Candidat à l’élection présidentielle : « Je me présente devant vous
en homme libre. ».
ça y est, c’est maintenant officiel : François Bayrou est candidat à l’élection présidentielle de 2012. Il a prononcé sa déclaration de candidature d’une manière solennelle, sobre, mais aussi souriante et intimiste, à la
Maison de la Chimie à Paris ce mercredi 7 décembre 2011 à 16 heures 30, pendant vingt-trois minutes qui ont confirmé ce que tout le monde pressentait depuis le 22 avril 2007.
J’ai senti dans ses propos un homme qui a mûri et qui a appris beaucoup de ses expériences. C’est sûr que la
solitude politique est matière à méditation. En fait, il n’est pas si isolé que cela. Sa démarche est initiée par un grand sens de la réflexion, à la fois politique et intellectuelle, qui est
susceptible d’entraîner beaucoup de citoyens prêts à ce que les choses bougent.
Il faut que ça bouge !
Très gaullien
lorsqu’il évoque ce rendez-vous particulier entre le peuple français et lui, ce qui l’autorise à court-circuiter un ostracisme médiatique qui se satisfait d’un bipartisme très manichéen, après avoir énuméré les problèmes de la France, il lâche : « Cela ne peut plus durer. Il faut un choc, et un choc salutaire. Il faut qu’après cette élection, ce ne soit pas comme avant. Il faut que le peuple français
sache pour lui-même et les peuples avec lui qu’il a choisi de tourner une page, de sortir de l’impuissance et du brouillard, et qu’il débute un autre chapitre de son histoire. ».
Il propose aux Français deux repères : la lucidité et la volonté. Et il explique que la lucidité, ce
n’est pas seulement celle des dirigeants (la sienne par exemple qui avait été grande en 2007 à propos de la
dette publique), mais aussi celle des citoyens sans laquelle aucune volonté n’est possible.
Son moyen, c’est l’arme de la vérité. Il se refusera à faire « des promesses agréables avant les élections et désastreuses après les élections ».
Produire et instruire : le fruit et la racine
Il cite plusieurs fois 1958 pour dire que 2012 doit être une nouvelle année charnière dans la vie nationale. Et il
rappelle que le rétablissement économique peut être rapide : en 1958, la France vivait au crochet du FMI et est devenue prospère trois ans après (grâce au plan Rueff). En 2004, l’Allemagne était en sérieuses difficultés économiques et cinq ans après, elle est
maintenant en pleine croissance industrielle.
François Bayrou estime avec raison que le problème de la
France aujourd’hui est que nos ressources partent chez nos partenaires commerciaux (il parle d’hémorragie cause de l’anémie) car nous importons beaucoup plus que nous n’exportons. Pour renverser
la vapeur, il n’y a qu’un seul moyen qu’il développe depuis septembre 2011, c’est de produire, de réindustrialiser la France : « Produire n’existe pas sans
instruire. Ces deux verbes sont liés comme le sont du même arbre la racine et le fruit. ».
Pour lui, la clef est dans la rencontre entre l’esprit de formation, l’esprit de recherche et l’esprit de
production. Il évoque également la transition énergétique et la prise en compte de l’environnement (allant jusqu’à parler des abeilles).
Entre démagogues et personnes de bonne volonté
Il rappelle avec force le clivage à mon sens essentiel entre ceux qui pensent que tous nos maux proviennent de l’extérieur, de l’Union Européenne, de l’euro, des banques, de
la finance internationale, de l’immigration etc. et ceux qui proposent d’améliorer ce qui ne convient pas
chez nous. Car les premiers sont voués à l’immobilisme et occultent les insuffisances de la France.
Il ne veut pas que la règle d’or (qu’il a été le seul à défendre en 2007) soit pour satisfaire un traité, la Commission européenne ou le FMI, alors que cet équilibre budgétaire est bon avant tout pour
nous et nos enfants. Cet effort doit être accompli uniquement pour le peuple français.
Refusant les sanctions automatiques contre les États, ce qui pourrait révolter les peuples européens, il
assène : « L’Europe n’est pas faite pour excuser nos lâchetés. ».
