Merlin JACQUET - Créateurs, inventions et savants fous (anthologie) : très belle collection de textes SciFi.
Cette anthologie, qui fait partie d’une collection réalisée par Merlin JACQUET (qui n’en est donc pas l’auteur comme mon titre pourrait le faire penser), est d’une excellente qualité et réunit une jolie sélection de textes autour du thèmes des inventions et de l’anticipation.
La maison d’édition, Hydromel Editions, est encore très jeune, je crois que cet ouvrage est la deuxième ou troisième publication et la toute première anthologie ; j’espère qu’ils parviendront à maintenir la qualité de leurs ouvrages, qui sont agréables au toucher et très belles à regarder, avec une petite mention pour l’illustrateur.
Mais le plus important reste de répondre à la question suivante : qu’en est-il des histoires sélectionnées ?
Ce petit ouvrage de 159 pages réunit neuf nouvelles d’auteurs divers autour du même thème, celui des créateurs, inventions et savants fous.
Pour vous donner une idée – et peut-être l’envie d’acheter cette collection – vous trouverez ci-dessous un résumé succinct de chaque histoire suivi d’une brève critique de quelques mots.
Pour nous mettre dans l’ambiance, « créateurs, inventions et savantsfous » s’ouvre sur une histoire de machine temporelle :
1) Marie-Anne CLEDEN : La machine à démonter le temps
Le jour est bien triste puisqu’il s’agit de celui de l’enterrement du célèbre Professeur Duten, inventeur du télétransporteur et lauréat du prix Nobel.
Son assistant Thomas est effondré et se souvient des instants passés en compagnie de son professeur, son idole, un savant un peu fou qui l’a incité à choisir la voie de la physique quantique.
Ces derniers mois, il travaillait avec le Professeur Duten sur un nouveau projet très ambitieux, qui attirait le regard moqueur de ses collègues : la machine à remonter le temps…
Cette première nouvelle m’a fait douter – l’ouvrage serait-il la collection de quelques nouvelles écrites par des post-adolescents? Car des histoires de ce type, j’en ai lu dans mon adolescence ; oui, je l’admets, j’étais membre d’un club d’écriture/lecture et maintes histoires ressemblaient à celle-ci, étaient même meilleures que celle-ci. Si elle est écrite de façon agréable et nous fait remonter dans les souvenirs de Thomas, l’ensemble et notamment la chute sont quelconques et l’impression qui me reste est celle d’une certaine immaturité.
2) Christian FONTAN : Le syndrome de Link
Voici une nouvelle qui est un peu plus d’actualité : un livre interactif, le Link, est mis sur le marché et connaît un succès fulgurant. Les enfants s’immergent dans les ouvrages qui leurs sont proposés par ce moyen.
Si cette tablette virtuelle semble apporter un grand plus, il s’avère qu’une dépendance malsaine semble affecter certains enfants utilisateurs du Link …
Cette nouvelle m’a bien plu, avec son allusion à la dépendance aux jeux électroniques, elle est assez intelligente, avec cette éventualité d’influencer les enfants à leur insu au moyen de leurs loisir et le contrôle (ou non) de leurs lectures. C’est très présent dans notre quotidien, tout ça !
Non, la nouvelle n’est pas d’une grande originalité, mais la construction est adroite, on voit les années passer en quelques pages, on suit en quelques lignes l’évolution du problème et le regard officiel porté sur le « syndrome » par le fabricant. Le format de l’histoire courte est bien exploité.
3) Léo KENNEL : L’espace dans la géométrie
Léo KENNEL revisite le mythe d’Isis/Osiris de façon surréaliste et artistique. C’est une histoire étonnante, on se retrouve dans un vernissage surprenant, on est confronté à des œuvres géométriques (?!), à un monde à part.
C’est une histoire troublante, je pense qu’on aime ou on déteste. En quelques pages seulement, cette nouvelle parvient à marquer sa différence, elle est originale et présente un univers surréaliste en relançant un mythe égyptien (la touche égyptienne, ça plaît toujours, tous s’écrient immédiatement : ah, je connais, j’adore).
Si cette nouvelle, de fait, décrit un étrange vernissage et ses artistes, elle est presque elle-même, par sa courte longueur (hmm, je suis en forme, avec mes formulations …), une œuvre surréaliste.
Sympa !
4) Jean-François SEIGNOL : L’œuvre d’art de l’avenir
Dans cette nouvelle, qui se déroule au XIXème siècle, nous croisons quelques noms célèbres (Wagner, Freud, Louis) puisque l’auteur tente de mélanger le genre historique avec celui de la science-fiction : un monde virtuel est créé à travers la musique de Wagner qui est jouée au moyen d’une machine appelée « Eindrucksmaschine » (littéralement : machine d’impressions) créée par le célèbre compositeur lui-même.
Le roi Louis s’immerge dans le monde créé par Wagner … mais se trouve bloqué dans un monde irréel. Comment l’en sortir ?
En fait, il n’y avait aucun besoin de remonter au XIXème siècle, on aurait tout aussi bien pu imaginer un monde virtuel actuel, ce qui aurait évité de se servir de personnages plus ou moins connus et décrits de façon linéaire. D’autant plus que je ne vois vraiment pas l’intérêt d’y mêler des noms célèbres ?! Mais bon, pourquoi pas, je pense que l’idée était de se démarquer tout en faisant pareil que beaucoup d’autres. Ce n’est pas vraiment réussi, puisqu’en utilisant des aspects « connus », il aurait fallu aller plus loin.
