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Les portes ouvertes de L'Age d'Homme à Lausanne

Publié le 10 décembre 2011 par Francisrichard @francisrichard

L'Age d'Homme Portes OuvertesTrouver les nouveaux locaux des éditions de L'Age d'Homme ici à Lausanne n'est pas une mince affaire, surtout quand on ne sait pas chercher, comme c'est le cas de votre serviteur.

Vous descendez l'avenue du Théâtre depuis Saint-François. Cette artère commence par un magasin Coop City. Vous le dépassez et vous arrivez directement au 6 puis au 8. Point de 2 ni de 4, où L'Age d'Homme, en principe, a maintenant élu domicile...

Vous rebroussez alors chemin. Après être passé deux ou trois fois devant, vous découvrez juste avant la Coop un escalier discret qui longe le bâtiment. Il vous conduit aux 2 et 4 de l'avenue du Théâtre.

D'ailleurs, très vite, vous êtes rassuré. Pour l'occasion, à mi-descente, une petite affiche vous indique enfin que vous vous rendez bien par là aux Portes Ouvertes de L'Age d'Homme en ce vendredi 9 décembre 2011.

Il est 17 heures. La nuit tombe. Il n'y a pas encore trop de monde. Vous pouvez faire le tour du propriétaire en toute tranquillité. Vous êtes émerveillé par tous ces livres, soigneusement rangés sur des étagères de bibliothèques qui montent jusqu'à de hauts plafonds, qui, certes, n'écraseraient pas des géants.

Dans une allée vous avez d'un côté tous les Poche suisse, dans l'ordre de leurs numéros, et de l'autre des oeuvres de littérature du monde, dans l'ordre alphabétique. Tout au fond il y a les livres d'archive de la maison et les livres les plus anciens. Dans des rayonnages, en revenant, vous reconnaissez les collections de philosophies et de religions.

En prenant la direction opposée à celle que vous avez empruntée au début, vous tombez sur les stocks des Editions de Minuit et des éditions Bernard de Fallois, dont L'Âge d'Homme est le relais en Suisse.

Uli Windisch arrive. Je prends un verre d'eau, puis un verre de blanc avec lui, tout en grignotant des biscuits salés. Il me présente un vieil ami, sociologue comme lui, puis Claude Frochaux que je ne connais que de nom et qui a pris sa retraite il y a 10 ans, après avoir travaillé pendant 33 ans (ou 35 ?) aux côtés de Dimitri, le fondateur de la maison, mort au début de cet été [voir mon article d'il y a deux semaines : Les 45 ans de l'Age d'Homme et l'hommage à Dimitri, Vladimir Dimitrijevic ].

Jean-Michel Olivier arrive à son tour, en famille, accompagné de sa femme et de sa fille. A côté de moi il fait figure de géant que n'écrasent justement pas les hauts plafonds de ces lieux. Ce géant est toujours aimable et souriant. C'est à chaque fois réjouissant d'aller le saluer.

Voici venu le moment des allocutions. La petite équipe de L'Age d'Homme s'active pour disposer des chaises pliantes noires. Le public s'installe. Il y a davantage de gens debout qu'assis. Je suis assis à côté de Georges Ottino, un des auteurs maison. Il est dans sa huitante septième année. Après avoir publié trois romans chez Gallimard il a été édité par Dimitri. Son petit dernier, La Fugue, devrait paraître prochainement.

Patrick Vallon prend la parole au nom de la petite équipe de la maison qui a maintenant pour patronne Andonia, la fille de Dimitri, et qui comprend Marko Despot. Patrick fait partie du comité de lecture des manuscrits. Il nous dit que ce n'est pas facile de refuser un manuscrit et que cela ne veut pas dire qu'il est mauvais. Le choix de retenir un manuscrit est, comme l'erreur, humain, trop humain.

François Felix est devenu directeur de la collection de philosophie Etre et devenir dont les couvertures sont bleu gazon, une couleur repérable à distance dans les rayons des libraires et des amis. François voulait que Vladimir - le prénom de Dimitri - édite une traduction d'un autre Vladimir, Jankélévitch. Finalement c'est son Schopenhauer, à lui François, qui sera édité...

Jean-Michel Olivier dirige la collection du Poche suisse. Son premier livre à avoir été édité à L'Age d'Homme est sa thèse sur Lautréamont, il y a trente ans. Son directeur de thèse à l'Uni de Genève lui avait suggéré d'aller voir à Bruxelles les époux Georgin. Lesquels ont convaincu Dimitri à Lausanne : le plus court chemin de Genève à Lausanne passait alors par Bruxelles... L'obtention de l'Interallié pour son Amour nègre a rempli de joie Dimitri. Il chantait au téléphone et son entourage l'a même vu danser...

Uli Windisch annonce que bientôt une plate-forme sur Internet verra le jour. Il souhaite que ce soit, entre autres, un instrument de promotion des livres de la maison. Il invite tous ceux qui aiment les livres à contribuer, en y écrivant une page ou deux. Ce sera une manière d'aider l'oeuvre de Dimitri à perdurer.

Claude Frochaux raconte sa première journée passée avec Dimitri, il y a près de 50 ans, de 7 heures du matin à 7 heures du soir. Ils se trouvaient dans un restaurant dont les nappes en papier se sont noircies de tous les projets d'édition que Dimitri avait en tête. Si ces nappes de papier avaient été conservées, elles montreraient que le catalogue de L'Age d'Homme était déjà complètement en germe à ce moment-là. Ce catalogue est le grand oeuvre écrit par Dimitri via les écrits des autres, lui qui faisait de l'édition d'auteur, comme d'autres ont fait, ou font, du cinéma d'auteur.

Gérard Joulié, qui dirige le domaine anglo-saxon, nous raconte les soirées passées dans le chalet de Dimitri à Vennes. Ces soirées de Vennes étaient leurs Soirées de Saint Pétersbourg. Dimitri ne voulait-il pas d'ailleurs que l'avenue qui menait chez lui soit baptisée du nom de Joseph de Maistre ?

Les allocutions terminées le reflux du public se fait peu à peu. Je discute avec une jeune femme serbe qui a participé comme moi l'autre jeudi au lancement de Facecook, publié aux éditions Xenia ici, à la Wine Universe ici de Lausanne, sans que nous n'ayons fait connaissance cejour-là. Elle me dit toute la gratitude qu'elle a pour Dimitri qui lui a appris que le meilleur chemin pour s'ouvrir au monde est encore d'être bien enraciné et qui l'a réconfortée quand elle avait mal pour sa patrie.

Une autre jeune femme, noire, fine, toujours souriante, suivie partout par un photographe, que j'ai vu noter des petites phrases sur un calepin tout au long de la soirée, vient prendre aimablement congé d'Andonia, alors que je viens de dire à la nouvelle patronne de la maison : "on continue !", la phrase qu'aimait à répéter son père.

Comme à Andonia, je promets à Patrick Vallon de parler autant que faire se peut de leurs publications sur ce blog...

Francis Richard  


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