Voici un petit compte-rendu du séminaire sandwich à l’IFRI, le 8 décembre 2011. Son thème : l'OTAN, toujours fiable ?
- Intervenants : Ambassadeur Benoît d’Aboville – BDA- (ancien représentant permanent) Diego Ruiz Palmer -DRP- (Secrétariat International de l’Otan),
- Panelistes : E de Durand –EDD- (IFRI), JD. Merchet –JDM- (Marianne), JF Dazugan –JFD- (Choiseul).
Débat assez généraliste, et malgré tous les efforts d'Etienne de Durand, on n'est pas entré dans les questions techniques : juste les bonnes vieilles considérations politiques comme on les adore en France. L'ambassadeur a un peu cabotiné, donné de jolies perspectives, appuyé là où ça fait mal, et s'est montré très français. Diego Ruiz-Palmer s'est réfugié dans les considérations historiques, a donné avec intelligence une position alliée en montrant que l'Alliance était quand même utile puisque les Nations la gardaient, y compris la France. Bref, un débat plaisant et agréable à suivre par le grand public.
L’OTAN toujours fiable ?
BDA : Aujourd’hui, 20ème anniversaire fin d’URSS, eg début du débat existentiel sur l’OTAN : pour quoi faire ? Auj, contexte différent : plus seulement quelle fiabilité de la garantie américaine (nucléaire ou conventionnelle), car Defense & Detterrence Posture Review (DDPR) lancée à Lisbonne. Lisbonne précise que l’OTAN conservera un mixte nucléaire et conventionnel. Auj, quelles priorités stratégiques américaines (Asie, post Afghanistan, rigueur budgétaire), en Europe (contrainte budgétaire), et quelles conséquences à terme de la mise en place de la DAMB.
Ne pas oublier la garantie de défense et sécurité américaine, demeure le cœur de métier de l’OTAN. N’a pas toujours été le cas parmi les alliés :
- - il y a eu aussi « l’OTAN globale » (articulée avec les différents partenariats et les attitudes diverses des partenaires, selon des modalités très variables). Mais quelle garantie l’OTAN apporte-t-elle à ces partenaires ? Risque de dilution du métier de base l’article 5. On a vu l’ambigüité de ces partenariats lors de l’affaire Géorgie. Cette posture alliance globale est retombe. Les US tournés vers l’Asie et n’envisagent pas l’aide européenne.
- - Il y a eu l’alliance expéditionnaire : c’est en dehors que l’alliance doit se projeter. Irak, Afgha. Mais nous sommes à la fin d’un cycle : fatigue des opinions, opérations devenues trop dangereuse. Mais nouvelle tendance qui se manifeste aux Etats-Unis : frappes à distance + forces spéciales + partenaires locaux : capa d’intervention bcp plus légère. UN peu similaire à ce qui est fait avec Israël : mais est-ce efficace ? drones et FS suffisent-ils ? pb de contrôle démocratique et droit de la guerre. Cette direction donnera lieu à des débats.
- - La boite à outil. Prolongement de la doctrine Rumsfeld, la mission fait la coalition. C’est une évolution extraordinaire de la notion de solidarité. Les US, avec le leadership from behind, sont le plombier à côté de la boite à outil et contrôlant que les assistants font le job. C’est un truc qui va assez bien à la France, car nous pouvons utiliser l’outil. Permet à l’UE lorsqu’elle aura dvp davantage sa cohésion sécuritaire de jouer un rôle au-delà des blocages actuels. La boite à outil est la traduction de la réalité de l’alliance : plusieurs vitesses des acteurs et des spectateurs. La Libye n’est pas une victoire de l’OTAN, c’est la démonstration de son problème.
Aujourd’hui, quels grands débats ?
- - Posture nucléaire américaine : question des bombes résiduelles ? D’où exercice PPDR. Mais avec un sommet à Chicago en pleine campagne électorale, ce n’est pas le moment de prendre des décisions.
- - La sortie d’Afgha. Ce ne sera pas un départ complet, il y aura des forces distantes, et donc des coûts. La querelle burden sharing repart de plus belle. Mais problème aussi pour les forces. Les forces européennes ont des lacunes.
- - Cf initiative du SG de smart defense (mutualiser, acheter sur étagère…). Mais il existe du coté UE le pooling and sharing qui est bien parti : il y aura une course de vitesse entre les deux.
