Chadhortt Djavann, une romancière iranienne qui écrit en Français. Son dernier roman " Je ne suis pas celle que je suis" est paru chez Flammarion pour la récente rentrée littéaire. Il suit le destin de 2 femmes, une en Iran sous le régime des mollahs et une autre, quelques années plus tard à Paris... qui à grand renfort de psychalyse, essaie de se débarasser de son passé, ou du moins de l'apprivoiser. Un livre qui plonge donc le lecteur au coeur d'un régime théocratique barbare et qui rappelle que la liberté indivuelle devrait être un droit....
J'ai chroniqué de livre ici et par un concours simple, ai fait gagner deux exemplaires de ce livre, en partenariat avec Flammarion.
Chahdortt Djavann a eu l'extrême gentillesse de répondre à mes questions.
Puisque vous n'êtes pas celle que vous êtes, qui êtes vous Chahdortt ?
CD : Nul n’est une seule personne. « Je est un autre. » Il est difficile de dire qui l’on est. L’être humain est un être par essence insaisissable. Les adjectifs positifs ou négatifs qu’on emploie pour décrire un être ne disent pas qui il est mais comment il est. Incontestablement, je suis un être humain, une femme et une écrivaine.
Comment êtes vous devenue romancière en France et en français ? Quel chemin avez vous suivi ?
CD : J’ai toujours voulu devenir un écrivain, dès l’enfance. Je voulais aussi être une grande scientifique, astronome, mais le régime de Khomeiny a fait avorter mon désir. J’ai commencé à écrire des courts poèmes en français dès ma deuxième année en France, à l’époque où je ne parlais pas encore correctement la langue. J’avais ça en moi, dans mon sang ! et le reste est du travail. Il n’y a pas de miracle. Rien ne tombe du ciel, à part la pluie et la neige ou parfois de la grêle !
Comment et pourquoi décide-t-on de stopper un roman à tel moment, à tel endroit ?
CD : Ca s’impose sans que je le décide vraiment. Je sens que c’est le moment, c’est l’endroit. Et puis, il y a une sorte de tarissement qu’on ressent, au moins momentanément, le temps qu’on soit porteur d’un autre roman.
Quels liens entretenez vous avec l'Iran actuelle. L'autre jour, lors d'une conférence, Douglas Kennedy disait : "Son pays, c'est comme sa famille, c'est sa dispute perpétuelle." Votre pays reste-t-il l'Iran ou est il devenu la France ?
CD : Je ne suis pas à une terre. Même si j’ai écrit dans mon premier roman que l’Iran restera toujours le pays de mes souffrances. Je ne renie rien, je ne rejette pas mes origines, elles sont en moi et où que j’aille. Ma patrie est mon écriture et elle est en français. Ma terre est ma romance, mon histoire.
Vous vivez en France depuis une vingtaine d'année, après en avoir vécu autant dans un pays totalitaire et théocratique... Lorsque l'on arrive en Europe, en pays libre, sait-on quoi faire de cette soudaine et inhabituelle liberté ? S’habitue-t-on à la liberté ou garde -t-on d'anciens réflexes liés à la peur des dirigeants entre autre ?
CD : Il faut beaucoup de temps et un vrai travail sur soi pour se libérer d’une éducation dogmatique, même lorsqu’on a grandi dans une famille iranienne libérale. La liberté, elle devient aussitôt un fardeau, une angoisse. Il faut gérer la liberté, en faire quelque chose. Construire, créer…. Et puis la liberté n’est pas le gage du bonheur ! ça ne l’a jamais été. C’est ainsi. C’est comme la santé, il vaut mieux l’avoir, mais en rien, hélas, elle n’apporte le bonheur. En outre, votre liberté n’est pas grande et ne vous laisse pas beaucoup de marge de manœuvre lorsque vous êtes dans le besoin matériel.
En quelques mots, quelle est la situation politique de l'Iran d'aujourd'hui (on connait bien le visage du président et la crainte internationale qu'il inspire), mais sur place, qu'en est il au sujet des libertés individuelles et des droits de la femme ? La condition féminine a-t-elle évoluée là-bas ces 20 dernières années ? (nos médias nous offrent bien quelques images de femmes entièrement voilées, mais qu'en est il réellement .?
