Jusqu’à l’avènement du sport martial un siècle auparavant, l’étude des points de pressions et des techniques de reboutage (remise en place des os et des tissus) faisaient partie du cursus de la plupart des écoles de bujutsu. Retrouver cette étude au sein des dojos aujourd’hui est plus que jamais utile afin de retrouver l’essence des arts martiaux.
En découvrant le magazine Karate Bushido du mois de décembre et son dossier sur les points vitaux (kyusho en japonais ou Dim Mak en cantonais), je lis avec plaisir que la connaissance des points de santé était autrefois un corolaire indispensable à celles des points vitaux. Cette affirmation est doublement justifiée. Je m’explique.
Tout d’abord parce qu’il est impensable de mettre ce savoir destructeur sans avoir compris comment les méridiens et les points d’acupuncture fonctionne. La méconnaissance dans l’utilisation de la circulation énergétique du corps humain ne permet pas de maîtriser correctement les kyusho. Il faut donc étudier les principes de l’énergie, la théorie du yin et yang, l’horloge chinoise, le fonctionnement des méridiens et des organes/viscères qui sont liés et ainsi de suite. Cet apprentissage ouvre tout grand les portes de la culture extrême-orientale aux pratiquants. L’univers fascinant de l’énergie selon les anciens chinois ne sont pas une perte de temps par rapport à la pratique martiale. Bien au contraire. C’est une occasion incroyable de comprendre sa pratique sous un autre angle. Mieux encore, c’est la possibilité de revisiter toutes ses techniques selon la vision énergétiques. C’est particulièrement vrai de l’aïkido que je connais bien, car aucune technique n’a été « inventé » par hasard. Toutes ou presque, répondent à des principes énergétiques.
(massage amma du bras et de l'épaule)
Ensuite parce que l’on n’est pas un pratiquant (être humain) responsable si l’on sait détruire sans réparer. C’est la raison pour laquelle tous les grands maîtres d’arts martiaux sont versés dans les arts des soins traditionnels (manipulations osseuses de type ostéopathie, kuatsu, acupression, acupuncture, pharmacopée). Comme il est plus long d’apprendre à aider la santé d’autrui que de la menacer, les bujutsu et les budo ont toujours eu à cœur d’enseigner d’abord comment soigner.
La compréhension d’une méthode de santé est toujours la bienvenue dans le parcours d’un pratiquant, notamment quand celui-ci vieillit. Rappelons-nous maître Tamura. Ses techniques étaient parfaitement intériorisées. Comment y est-il arrivé ? Bien évidemment par un travail sans relâche et sans concession sur son corps et son esprit, personne ne me contredira là-dessus. Son engagement dans la pratique depuis ses jeunes années au Japon fut sans faille, sa réussite technique le fruit d’une vie de labeur. Mais il est intéressant de se rappeler quatre choses importantes.
(shiatsu du ventre par ampuku)
- O Senseï adorait le shiatsu et le massage amma, ainsi que les bains bien chauds (relire les souvenirs de Saïto senseï à ce sujet). Il encourageait tous se uchi-deshi à recevoir des shiatsu ou mieux encore, à l’étudier.
- O Senseï, était un homme d’une spiritualité très haute et d’une connaissance du corps, de la nature et de l’univers qui était assez unique. Pétris par l’héritage ancestral du Japon, il ne pouvait ignorer les principes de circulation de l’énergie. Et pour cause, tout son discours sur les techniques qu’ils mettaient en place portait sur la circulation énergétique, circulation qu’il maîtrisé parfaitement (revoir la vidéo ou photo où il tient plusieurs personnes au bout d’un jo disposé en bras de levier).
- De son côté, Tamura senseï, influencé par son mentor n’a pas pu ignorer l’apport des textes anciens et de la philosophie sur l’énergie. Pas plus qu’il n’a pu esquiver le monde du massage énergétique comme le shiatsu.
- En France, il y a 15 ou 20 ans de cela, Tamura senseï souffrait de plus en plus des lombaires. Toshiro Suga l’accompagna alors chez deux maîtres de shiatsu installé à Paris, Kawada père et fils. En quelques séances, ses problèmes furent réglés, notamment grâce à un travail régulier en do-in, la gymnastique du shiatsu. Conscient des bienfaits du do-in, il le systématisa au point de ne proposer plus que ces mouvements dans les échauffements lors des stages. Et voilà comment les aïkidoka qui le suivaient dans toute l’Europe, ce sont mis à pratiquer le do-in sans le savoir (rappelez-vous des points de pression le long du nez qu’il montrait à chaque stage, sans les expliquer d’ailleurs).
(Prise des six pouls pour établir un diagnostic)
Cet exemple à propos de Tamura senseï et de l’aïkido est valable pour tous les arts martiaux. Alors pourquoi apprendre le shiatsu lorsqu’on pratique sérieusement un art martial ? Les réponses sont multiples : pour l’ouverture sur la culture asiatique, car tous leurs arts sont régis par les principes de l’énergie ; pour pouvoir détendre le corps des budoka qui sont souvent mis à rude épreuve ; pour comprendre les kyusho ; pour vieillir en harmonie avec son corps tout en continuant à pratiquer, pour intérioriser les techniques en les redécouvrant à la lumière des principes énergétiques ; pour apprendre à réparer le corps et l’esprit simplement avec les doigts et faire le bien autour de soi ; parce qu’on a toujours ses doigts sur soi tandis que les aiguilles d’acupuncture sont moins appréciées par le public ; pour créer une saine ambiance de complicité au sein d’un dojo… En cherchant un peu, vous trouverez toujours de bonnes raisons.
Mais la raison principale de l’étude du shiatsu ou de l’amma dans les dojos est surtout de permettre de revenir à la source même des arts martiaux, de la création des techniques, de leurs utilisations et de sa culture qui les ont créés.
Prochain stage d'initiation au shiatsu à Caen, le 16 et 17 décembre.