La nouvelle majorité de gauche au Sénat a décidé de marquer son arrivée en s'attaquant au dossier, ancien et symbolique pour notre famille politique, du droit de vote (et d'éligibilité) des étrangers hors Union Européenne aux élections locales. Cette proposition étant également présente dans l'accord électoral porté par le PS et Europe Écologie Les Verts, la droite s'en est saisie pour ouvrir une polémique dure avec l'opposition, au prix d'un certain nombre de sottises et d' approximations.
Si on met de côté ce qui relève de la tactique électorale à quelques mois de deux scrutins nationaux majeurs - les accusations de xénophobie d'une part, de trahison envers la Nation d'autre part - les conceptions qui s'opposent sont les suivantes. D'un côté, la gauche se place sous le signe du pragmatisme, en pointant le fait qu'il est absurde d'écarter de la vie civique des étrangers absolument intégrés dans la vie quotidienne de notre pays, et plus encore de leur terroir local d'adoption. Une association accrue à la vie civique serait même un facteur d'intégration et donc de plus forte association à la nation. D'un autre côté, la droite se revendique de la logique républicaine et explique qu'il n'y a pas de raison de dissocier droit de vote et citoyenneté à part entière - que cette dernière ne " s'achète pas " en payant des impôts.
A titre personnel, je n'ai pas d' avis tranché sur la question et j'estime que les deux positions sont entendables, si on les nettoie, encore une fois, de leurs oripeaux polémiques. Mais il y a les principes - et il y a les faits. Et c'est sur ce dernier point que l'actuel positionnement de l'UMP ne tient pas.
Que disent les chefs de file de la droite ? Que si les étrangers veulent voter, ils n'ont qu'à se faire naturaliser. Nicolas Sarkozy : " Si une personnalité de nationalité étrangère qui réside dans notre pays, qui respecte nos lois et nos valeurs, veut participer aux choix politiques de notre nation, alors [...] une voie lui est ouverte, cette voie c'est l'accès à la nationalité française [...] Il n'y a, me semble-t-il, rien de choquant, rien d'anormal à ce que les électeurs et à ce que les élus des territoires de France soient Français ". Claude Guéant : " Si une personne étrangère souhaite voter et s'impliquer dans la vie de la cité, elle peut demander sa naturalisation. On ne peut découper la citoyenneté en tranches. ".
Guéant et Sarkozy partagent le même raisonnement : vous voulez voter, très bien, demandez votre naturalisation, ce sera encore mieux ! Comme si cette opération était aussi envisageable que le simple droit de vote façon PS, comme si elle était aussi simple ; bref, une option autre, mais équivalente et plus cohérente.
Venons-en aux faits. Sous Nicolas Sarkozy, la procédure de naturalisation a été régulièrement rendue plus malaisée. Il y eut d'abord la réforme Besson de 2009, décentralisant la gestion des naturalisations au niveau des préfectures, générant de fait un grand risque d'arbitraire et de localisme (comme l'expliquait alors Patrick Weil) tant les attitudes, et même tout simplement les chiffres varient d'une préfecture à l'autre. Plus récemment, en octobre dernier, Claude Guéant a annoncé le durcissement des exigences en matière de connaissance de la culture et de la langue française. On peut discuter du bien-fondé de ces décisions, mais une chose est claire : elles vont dans le sens d'un malthusianisme, et non d'une ouverture ou même d'un maintien, des naturalisations.
La position de la droite sur le vote des étrangers est donc malhonnête. Elle confond à dessein deux problèmes : celui, philosophique et constitutionnel, du droit de vote, et celui de l'attitude concrète face aux étrangers. La gauche défend le droit de vote des étrangers et une ouverture à leur égard. La droite combat le droit de vote des étrangers tout en laissant penser qu'elle partage l'ouverture de la gauche à leur égard - ce que démentent quatre années de sarkozysme. Comment peut-on présenter la naturalisation comme une alternative au droit de vote, quand le nombre de personnes concernées par l'une et l'autre options n'est pas comparable ?
Nicolas Sarkozy et Claude Guéant me font penser à deux patrons de centre commercial en concurrence avec l'hypermarché PS. Ils déclarent : " Le PS vous propose un baril de lessive, et nous pour le même prix, on vous en offre deux, profitez de notre vente flash ! ". Peut-être, déjà, n'avez-vous besoin que d'un paquet (le vote sans la naturalisation). Mais surtout, quand vous arrivez au centre commercial UMP, vous découvrez qu'il y a une rupture de stock sur la vente flash : il n'y a plus de lots de deux barils, et pas de baril simple non plus. C'est ballot.
Je me suis toujours méfié des promos de bout de gondole ; merci à la droite, sur ce débat, de me conforter dans mon intuition.
Romain Pigenel
This was written by . Posted on Vendredi, décembre 9, 2011, at 19:43. Filed under En route pour 2012. Tagged Brice Hortefeux, citoyenneté, Claude Guéant, culture, droite, droite de vote des étrangers, EELV, Eric Besson, identité nationale, nation, nationalité, naturalisation, Nicolas Sarkozy, Patrick Weil, préfecture, ps, régulation, sénat, UMP, xénophobie. Bookmark the permalink. Follow comments here with the RSS feed. Post a comment or leave a trackback.