- - Missile défense : financement des premières étapes. Sera à Chicago pour des raisons politiques que techniques. Pose la q du changement de périmètre des coûts communs. Jusqu’à présent, chacun apporte sa contrib au pot. Mais l’Afgha a entraîné un début de dérive des coûts communs, supportés par qq pays (US UK FR AD IT). Un achat commun risque d’entraîner un effet d’éviction sur nos propres programmes, quand la majorité des alliés qui payent peu y sont favorables… !
- - Le burden sharing va revenir en force. Pt de vue pol, c/t de l’état d’esprit de l’opinion et du Congrès, les Européens vont être ciblés. « si vous ne faites pas un geste, vous alimenterez le néo-isolationnisme américain ». Mais y a-t-il un isolationnisme ? non, changement de priorités ; Sont attachés à l’alliance, moyen d’être en Europe, qui demeure une plate-forme militaire et logistique tout à fait décisive pour les intérêts US au Proche Orient (défense d’Israël). Mais clairement, dévaluation des alliés européens dans l’esprit de Washington.
DRP.
Le débat est très important. Parmi les remarques de BDA, qq slogans. Confusion entre l’OTAN et les nations membres .L’OTAN n’existe s, elle est l’expression institutionnelle de 28 nations. N’est pas supranationale. Elle est une OI classique du point de vue du droit internationale. Mais politico-militaire, basée sur un traité. Reconfirmé sans cesse depuis 1949. Elle est d’abord politique avant d’être militaire. Clausewitzien. OTAN encore fiable ? c’est une question piège, car fiable par qui ? ce sont les membres qui la fiabilisent. Fiable pour qui : les nations membres. Pour quoi, les trois tâches confirmées à Lisbonne dans le concept. Donc, qu’est-ce qui se cache derrière la question ?
Je travaille sur l’OTAN depuis 1980. Avec recul, je vois qu’il y a 15 nations puis 28 qui se sont alliées, et sont très liées par cette alliance. Représentation symbolique et géographique. A permis la fin de la guerre froide de façon pacifique (bien sûr, pas seule pour cela), pacification de l’Europe par intégration et élargissement, a réuni l’Europe. Bosnie, Kossovo, Macédoine, a contribué à stabiliser les Balkans qui avaient dérapé. Puis partenariats élargis (une trentaine de pays partenaires, de la Colombie au Japon). Bref, l’OTAN a été un véritable acteur stratégique, a pesé sur l’histoire du monde, certes de façon limitée. A été l’instrument d’une certaine volonté internationale (Afghanistan, Piraterie, Libye).
Volontarisme, qui est difficile.
La France et l’OTAN : elle a été une puissance fondatrice de l’OTAN. DG, Sarkozy. Le retour est important des deux côtés. Continuité du rapprochement entre Mitterrand, Chirac et Sarkozy.
Futur : L’alliance est-elle déliquescente parce que tout le monde n’a pas participé aux opérations en Libye ? Mais tout le monde n’a pas participé à Bosnie, etc. Géométrie variable : un tronc commun (défense commune) et une aile gestion des crises, et une aile de sécurité coopérative, ces deux ailes à géométrie variable. DAMB réponse au contexte stratégique qui change, preuve que l’OTAN s’adapte. Il est clair que la Russie n’est pas un adversaire. Cf. sommets de Paris en 97 et de Rome en 2002. Pour les Européens, question de la relation transatlantique et du burden sharing. Les Etats-Unis joueront un rôle moteur. Les US reconnaissent qu’ils sont un membre distinct de l’OTAN, comme toujours. Mais ne seront pas un gap-filler. L’OTAN a toujours été un enabler pour les Européens. Facteur d’ancrage pour les Européens.
Dialogue
JDM : Pour la France, qu’est-ce que ça signifie d'avoir des alliés ? on voit la question sur le plan européenne (cf. débat euro), mais aussi OTAN : au fond, n’est-ce pas la même question ? Aujourd’hui, les choses cohérentes et évidentes le paraissent de moins en moins. D’où : qui sont nos vrais alliés ? cf. annulation vendredi dernier du sommet franco-britannique. Quant à l’article 5, a été négocié bizarrement, puisque ce sont les US qui ont demandé la non-automaticité, c/t de la souveraineté du Congrès : or, ce sont des débats qui correspondent étrangement à ce qu’on a en ce moment en Europe. Pour vous, c’est quoi être des alliés ? ça va jusqu’où ? cf. DG qui dit : « on a des alliés, mais pour l’essentiel, nous sommes seuls ». Mais aussi débats sur flotte de drones HALE, ou flotte de chasseurs pour les pays baltes, à chaque fois américains.
