Policier décédé, Foursquare : morbide indécence de Sarkozy

Publié le 08 décembre 2011 par Variae

C’est un camarade de tweet qui me l’a signalé ce matin. Eh, tu as vu ça, Sarkozy a fait un check-in sur Foursquare depuis l’hôpital ! L’hôpital ? L’Hôpital Nord de l’Assistance publique de Marseille, celui où était soigné le policier qui avait essuyé des tirs de fusil d’assaut de la part de voyous. Celui, malheureusement, où il a succombé à ses blessures.

 

Foursquare ? Un réseau social en vogue, qui, jouant sur le GPS des téléphones portables, demande à ses utilisateurs de « pointer » les endroits où ils passent dans la journée. Un réseau de géolocalisation qui n’aurait aucune utilité s’il n’intégrait pas un système de points et de classement : chaque localisation effective dans un lieu référencé rapporte des points à l’internaute, et lui permet de décrocher des badges, récompensant par exemple le nombre de fois où il « check » dans des restaurants de sushis, ou sa propension à fréquenter assidument les salles de gym. Bref, un réseau à la fois inutile et ludique, qui n’a pas de fonctionnalité informationnelle première, à la différence de Facebook ou de Twitter.

L’Élysée entend apparemment aller à la rencontre des Français sur tous les espaces du web où ils sont actifs. Soit. L’Élysée a donc un compte Foursquare. Soit. Mais comme toujours, il y a deux choses, les réseaux sociaux, et l’usage qu’on en fait. Foursquare reste très largement un réseau dédié à la détente et à la compétition amicale entre contacts. Je n’y ai pas encore vu de débats sur la crise économique, ou de diffusion d’informations autres que des avis d’utilisateurs sur tel ou tel restaurant. Aussi, quelle n’est pas ma surprise de découvrir ce statut :

Et sa reprise sur Twitter :

On annonce donc allégrement que l’on a fait un check-in à l’Hôpital en allant rendre visite à un policier mourant. Tiens, et pourquoi pas un poke ou un like à ses collègues, tant qu’on y est ? Ou un tweet à leur attention avec un smiley clin d’œil ? Je suis peut-être un terrible rabat-joie, mais je ne m’imagine pas faire un check-in dans un cimetière si j’y assistais à un enterrement (« c’est ton 10ème lieu visité aujourd’hui, tu gagnes 3 points »). Que le Président fasse savoir qu’il rend visite au gardien de la paix gravement blessé durant son service, pour le soutenir lui et ses proches, est normal, convenable et même nécessaire. Mais que son service de communication transforme cela en un événement de réseau social, en mettant en scène par géolocalisation la visite elle-même, me semble être un faux-pas qui témoigne d’un manque de pudeur et de décence tout-à-fait étonnants et regrettables.

J’en étais à ce stade de mes réflexions quand m’est parvenu un billet de Plume de presse, le blog d’Olivier Bonnet, portant sur la même visite présidentielle, mais y ajoutant des suspicions bien plus graves. Selon cet article – qui cite nommément un policier – Nicolas Sarkozy aurait fait repousser l’heure officielle de la mort du gardien de la paix blessé, pour organiser sa visite « de son vivant ». Je ne peux que vous y renvoyer pour que vous vous fassiez une idée par vous-même. Il n’en reste pas moins, quel que soit le fond de l’histoire, que le décès d’un homme est un sujet suffisamment grave pour qu’on s’interdise de l’instrumentaliser. Qu’en pense le président-candidat ?

Romain Pigenel