CD : La situation est explosive et de tout point de vue elle va de pire en pire. Certaines Iraniennes ont répandu en Occident des mensonges en faveur du régime. Comme par exemple le fait que 65% des étudiants seraient des filles dans les universités en Iran. Ceci n’est pas le cas dans des pays démocratiques, ni en Amérique, ni dans les pays européens. Comment voulez-vous que ça soit le cas en Iran où il y a des quotas bien plus inférieurs pour les filles que pour les garçons. Et puis, beaucoup de disciplines ont été éliminées pour les filles, comme la botanique, l’archéologie… à cause des déplacements en groupes. Malgré le voile et les interdits, tout est possible, mais si vous vous faites prendre, le prix à payer ou le châtiment à subir, peuvent s’avérer très élevés.
J’espère qu’un jour on en finira avec ce régime en Iran.
Quel regard avez vous porté sur le Printemps Arabe ? Êtes-vous inquiète sur l'avenir politique que se choisissent actuellement des pays comme la Libye et la Tunisie. Le risque théocratique déguisé est il présent ?
CD : N’oublions pas l’Egypte. Oui, je suis inquiète et pour l’avenir de ces pays et pour celui de l’Europe et de la France. J’avais craint l’instauration des républiques islamiques dans des pays du Maghreb dans mon essai "Que pense Allah de l’Europe", j’espère que l'ensemble de mon analyse ne se réalisera pas.
Que vos livres soient publiés en Iran et dans d'autres pays de confession musulmane... Est-ce un rêve, une utopie ou une réalité éventuelle ou déjà existante ?
CD : Pour le moment, ça relève de l’impossible.
Les femmes vous paraissent elles plus fortes, plus combattantes aujourd'hui que par le passé ?
CD : On ne peut pas généraliser. Dans toute époque et dans tout pays, il y a eu des femmes qui ont eu des courages inouïs, et d’autres qui, au contraire, se sont assujetties. Le courage, hélas, est individuel ; dans l’histoire personnelle comme dans l’histoire avec un grand H.
Mise à part la liberté d'être la femme que vous êtes, qu'est-ce qui vous est le plus doux et le plus agréable en France ?
CD : La langue.
Et la question incontournable : Quelle lectrice êtes vous ? Quels sont vos 3 derniers coups de cœur littéraires ?
CD : Je lis en ce moment les carnets de Léonard de Vinci ; deux volumes. Il avait le génie total et est le plus grand inventeur, tant sur le plan scientifique que sur le plan artistique. J’aurais pu passer ma vie entière à étudier sa biographie et ses œuvres tant je suis fascinée par lui.
Je lis aussi Paul Valéry en ce moment, en Pléiade, lui-même fasciné par Léonard de Vinci.
Et voici les résultats du concours organisé ICI, où, pour gagner 2 exemplaires du livre de Chahdortt Djavann, il s'agissait de répondre à deux simples questions et de dire, en une phrase, de dire ce que représente pour vous la liberté.
Parmi les citations, comme prévu, j'ai fait un premier choix le plus objectif possible (car bien sûr tout le monde méritait de gagner), pour qu'il n'en reste plus que 5. C'était l'auteur qui devait choisir les 2 gagnants, cela a finalement été son attachée de presse, Silvana Bergonzi, qui a choisi à l'aveugle, puisqu'elle n'avait que le citation et non les noms des blogueurs....
So, the winners are....
"La liberté, seul trésor que l'humain peut à la fois partager et donner en héritage à
celles et ceux qui lui sont chers comme à l'universel, seul combat qui mérite ce titre " Bravo à Achille 49
La liberté, "Dire ce que je pense, afficher ce que je ressens, aimer qui je veux et vivre sans me cacher ni me sentir coupable, sans avoir peur, mais en étant fière d"être une femme". Bravo à Liliba
Merci à tous les deux de m'envoyer leurs noms + prénoms + adresses postales via le lien contact (en privé) pour que je puisse les faire parvenir à Silvana.
Merci à tous en tout cas pour votre participation !