On la croyait disparue. On la croyait enterrée, ringardisée, so 2007. Archivée au Musée des modes politiques. Laissée de côté, même, par Ségolène Royal.
Elle : la démocratie participative. Cette « forme de partage et d’exercice du pouvoir, fondée sur le renforcement de la participation des citoyens à la prise de décision politique ». Les débats avec les chaises en rond, les programmes présidentiels qu’on construit à plusieurs. Fini.
Et pourtant : le fossé n’a jamais été aussi grand entre les responsables politiques et les citoyens. La crise économique, aux yeux des seconds, retire tout pouvoir aux premiers. Le débat de la présidentielle se perd en inutiles polémiques. François Fillon se cache sur Twitter. Christian Morin se présente à la présidentielle, délaissant la clarinette. C’est, si vous me permettez l’expression, le grand bordel.
Alors le président Sarkozy, dans sa grande sagesse, s’est dit qu’il fallait faire quelque chose pour renouer le fil ténu, aujourd’hui rompu, entre les citoyens et ceux qui décident pour eux. Remettre du participatif dans la démocratie, du lien entre la France d’en-bas et celle d’en-haut. Il a donc inventé le financement participatif de campagne.
Quésako ? Il s’agit, dans un esprit qui n’est pas sans rappeler celui de son mentor Édouard Balladur (qui avait financé sa campagne présidentielle par des ventes de badges et de t-shirts), de permettre à chaque Français de contribuer, à la mesure de ses moyens, au déploiement du projet politique de Nicolas Sarkozy pour 2012-2017. Et comme le président-candidat sait bien que les honnêtes citoyens n’ont pas toujours le temps, ou l’envie, de battre la pavé ou de passer leur soirées dans de pénibles réunions politiques, il a conçu un système révolutionnaire de prélèvement à la source sur le revenu. C’est très simple : l’Élysée organise une à deux fois par semaine des déplacements de campagne (un jour sur le nucléaire, l’autre jour sur la crise économique) auxquels vous contribuez automatiquement via votre impôt. C’est rapide et peu intrusif. Par exemple, le très beau meeting de Toulon a coûté, selon les estimations, un peu plus de 300 000 euros, ce qui peut vous sembler beaucoup du haut (enfin, du bas) de votre SMIC ; mais ramené aux 36 millions de foyers fiscaux en France, cela ne vous aura coûté à vous, en vérité, qu’un peu moins d’un centime. Autant dire que vous avez rendu possible le combat de Nicolas Sarkozy pour sa réélection presque sans vous en rendre compte, et sans avoir à signer tout un fatras de papiers pour faire un don, ou à coller des affiches électorales. C’est vraiment un système très perfectionné.
Et puis surtout, vous voyez concrètement à quoi sert votre engagement. Avec la démocratie participative ancienne manière, les idées que vous faisiez remonter avaient un parcours incertain ; peut-être même finissaient-elles à la corbeille. Avec le financement participatif de campagne, au contraire, votre investissement (si j’ose dire) se matérialise sous vos yeux ébahis. Par exemple, le très beau site Internet de l’Élysée, géré par la cellule Internet de la présidence de la République pour un demi million d’euros publics par an, sert de « porte-avion » pour le profil Facebook de Nicolas Sarkozy, permettant ainsi de le « gonfler » en amis en prévision de l’élection présidentielle. On ne s’y prend jamais trop tôt. De manière générale, un tableau de bord plaisamment intitulé « Sarkobingo » a été mis en place pour mesurer l’ampleur de la participation citoyenne.
Indolore, invisible, le financement participatif de campagne met chaque Français non pas à six, mais à seulement un degré de séparation du président-candidat. Jamais vous n’aurez tutoyé de si près le pouvoir. Merci qui ? Merci Nicolas !
Romain Pigenel