Les sénateurs de gauche se sont fait plaisir à peu de frais. La proposition de loi de adoptée par la Chambre haute accordant le droit de vote aux étrangers non communautaires pour les municipales est limitée et inapplicable en l'état. Limitée car le texte ne permet pas aux étrangers de devenir maires ni de participer aux élections sénatoriales en tant que grands électeurs. Ils pourraient seulement être élus conseillers municipaux. Inapplicable en l'état car, pour entrée en vigueur, il faudrait qu'elle soit adoptée dans les mêmes termes par l’Assemblée puis, transféré au chef de l’État pour qu’il le soumette soit à un référendum, soit au Parlement réuni en Congrès.
Pour une fois, François Fillon a raison : "Dissocier le droit de vote de la nationalité française, c’est prendre le risque de communautariser le débat public". C'est surtout tomber dans le piège tendu par Nicolas Sarkozy de faire de la question de l'immigration l'un des sujets centraux du débat de la présidentielle.
Pour comprendre la stratégie de l'Elysée, il faut revenir au très éclairant discours de Grenoble dans lequel Nicolas Sarkozy déclarait notamment : "Nous subissons les conséquences de 50 années d’immigration insuffisamment régulées qui ont abouti à un échec de l’intégration".
Si ces dix dernières années la France est restée fidèle à sa tradition généreuse en termes de citoyenneté en naturalisant plus d'un million de personnes, soit presque autant que l'Allemagne et dix fois plus que l'Italie, la crise actuelle offre l'occasion de s'interroger sur la politique immigratoire de l'UE et sur la place juridique réservée aux migrants.
Ainsi, Maurizio Ferrera, expert auprès de la Commission Européenne, dévoilait en 2010 dans les colonnes du Corriere della Sera de bien surprenantes réflexions. Le politologue considère ainsi qu'en raison des importants flux migratoires de ces vingt dernières années, les critères traditionnels de naturalisation (droit du sang ou du sol) ne tiennent plus.
L'expert italien avance qu' "Une politique de la nationalité sérieuse doit aujourd'hui s'appuyer sur de nouveaux critères, dont en premier lieu celui du domicile, assortis d'une série de "filtres" qui attestent de l'authenticité de l'intention et permettent de mesurer le degré d'intégration (assiduité scolaire, travail régulier, connaissance de la langue, etc.)".
Maurizio Ferrera estime que la "bonne conduite" pourrait devenir un des filtres les plus élémentaires de la sélection, et rester éventuellement en vigueur pendant un certain temps après la pleine naturalisation d'un étranger. "Dans un cadre de ce type, la possibilité, évoquée par Nicolas Sarkozy, de révoquer la citoyenneté de ceux qui commettent des délits aurait une dimension moins dramatique sur le plan symbolique, et plus efficace sur le plan pratique" estime-t-il.
L'idée développée est de faciliter une immigration choisie, dans la spécialité et dans le temps. Une immigration temporaire accompagnée d'une nationalité à plusieurs degrés et surtout non définitive.
"La naturalisation ne doit plus être considérée comme un passage "ponctuel", un changement de statut irréversible en fonction de critères très généraux et automatiques. Il faudrait plutôt que ce soit un processus par étapes accompagné d'incitations et de voies prioritaires, surtout pour les mineurs. Dans un deuxième temps, il faudrait également revoir la définition de la citoyenneté. Là aussi, il semble opportun de dépasser l'alternative pure et simple – national ou étranger – et de prévoir des formes intermédiaires de "quasi-citoyenneté" écrit Ferrera.
Ferrera, très concrètement, propose ainsi que la citoyenneté européenne devienne une "citoyenneté de second ordre" préparatoire à la nationalité du pays d'immigration pour les ressortissants de pays non européens qui satisfont à certains critères.
Dans ce contexte, évoquer un droit de vote limité pour les étrangers revient à ouvrir une boîte de Pandore. C'est de l'assouplissement des conditions d'accès à une nationalité intégrale et définitive qu'il faut débattre et rien d'autre.