DRP : qu’est-ce qu’un allié ? l’histoire est là, cf. le traité. Mais était avant la guerre de Corée, et décisions de 1950. Troupes, sous-marins, … Cf. Mitterrand en 1982 : si les deux autres puissances nucléaires de l’Alliance sont là en cas de problème, la France y sera aussi. Et nous avons été ensemble en Bosnie, Kossovo, Afghanistan. Certes, disparates, avec difficultés. C’est grâce au fuselage qu’on a les ailes.
JDM : les choses vont-elles dans le bon sens : renforcement, ou dilution des alliances ?
BDA : S’interroger sur l’avenir. Regardez que la zone du traité excluait l’Algérie. Mais la France est restée dans l’Alliance, et a maintenu une relation militaire avec l’OTAN (accords Ailleret Lemnitzer). Pb de la comparaison avec l’avion : dans l’équipage, des gens qui veulent aller dans des directions différentes. Europe centrale préoccupée de la Russie. Ils rejoignent la vision cœur de métier, celle de la France. Il ya ceux qui considèrent que les nouvelles menaces sont prioritaire : chantage énergétique (Pol Tch), le terrorisme (US), la cyberdéfense (Let), crises et stabilisation : ce n’est pas valable pour tout le monde. L’Afgha est historiquement la volonté d’être aux côtés des Etats-Unis pour lutte contre terrorisme (mais cohérence après l’Irak, qui avait montré des différences). L’article 5 n’a aucune automaticité, ce ne sont pas seulement les américains qui l’ont voulu. Le pb, c’est le changement de référentiel stratégique des US. Ils refont autour de la Chine ce qu’ils ont fait contre l’URSS. Nouveau monde, c’est ce qu’on peut reprocher au concept de Lisbonne ; son côté fourre-tout qui ne parle pas du changement de référentiel stratégique du principal allié. Quant à DAMB, cela change la nature de l’engagement. Avant, chacun mettait son territoire en jeu et la survie de sa nation. Pas le cas avec la défense balistique. Le retour à L’OTAN n’est pas dû au fait de moindre influence : mais nous n’envisageons pas d’effectuer seuls des interventions (en Libye, le principal allié a été le Qatar) ; et notre réintégration va aider à apaiser les préventions de nos partenaires européens vàv défense européenne. Débat : la partie européenne a-t-elle équilibré la partie alliance. Etre allié c’est en fonction de la boite à outil, en fonction de l’appréciation des nations de leur intérêt.
EDD: Certains partis politiques appellent à un retour au statu quo ante : qu’en pensez-vous et quelles conséquences ?
BDA : la situation gaullienne n’était pas une sortie totale. Je ne suis pas convaincu que les partis soient en faveur de la sortie, hors M Le Pen. La vaie question est : « quel degré de participation au financement commun ? « quel achat de matériel américain ? » « quelle association avec la stratégie SU vàv de la Chine ? ».
DRP : personne ne propose que l’OTAN ailler en mer de Chine, ce sont des slogans, ce n’est pas sérieux de le mentionner à propos de l’OTAN. Les US savent très bien que leur meilleur allié est dans l’OTAN. Et surtout, les alliances se maintiennent, et l’OTAN répond aux missions. Politiquement, il me semble presque inconcevable que la France revienne sur les décisions de 2009, car ce retour est dans la continuité de décisions depuis vingt ans : serait renier vingt ans de rapprochement mais aussi d’interopérabilité, et son engagement opérationnel dans les Balkans. Alliance est politico-militaire.
JFD : Depuis 1990, l’OTAN court après sa légitimité. Que reste-t-il : un outil militaire qu’on a redécouvert lors de la Libye (seul orga multilatérale capable de faire voler des centaines d’avions ensemble sans qu’ils se percutent). Les moyens permettront-ils de continuer dans la durer. 2ème chose, c’est un moyen pour discuter, entre nous et avec l’extérieur.
