Paris. Le Sunside. Mardi 6 décembre 2011. 20h.
Marc Copland : piano
Dave Liebman: saxophones soprano, ténor, flûte
La photographie de Marc Copland est l'oeuvre du Viril Juan Carlos HERNANDEZ. Toute utilisation de cette photographie sans l'autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales.
“ In your own sweet way “ (Dave Brubeck). Marc commence. La magie s’installe dans les chuchotements de l’arrivée des spectateurs en retard. Dave est au soprano. C’est une ballade. Nous voyageons avec eux, à leur douce manière. Un voisin est entré dans la vibration, fermant les yeux et grimaçant comme Dave Liebman en train de jouer. Le piano miroite doucement, le sax souffle, grince parfois. Solo de piano brillant comme un étang à la lueur des étoiles, à peine agité par le vent. Si calme et si profond à la fois. Il y a de la communication extra sensorielle entre ces deux hommes. Mon âme balance doucement.
« Lost arising » ( Dave Liebman). J’ai pu écorcher le titre. Dave Liebman et Marc Copland sont des distillateurs de parfums musicaux. Un voile de nostalgie, sans tristesse, sans mollesse, plane dans l’air, s’agrandit ou se réduit au gré de l’imagination de Marc Copland. A deux, ils font le flux et le reflux. Cela vous prend et vous emporte au loin si vous vous laissez aller.
« The puzzle » (Dave Liebman). Les musiciens doivent reconnaître d’après Dave. Il joue assis du saxophone ténor comme le Président Lester Young mais avec le sax moins horizontal. Cela fait trop longtemps que je n’ai pas entendu Dave Liebman au ténor. Il sait toujours le faire grogner, chanter. Il ajoute des groumpfs bien virils. Marc Copland reprend la main. Personne n’applaudit, tout le monde écoute. Le duo repart, subtilement mouvant. Un tempo medium qui accélère sans avoir l’air. Il y a la flamboyance rauque du saxophone, la passion chantante du piano. C’est la soirée des magiciens. Ca joue au volant. Un coup sec, ça file, vole, monte puis descend doucement pour repartir tout à coup sans jamais toucher terre. Cela ferait une bonne musique de polar, la nuit chaude, sombre, menaçante sans savoir pourquoi, pour qui.
La photographie de Dave Liebman est l'oeuvre du Subtil Juan Carlos HERNANDEZ. Toute utilisation de cette photographie sans l'autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales.
« Cantalupe Island » (Herbie Hancock). Marc Copland commence. Ca chaloupe doucement. Ca groove sans basse ni batterie. Mademoiselle I cesse de regretter l’absence de Billy Hart. Tout en légèreté, en puissance contenue. Son chaud, velouté du ténor alors que le piano déroule le tapis volant. Marc Copland, en solo, sort du thème pour entrer dans le rêve. Au retour du sax, les rares applaudissements cessent vite. On écoute. Shhh peaceful comme disait Miles Davis, ex employeur de Dave Liebman.
« Time was » (Marc Copland). C’est Marc Copland qui parle français mais c’est Dave Liebman qui présente les morceaux. Dave a pris son jouet, une petite flûte en bois qui disparaît dans ses grandes mains. Le son du piano vient du fond d’un manoir hanté. La flûte, elle, crie comme un fantôme perdu dans la lande. Dave reprend son soprano et en sort un son brumeux, lointain. Les gouttes du piano tombent comme la pluie le long des feuilles. C’est une ballade nostalgique à souhait. Logique vu son titre. Retour à la flûte qui joue aigre doux.
Dave reprend le ténor en mains. Ca repart plus vite, plus viril. Beau solo de saxo en intro. C’est sévèrement rythmé. Le piano arrive. « Impressions » de John Coltrane, le Maître de Dave Liebman. Combien de fois l’ont-ils joué ? Eux-mêmes ne doivent pas le savoir puisque chaque fois est la première pour eux. C’est fougueux, viril, emporté, impétueux, bref joué comme il faut. Ca s’apaise avec le solo de piano vif mais retenu. L’art de la maîtrise. Jeu de question réponse entre piano et sax ténor. Retour au thème à deux, en glissant doucement. Ca repart en montant.
« Pastorelle » une nouvelle composition de Marc Copland. Sax soprano. C’est une ballade. Manifestement, le berger a un gros chagrin d’amour. Cela s’entend. Joli échange final piano-soprano.
« All that’s left » (Marc Copland). Dave a repris le sax ténor et le fait sonner comme un oud avec beaucoup de souffle, de vibration, de bruits de clefs. Est-ce tout ce qui reste ou tout ce qui est gauche ? Il y a de beaux restes en tout cas. Jeu sautillant, ludique du piano un peu inquiétant mais la pression se relâche, revient. Ca swingue délicieusement. Nul besoin de basse et de batterie pour sentir le rythme. Chaque musicien semble plongé dans son univers intérieur mais c’est pour mieux s’écouter et se répondre. Pour la première fois, Dave Liebman se lève pour jouer. Il envoie du puissant. Ces gaillards ne savent pas jouer que les ballades. Marc Copland en solo. Dave Liebman écoute, les yeux clos, avec la mine d’un chat réjoui. Le duo repart. Ca bondit, balance souplement.
RAPPEL
« You don’t know what love is », un standard. « Actually, I don’t know what love is » ajoute Marc Copland en souriant. Dave s’est rassis et a repris le soprano. C’est bien le theme de ce standard. Ca joue, nom de Zeus ! Si, si, ils savent ce qu’est l’amour, le chagrin d’amour en tout cas. Solo passionné de sax soprano qui cogne même dans le micro. Puis, la vague du final.
Marc Copland remercie le public pour la qualité de son écoute. En échange, ils nous ont régalé. L’ambiance était effectivement bien différente lors d’un précédent concert de ce duo il y a trois ans au Duc des Lombards.
Si la magie de ce duo vous est inaccessible en concert, écoutez le enregistré. Ca se trouve dans le commerce. Vous en sortirez émerveillés, aimables lectrices, sympathiques lecteurs.
La dessinatrice Hélène Poisson créait son oeuvre discrètement dans un coin de la salle.
Marc Copland y sera de retour en duo avec le guitariste John Abercrombie le mercredi 18 janvier 2012 à 21h.