L’écriture est simple et le format de l’histoire court ne convenait pas du tout à l’ambition de l’écrivain.
Donc, mon commentaire sur l’l’œuvre d’art de l’avenir est : bof.
5) Aurélien James ROSS : Sans mixture ni potion
Je dirais plutôt : sans queue ni tête.
Rien à comprendre, rien à retenir, même pas les idées pseudo-intellectuelles. Une histoire qu’on peut tout aussi bien ne pas lire.
6) Célia DEIANA : Verre brisé
Verre brisé est une histoire terrible qui se déroule dans un monde post-apocalyptique. Une étrange maladie touche les hommes (et femmes) qui ont été décimés, rares sont les enfants, tout est rare.
Nous suivons la petite Miroir, une fillette qui va à l’école où elle retrouve ses copains avant de rentrer pour faire ses devoirs. Miroir a grandi dans ce monde désenchanté et observe avec un regard innocent ses copains tomber malade et disparaître. Pour elle, c’est ainsi.
Son père, désespéré, tente de trouver un remède pour sauver son enfant. Nous sommes ébranlés en entendant Miroir raconter sa journée : mon copain est tombé hier, il est tombé aujourd’hui, demain il tombera aussi. Je pense que demain, il ne pourra pas se relever ….
Voici la nouvelle qui se démarque au cœur de cette collection : l’auteur, Célia DEIANA, respecte parfaitement le cadre de l’histoire courte et fait preuve d’une énorme sensibilité et d’un grand talent.
Elle ne fait qu’effleurer certains aspects de ce monde condamné et par ces quelques touches elle parvient à créer devant nos yeux un monde complet, terrifiant, désenchanté à souhait. Rien ne manque, aucun mot à changer. Ce qui n’est pas dit s’avère un non-dit puissant.
S’il y avait une histoire à retenir, ce serait celle-ci ! C’était sans aucun doute possible ma préférée.
Nicholas EUSTACHE : La boite noire
Victoire Franck est une écrivaine dont le premier livre était un échec. Elle décide donc de prendre la drogue illégale, appelée « Muse ». C’est une drogue effrayante, puisqu’elle déclenche quelque chose chez les êtres humains qui se réveillent systématiquement face à une création étonnante : cela peut être une œuvre d’art, une invention utile mais aussi bien une arme de destruction massive. La Muse est imprévisible et incontrôlable.
Victoire espère se réveiller face à un manuscrit … mais se réveille face à une boite noire. De quoi s’agit-il ? Qu’a-t-elle créé ?
Une idée de départ qui était très séduisante, mais une fin qui m’a largement déçue. Dommage, puisque les deux premiers tiers de cette nouvelle de 21 pages sont vraiment prenantes. Avec une chute plus imaginative cette nouvelle aurait pu être excellente alors que là, ça retombe comme un soufflé.
Mais il n’en reste pas moins que l’écriture est belle et que l’on imagine facilement l’univers créé par Nicholas Eustache.
Marianne GELLON : H-Confidentiel
Nous sommes en 1951, Dimitri est un brillant chercheur, un génie qui a besoin d’une muse – et il l’a trouvée dans une prostituée, Marta. Quand il est avec Marta, Dimitri a des éclairs de génie pour développer une arme puissante qui utiliserait l’uranium, la fusion …
Cette nouvelle n’est pas une histoire d’anticipation, c’est plus une histoire d’espionnage puisqu’elle met en scène un inventeur génial au cœur de la guerre froide qui tente de mettre la dernière touche à l’invention avant les autres qui, quelque part dans le monde, cherchent aussi.
Cette histoire pâtit clairement de son environnement science-fiction.
En faisant abstraction de cela, il faut tout de même souligner que l’histoire se lit aisément mais que le personnage de Dimitri manque un peu de relief, j’aurais apprécié que l’auteur insiste plus sur la pression qu’il subit, la course entre scientifique. Ici, on a du mal à cerner le moment fort de la nouvelle.
Donc, une histoire qui se lit mais qui peut décevoir dans cette collection où elle n’est pas vraiment à sa place.
Gabrial VIDAL – Le Verseau
Le Verseau nous projette dans une dimension différente, celle des Dieux ( ?!? ), celle des créateurs ( ?!?) . Le Verseau cherche la perfection, il observe les hommes, ces créatures si imparfaites, qui défont et recyclent sans imagination et tente de créer ce qui existe déjà. Le Verseau, lui, met la touche finale à la création parfaite. Il est en cela observé par d’autres …
Une nouvelle étrange dans laquelle j’ai apprécié la perspective adoptée par l’auteur qui nous attire dans la tête de Verseau qui créé dans la méfiance et qui nous propose en même temps un regard extérieur à travers des extraits de « chroniques »,
Si ce n’est pas mon histoire préférée, elle a le mérite de nous plonger dans un univers bien différent !
Dans l’ensemble, c’est une anthologie de qualité que je ne peux que conseiller à ceux qui aiment le genre.
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