Trois éléments : perte de la centralité transatlantique : comment se déterminer face à un monde asiatique qui émerge ? Réduction du rôle des Etats-Unis. Vous rappelle Panetta que les US sont un partenaire distinct : ne deviennent-ils pas distants ? Enfin, réduction des budgets très apparente, on voit que perte des capa mili : alors , quel rôle de l’OTAN ? Au final, ne faut-il pas se demander si la France en revenant ds l’OTAN n’avait pas un agenda caché, celui de prendre le pouvoir dans une alliance vieillissante alors que le plus puissant s’en va.
EDD : Qq mots de la réforme de la structure ? Quelle valeur ajoutée de l’Alliance, cf. ds la FIAS : l’alliance va—elle rattraper les principaux alliés (déployabilité) ? défense collective : nous ne cessons de le dire sur les niveaux d’ambition, ils sont totalement irréalistes, pourquoi ne pas en discuter ? pour ne pas voir que nous ne pouvons plus rein faire et que nous dépendons des Américains.
DRP :
- - Structures : modèle de la FRR/NRF qui a permanence et réactivité. Préfigure ce qu’on pourrait faire à l’avenir ? La nouvelle structure sera mise en place en 2013, ça prendra deux ans. Il faudra voir la structure de forces (les HRF)
- - Oui, on peut faire la défense collective. On utilise la NRF aussi à ça. Voir aussi retex FIAS.
- - Budgets : distinguer entre budgets de l’OTAN et ceux des nations. Certains sont collectivisés via des MOU. Ds l’alliance, trois budgets : NSIP devenu budget investissement. 70 0M € par an. Un budget militaire 1,2 G€. Un budget civil de 200 M €. En tout, 2,2 G€ !
BDA :
- - oui, c’est une boite à outil mili et une instance de dialogue politique. Pb de l’équilibre entre les deux, le politique coutant moins cher que le mili.
- - NRF : propo américaine, très soutenue par la France (moyen de renforcer l’interopérabilité). Mais on disait que la Rolls ne sortait pas du garage : pb de son utilisation. On ne l’a pas envoyée en Afgha. Elle plait bcp à Saceur, mais pas utilisable hors d’un consensus général, qui n’est pas visible aujourd’hui.
- - Réforme : FR très fana à Lisbonne. L’objectif de réduction pas slt des EM. Ça se fera lentement. L’important, ce sont les agences, >10 G€ par an. Évaluent les besoins, signent l’appel d’offre et signent les contrats. Or, la réforme des agences qui est très compliquée n’avance pas beaucoup. On verra à Chicago.
EDD : donc on ne peut pas employer la NRF ?
BDA : je ne crois pas à l’émergence d’un pilier européen au sein de l’alliance. Ça n’a jamais marché, et il faudrait que les Européens aient institutionnellement cette position, pas faisable politiquement aujourd’hui ? E t quelle contrepartie donner aux US pour cette restructuration de l’alliance.
DRP : la NRF n’assure pas à elle seule a défense collective. Il y a un engagement formel de l’Alliance avec la Russie de ne pas mettre de forces permanentes en Pologne et pays baltes et ex-Pava : on s’y tient. Il y a d’autres scénarios et forces que la NRF mais celle-ci est connue.
Q. Quelles capacités dans les nouveaux domaines (approche globale) ? Pourquoi l’Amérique persiste-t-elle à ne pas faire entrer la Russie dans l’Alliance ?
BDA : la question est qui commande et finance les actions complémentaires de l’action militaire. L’exemple des PRT en Afgha n’est pas convaincant. La complémentarité militaire/ stabilisation n’est pas évidente. Question de légitimité. Rôle des Nations-Unies. La Russie n’est pas démocratique, mais quand au sein de l’Alliance, il y a eu des épisodes non démoc, on a laissé faire. Toutefois, lors des élargissements, nécessité du critère démocratique. La Russie surtout n’en veut pas. Voir aussi débat de DAMB, un des arguments de la Russie tient à l’implantation de radars permanents en Tchéquie, contrairement aux accords passés.
DPR : Alliance est un security provider parfois, enabler dans d’autres cas. Revenir à la question de JDM : pourquoi elle perdure ? parce que les Nations y trouvent un intérêt, avec ses forces et ses faiblesses.