Quand un maçon planque 100 000 euros au FISC, il est condamné à un an de prison ferme. Quand une milliardaire escamote 100 millions, elle est simplement invitée à rembourser... et pis c'est tout.
La semaine dernière, une info n'a pas fait la une des journaux.
Jusqu'à l'année dernière, Liliane Bettencourt dissimulait plus de 100 millions d'euros en Suisse (ce paradis fiscal qui " n'existe plus" dixit notre Robin des Lois national). Mais " en France, la loi est ainsi faite que la justice ne peut sanctionner les auteurs de fraude fiscale que si elle est saisie par la Direction générale des finances publiques. Ce qui laisse au pouvoir politique le soin de décider en dernier ressort qui sera traduit ou pas devant un tribunal" nous informe Sud-Ouest. Et, continue le journal, " bien qu'ayant dissimulé en Suisse plus de 100 millions d'euros depuis 2004, Liliane Bettencourt, la femme la plus riche de l'Hexagone, est assurée de l'impunité" car " le fisc n'engagera pas de poursuites pénales"...
100 millions d'euros... l'estimation est basse car il semblerait que d'importants mouvements aient eu lieu juste avant la repentance. Mais on n'en saura pas plus. Les héritiers se sont excusés, ils ont promis de rembourser (moyennant quelques amendes, parait-il) et ont juré qu'ils ne recommenceraient plus. Il n'en fallait pas plus pour combler l'administration fiscale (et politique) qui a donc décidé de ne pas s'aventurer sur le terrain judiciaire.
La (dure) lutte contre la fraude...
Début septembre 2011, " un maçon a été condamné par le tribunal correctionnel de Saint-Brieuc à un an de prison ferme pour une fraude fiscale touchant à la TVA. L'administration fiscale, qui n'a jamais réussi à entrer en contact avec le chef d'entreprise qui a exercé à Saint-Brieuc, lui reproche de ne pas avoir versé 85 000 € de TVA" nous apprend Ouest-France. Et, le 24 novembre 2011, le Telegramme nous informe qu'un " maçon turc [qui] avait minoré son chiffre d'affaires pour limiter le montant de ses charges [...] a été condamné hier à 30 mois de prison, dont un an ferme, pour fraude fiscale". Le détournement était estimé à plus de 130.000 euros.
Mais ils n'avaient sûrement pas pensé à promettre qu'ils ne recommenceraient plus... les maçons.
Une pensée pour Jean de la Fontaine...
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n'en voyait point d'occupés
A chercher le soutien d'une mourante vie ;
Nul mets n'excitait leur envie ;
Ni Loups ni Renards n'épiaient
La douce et l'innocente proie.
Les Tourterelles se fuyaient :
Plus d'amour, partant plus de joie.
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L'état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons
J'ai dévoré force moutons.
Que m'avaient-ils fait ? Nulle offense :
Même il m'est arrivé quelquefois de manger
Le Berger.
Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.
- Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;
Et bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur
En les croquant beaucoup d'honneur.
Et quant au Berger l'on peut dire
Qu'il était digne de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire.
A ces mots on cria haro sur le baudet.
Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu'il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable
Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable !
Rien que la mort n'était capable
D'expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.