"On a repris une salle à la dérive"

Publié le 10 décembre 2011 par Teazine
Depuis sa créaton, la TEAm a déjà interviewé pas mal de groupes (d'ailleurs vous pouvez toujours les (re-)lire là. bisous). Et avec le temps, nous nous sommes rendues compte que les gens auxquels on ne pense pas vraiment - les gens de la face cachée de l’iceberg si vous voulez – avaient tout autant, voire plus, de trucs intéressants à nous dire. C’est pourquoi on a décidé d’ouvrir une nouvelle rubrique consacrée aux "pros" de la musique. Tous ceux qui contribuent de près ou de loin à la création ou à la circulation de la musique y auront leur place. On a d’ailleurs déjà quelques exemples à vous proposer (programmateur du Chabada à Angers, programmateur du festival Les Femmes S’en Mêlent, disquaires, eutécé) et nous sommes bien déterminées à en trouver d’autres. Un nouvel opus tout de suite avec une bande de Suisses courageux qui gèrent une salle de concert de A à Z alors qu’ils n’ont même pas terminé leurs études.

INTERVIEW TEAM AMALGAME 
C’est arrivé à la rentrée : tout à coup, une petite salle yverdonoise jusque là dévouée au rock dur en mode grosse planque crasseuse pour vétérans chevelus s’est mise à tapisser des affiches à losange un peu partout, indiquant une toute nouvelle orientation autant dans la ligne graphique et dans l’hygiène que dans la programmation. Alors que jusqu’alors, Yverdon se résumait pour nous aux bains, on y trouve désormais dans L'Amalgame une salle indé orientée découvertes et dates uniques en Suisse romande (STRFKR, Gardens & Villa, Bombay Bicycle Club, The Black Box Revelation, Aucan, General Elektriks, Siskiyou, Radical Face...). A la tête de cette renaissance digne d’un Phénix se trouve une nouvelle équipe de jeunes gens déterminés à faire bouger (enfin) leur ville avec tous les hauts et les bas que cela implique. On en a rencontré cinq dans un tout petit bureau avec seulement trois chaises. Et c’est à peine dérangés par la coupure de courant survenue en plein milieu de l'interrogatoire ("voilà qui résume bien notre situation") que Damien (prog), Tom (admin), Juliette (com), Léa (responsable bénévole) et Karene (membre du comité) nous on conté tout le chemin parcouru depuis mars 2011.

"On a repris une salle à la dérive"
Il n’y a même pas un an, l’Amalgame était en train de couler: "La salle était peu fréquentée, consacrée uniquement au rock/métal. Elle était régie par des personnes strictement bénévoles, plus agées et pas forcément très ouvertes à la musique actuelle". En parallèle, il manque aux jeunes un lieu culturel local digne de ce nom. Certains s’activent alors au sein d’une association (1400) pour promouvoir la culture à Yverdon. L’organisation de quelques événement leur attire la sympathie des autorités et, les choses se précipitant, deux d’entre eux sont engagés à plein temps à l’Amalgame avec pour mission de redresser la barre. "On est arrivés pile au bon moment." confie Damien, "Je n’avais pas trop prévu cela et je comptais tout d’abord poursuivre mes études. Mais une opportunité pareille ne se présente pas deux fois dans une vie". Programmateur de salle à 24 ans, c’est clair, ça impose le respect.
"Tout est allé très vite. On ne savait pas dans quoi on se lançait"
L’entrée en matière ne se fait pourtant pas sans difficultés. Une fois passée l’excitation du début, Damien et Tom ont dû faire leurs armes sur le tas. "En gros on nous a engagés et puis ça a été : débrouillez-vous ! On était motivés mais sans expérience. On ne savait rien faire. On ne savait même pas où était rangé le papier ni comment allumer la lumière dans la salle !" Chaque jour apporte alors son lot de surprises car aucun relai n’a été fait entre l’Amalgame d’avant et la nouvelle team. "On a dû réagir au jour le jour par rapport à ce qui se passait" Cela implique entre autres l’annulation de concerts dont ils apprennent l’existence par hasard, la création express d’un nouveau comité et l’annulation de procédures en cours. Tout ça alors qu’en parallèle, la mue est entamée. Des soirées sont organisées pour montrer que la salle n’est pas décédée. Puis, un été entier est consacré à des travaux de nettoyage, de rangements et de peinture. Il n’en fallait pas moins pour débarquer tout fringuants en septembre avec une programmation toute nouvelle et une vision personnelle des choses.
"On aurait peut-être dû réfléchir un peu plus"
Si l’accueil du nouvel Amalgame se passe plutôt bien, l’équipe a déjà conscience de certaines erreurs commises. "On auto-finance nos soirées et on s’est vite rendu compte que de ne faire quasi que des concerts qui nous tenaient à cœur n’était pas du tout viable financièrement". Par conséquent, la saison prochaine devrait rassembler plus de soirées (pratiques pour engranger des bénéfices via le bar) et célébrer également le retour du metal entre ses murs. De quoi se rabibocher peut-être avec les nostalgiques peu satisfaits par les changements effectués. D’autres bémols ont également fait surface. Parmi eux, les chiottes qui se bouchent alors qu’il y a 300 personnes dans la salle ou, plus sérieux, la fréquentation irrégulière de la salle. Mais pour ceux qui ne viennent pas directement de la ville, il faut dire qu’Yverdon n’est pas très bien désservie. Et puis c’est mal indiqué aussi. Pour info, l’entrée de la cour est en face du bowling. J’aurais aimé qu’on me le dise la première fois que j’y ai mis les pieds.
Malgré tout, les Yverdonois ont encore le moral. Et s’ils disent avoir de la peine à prendre du recul par rapport au travail accompli, ils n’ont pas l’air de baisser les bras. On a donc terminé l’interview dans un fouilli d’anecdotes drôles ("Il nous en arrive de belles tous les jours") avant de conclure avec un once d’ironie : "Quand est-ce qu'il y a le plus de monde à l'Amalgame? Lors d’une assemblée générale du comité."