Avec un mien ami, déjeuner ce jour chez Lasserre, une maison de bouche historique qui est en train de revenir à un très, très haut niveau.
C'est bien simple : mon ami comme bibi, on a été bluffé totalement du début à la fin.
Si vous lisez régulièrement ce blog, vous savez sans doute que mardi prochain, à notre prochaine session du GJE au Laurent, Monsieur Antoine Petrus sera intronisé nouveau Membre du GJE. Ce bien-nommé est le jeune directeur de Lasserre et donc le but du jour était de faire mieux connaissance. C'est pas triste, je vous le dis !
Il n'a que 28 ans, il est le MOF de l'année section "sommellerie", il a travaillé au El Bulli, chez Bocuse, et ses parrains "vins" sont Didier Dagueneau et Nady Foucault. Cette nouvelle génération - qui avoue un profond respect pour les anciens que sont les Poussier, Bureau, Bourguignon - où j'ajouterai Manuel Peyrondet (Le Carpaccio au Royal-Monceau), montre à la fois une rare modestie et une connaissance passionnée du grand vin qui est loin, très loin, d'être limité à Bordeaux et Bourgogne.
Dans ma jeunesse, j'avais été invité plusieurs fois chez Lasserre et j'ai connu Monsieur Lasserre, un pilier de Tradition & Qualités dirigé à l'époque par Jean Pierre Haeberlin, du temps des grandes heures ! Bien évidemment, la cave unique qu'il avait constituée (landais d'origine) était surtout composée de crus classés. Maintenant l'éventail est somptueusement plus large comme vous le verrez dans un second billet où on lira une petite partie de la carte actuelle.
Comment rester sobre pour décrire ce que nous avons vécu ? Evoquer la gentillesse et la classe d'un personnel comme on en voit presque plus ? Traduire en mots médiocres l'harmonie parfaite entre le menu composé et les vins choisis par Antoine Petrus et servis à l'aveugle ? Mentionner une salle comme au Laurent, où des habitués créent un climat de convivialité manquant cruellement ailleurs ?
Si vous aimez les mousses frivoles, les plats où les saveurs dépassent le chiffre fatidique de 3 (allez, pour le Grand Jacques, soyons généreux : disons 5), les gnama-gnama douteux mal recopiés d'une maison à l'autre, si vous aimez les mariages bizarres qu'on vous interdira de critiquer sous peine de passer pour un neuneu, si vous aimez les pipettes, les tuyaux, les bulles, les gaz, les choses normalement réservées aux industries sans nom, oubliez cette adresse de l'avenue Franklin Roosevelt.
Mais si vous aimez le gratin de macaroni aux truffes avec sa sauce à la Carême qui a pris 2 à 3 jours à se "construire" au coin du feu; si vous aimez le homard tout simple qu'accompagne une réduction où le vin rouge reste discret; si vous aimez un lièvre qui n'est pas celui du sénateur Coutaux; si vous aimez les madeleines de Proust, alors courrez ici !
Bon, c'est plus cher que l'Hypopotamus des Champs-Elysées, pas loin des prix du Fouquet's et donc, si vous devez casser une petite tirelire, vous ne le regretterez pas de le faire ici.
Les anciens se souviendront de Bernard Fresson qui, gagnant d'un loto, amène toute son équipe du film Le Garçon, de Sautet, avec Montant, Villeret (qui s'est brûlé les doigts), ici chez Lasserre. Moment d'émotion en voyant la table où ils furent servis "alla grande".
Le toit s'ouvre toujours aussi bien. Le fantôme de Malraux est discret, et le solitaire de passage, comme chez Vrinat, est traité seigneurialement.
Vous l'avez compris : voilà une nouvelle adresse qu'on fréquentera avec délectation. Il ne nous reste qu'à gagner au loto, mais encore faut-il jouer ! Ça, c'est le problème majeur : je n'arrive jamais à trouver les tickets gagnants.
Antoine Petrus, bibi et le chef (sympa comme tout) Christophe Moret
Premier vin, une arvine à l'élaboration de laquelle participe Antoine Petrus : un nez à faire gémir le Bonobo
Trois langoustines, dans une nage délicate où le doux fréquente harmonieusement l'acide-frais
Phase 1 : le gratin de macaroni aux truffes
Phase 2 : le passage du Maître (ne dites pas merci trop vite : apprenez comment faire chez Maurilio à La Ciau del Tornavento à Treiso)
Phase 3 : le mets qui restera dans votre gotha gastronomique. Simplement, un monument de saveurs, de textures, de goûts, de tout. Une réelle perfection. Vaut le voyage, intercontinental.
Je suis très fier : à l'aveugle, j'ai dit "Chablis" : il est bien le Président en ce moment :-) Mais bon, ce cru est tellement "beurré" qu'il est difficile de l'oublier !
Le hasard de la vie : ce cru de Monsieur Powell (Torbreck) dont le langage fleuri a ravi plus d'un participant du WWS, nous a scotché : un sémillon tout à fait étonnant.
Homard en réduction au vin rouge : une définition de la délicatesse culinaire
Un service au guéridon comme j'adore ! Classieux en diable !
Mauvais angle de prise de vue, mais là, c'est le toit qui s'ouvre !
Monsieur Graillot ! Je m'agenouille devant l'exceptionnelle fraîcheur de ce Crozes 1999 !
Le nouveau vin de Vega Sicilia : j'ai mentionné Opus One, Dominus, Mondavi Private Reserve. Séduira sans aucun souci les dames les plus rébarbatives (mais il est vrai que vous ne sortez pas avec ce genre de dames, sages que vous êtes !)
Vous aimez le lièvre ? Venez ici immédiatement !
J'ai été plus sage : c'est le dessert de mon mien ami :-)
En mémoire de Monsieur Proust qui aurait été un habitué, c'est certain
Un regret ? Oui, un seul, car voilà l'endroit idéal pour finir un tel déjeuner avec un beau D4 de Partagas. Mais les lois qui nous gouvernent nous interdisent ces plaisirs qui ont bercé les anciennes générations.
Bravo à toute l'équipe du Lasserre, une maison maintenant entre de bonnes mains qui annonce une sereine pérennité, chose pas inutile de nos jours.
Notre déjeuner du jour ? Sans aucune hésitation, et en tout : ambiance, service, qualité des mets : un réel *** comme il y en a peu, finalement. J'exagère ?, ben non ! Même pas un peu.
Les atrabilaires vont encore penser, dire, écrire des gros mots. Merci de ne jamais oublier, comme chez Maserati, qu'il y a là, dans ce secteur du luxe, des milliers d'ouvriers, de cadres, de personnel qui n'ont pas honte de travailler dans ce secteur du haut de gamme.