Arrietty est le meilleur film du studio Ghibli depuis Le Voyage de Chihiro. Une aventure excitante où le danger se cache derrière le quotidien le plus banal, une fable mystique sur la survie des êtres et des espèces, un conte politique sur une autre manière de concevoir l’économie, et surtout l’histoire d’un amour impossible, simple et déchirante. Un petit chef d’œuvre.
Synopsis : Sous le plancher d’une maison perdue au coeur d’un grand jardin, de minuscules êtres, les chapardeurs, vivent sans se montrer des humains. Jusqu’au jour où Arrietty rencontre Sho…
Le Studio Ghibli nous a habitué aux chef d’oeuvre mais Arrietty est pourtant une très belle surprise. D’abord par sa simplicité magique qu’on avait seulement pu voir auparavant chez Ghibli dans Kiki, la petite sorcière. Ensuite par son animation, toujours saisissante. Chaque excursion d’Arrietty dans des lieux ou des objets qui nous sont pourtant familiers devient une aventure trépidante. Un plan résume à lui seul cette merveille : Arrietty gravit le toit de la maison comme on gravit une montagne, elle regarde vers la fenêtre qu’elle essaie d’atteindre, la caméra se met à sa place et remonte lentement la pente du toit qui semble interminable, escarpée, dangereuse. On est pris du vertige de notre nouvelle taille, celle d’Arrietty.Si la fable est comme toujours écologique, le dialogue entre une jeune fille qui parle de la survie de son espèce et un jeune homme qui parle de sa propre survie est saisissant. Quand Sho parle de sa maladie, Arrietty arrête de défendre les Charpardeurs pour s’intéresser à lui. Le film présente alors un miroir terriblement précis dans lequel l’individu se reflète dans l’espèce toute entière et inversement. La vie d’un individu est tout aussi essentielle que la vie d’un groupe. La survie de l’espèce demande de manière semblable à chaque être de se battre : notre futur est entre nos mains.
Mais les résonances sont encore plus larges : Arrietty est une fable altermondialiste qui, dans un contexte de crise économique, met aux prises ceux qui ont tout, le confort et l’argent (mais pas forcément le bonheur) et ceux qui n’ont rien que leur courage et qui doivent vivre des restes des premiers. Dans cette société injuste où les petits craignent les grands et ne peuvent rien faire face à eux, la chaparde, ou l’emprunt pour reprendre le mot du roman duquel s’inspire le film, est le nouveau modèle économique qui permet de trouver l’équilibre. La mondialisation est basée sur des rapports de force, sur l’incompréhension et sur la peur, des autres et du lendemain. La fable du studio Ghibli, scénarisée par Hayao Miyazaki lui-même, propose de baser la société de demain sur l’emprunt, les prêts, les échanges, la communication. Sur l’utilisation de ce dont on a besoin et non sur la surconsommation maladive. Sur le don de soi et de ce que l’on a à ceux qui en ont la nécessité. C’est seulement à ce prix-là que notre espèce peut survivre, arriver à l’harmonie et qui sait, au bonheur.
Mais Arrietty n’est pas qu’une parabole subtile. C’est un dépaysement. Un univers de couleurs, de lumières, d’une musique nostalgique. C’est surtout une tragédie. L’histoire d’un amour impossible. On ne sait pas si Sho va survivre. On est tout autant dans l’incertitude sur le destin d’Arrietty. Son audace et son énergie ne sont rien à côté du corps imposant (et pourtant malade) de Sho. Les mouvements du garçon semblent étouffés, éteints, et pourtant, pour Arrietty, aux gestes vifs et précis, ils sont un ébranlement complet, un cataclysme. Leurs vies ne tiennent à rien. Mais le plus triste n’est pas là. Leur histoire ne peut avoir lieu. Il est trop grand pour elle. L’amour ne peut pas vaincre toutes les barrières. Leur adieu est déjà l’un des moments les plus déchirants au cinéma en 2011. Arrietty est avant tout l’histoire de deux adolescents qui tombent amoureux. Qui s’aimeront toujours, et qui ne pourront jamais s’aimer.
Note : 8/10
Arrietty, le petit monde des chapardeurs (titre original : Karigurashi no Arrietty)
Un film de Hiromasa Yonebayashi avec les voix de Mirai Shida et Ryunosuke Kamiki
Animation – Japon – 1h34 – Sorti le 12 janvier 2011