Cours Lafayette. Lyon. Jeudi 28 février 2008. La Mémoire explosée.

Je ne suis pas inquiète, non, juste perturbée. Puisque celui qui est plus que ma vie même habite tout mon espace désormais, sans que quoi ou qui ce soit ne puisse l’en abstraire, ou lui redonner chair.  L’explosion qui a eu lieu jeudi dernier Cours Lafayette à réveillé de tristes heures.   C’était en 2001, le 5 avril exactement. Une très belle journée, scintillante de lumière, s’achevait, en nous offrant  de la fenêtre ouverte une symphonie de rires d’enfants et les effluves exquises du parfum de nos chères roses. J’attendais Yann, parti faire accorder son violon chez un luthier de ses amis. Il m’avait promis de revenir à temps pour notre rituelle promenade au bord du lac. Les cygnes et le peuple des oiseaux s’agitaient sous notre balcon.  Il était 18h30. Et Yann ne rentrait pas. Le métro bloqué, les sirènes, ce jeune pompier perdant la vie au moment même où un terrible pressentiment me serrait l’âme et le cœur… Tout cela, écoutant la radio, jeudi vers 13heures, me revint violemment en mémoire. Mais ce jour-là, précisément, Yann rentra, lui, très en retard, mais il rentra.  Je suis si âgée que j’en oublie de compter le temps. Cependant, les violences et les orages tracent des sillons mémoriels. Alors, jeudi après-midi, je suis allée m’asseoir sur notre banc, face au plan d’eau. J’ai retiré le violon de Yann de son étui. Pour qu’il m’accompagne, de là où il se trouve. Les flamands roses et les grues cendrées ont commencé à se regrouper. Les poules d’eau se sont rapprochées du banc.  Je ne sais pas jouer du violon, mais je sais chanter. Une chanson comme une prière, pour tous ces inconnus qui, à cet instant précis attendaient que l’un des leurs rentre.  Même en retard...