette mise à jour conclut donc à l'absence de bénéfice du dépistage dans les 10 années qui le suivent (puis à un rapport bénéfice-risque positif ensuite). C'est-à-dire que le dépistage du cancer du sein à 50 ans cause un préjudice jusqu'à 10 années après. Les chercheurs appellent donc à une meilleure information des femmes sur la signification et les implications du surdiagnostic et du surtraitement, avant même le dépistage. Ils appellent également à d'autres recherches pour évaluer l'étendue des traitements inutiles et leur impact sur la qualité de vie.
Source:BMJ 2011; 343Possible net harms of breast cancer screening: updated modelling of Forrest report.
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