Il apporte déjà une petite idée de sa politique budgétaire : en gros, pour lui, il faudra augmenter de
5% les contributions et réduire de 5% les dépenses de l’État. En ajoutant que finalement, c’est un effort qui ne devrait pas être insurmontable à condition de se restreindre à une règle de
justice qu’il propose : « demander plus à ceux qui peuvent le plus et demander moins à ceux qui peuvent le moins ».
Le seul à garder intact l’idéal européen
Je suis fort heureux que François Bayrou en profite pour exprimer sa foi en la construction européenne, n’hésitant pas à aligner son idéal dans le sillage de Victor Hugo, Robert Schuman, Jean
Monet, Pierre Pflimlin (mort il y a onze ans), Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Delors, Romano Prodi, Jean-Claude Juncker et Wolfgang Schäuble (l’actuel Ministre allemand des Finances).
Il réaffirme l’importance du couple franco-allemand : « L’intimité entre la France et
l’Allemagne est le cœur de la construction européenne. Elle doit le rester. » ; mais il regrette l’image déplorable d’un « directoire
qui se met tous les jours en scène » et qui dicterait ses décisions à l’Union Européenne alors que l’Europe est avant tout un espace communautaire où chaque pays doit avoir la même
dignité.
Sur les institutions européennes, François Bayrou est sans surprise très clair sur sa position défendant
l’existence d’un seul Président de l’Europe élu par tous les citoyens européens et une plus grande prise en compte tant du Parlement Européen que des parlements nationaux. Il redonne aussi écho
au principe de subsidiarité : « Il faut que l’Europe décide sur l’essentiel (…) et moins sur l’accessoire. ».
Un État impartial et uni
Reprenant un thème cher au candidat Raymond Barre en 1988, François Bayrou s’engage à ce qu’aucun groupe privé puisse avoir un avantage quelconque : « Je restaurerai
sans faille l’impartialité de l’État. » et il s’engage à la cohésion nationale : « Je n’opposerai pas les Français les uns aux autres. Le pays n’avance solidement que s’il avance solidairement. Je ne diviserai pas ; je
rassemblerai. ».
Il évoque sa volonté de changer le mode de scrutin pour permettre la représentation au Parlement de toutes
les forces politiques (je regrette cependant cette proposition d’introduction de la proportionnelle).
Se félicitant du « génie » de la Ve République, François Bayrou parle à propos des institutions d’un « robuste fusil à deux coups » : l’élection présidentielle et les élections législatives qui seront l’occasion d’un profond renouvellement
politique. Il exprime la « nécessité d’un esprit d’union
nationale » qui rassemblera une « majorité du courage » composée de tous les réformistes de tous horizons.
Enfin, rompant avec l’inconsistance intellectuelle de bien des personnalités politiques, François Bayrou
montre sa très grande ambition et sa foi en l’humain et suggère que la France soit un éclaireur du monde en formulant « un projet pour développer
l’être humain » dans toutes ses dimensions (instruction, libertés, droits sociaux, santé, créativité, culture, etc.).
Il le justifie ainsi, de manière très philosophique : « Nous ne sommes pas des organismes à produire et à consommer. Nous sommes destinés à nous élever au-dessus de nous-mêmes, pour comprendre le monde et pour le
changer dans le but d’humaniser le monde et d’humaniser l’homme. Le monde ne se satisfait pas que les uns sont gavés (…) et que les autres n’ont même pas d’eau. Le monde ne se satisfait plus du
matérialisme. Il exige qu’on prenne en charge la nécessité de tous et il espère qu’on lui montrera d’autres horizons pour l’être humain, pour sa liberté et pour sa conscience. ».
Cinq mois de campagne…
Candidat le plus expérimenté à l’élection présidentielle (pour une troisième édition), probablement avec
Nicolas Sarkozy, le seul à l’avoir déjà été par rapport à ses actuels concurrents, François Bayrou incarne aujourd’hui un réel espoir de changement car il a toujours tenu un langage de vérité, il
a toujours montré des valeurs fermes et claires, dans une cohérence intellectuelle incontestable, et il a toujours prôné la réconciliation nationale.
Rassembleur, il l’est en refusant le jeu des petites phrases politiciennes, n’ayant critiqué aucun candidat,
pas même son ancien lieutenant Hervé Morin, candidat déclaré le 27 novembre 2011, qui, lui, ne s’en prive
pas.
Entre Nicolas
Sarkozy et François Hollande, il est assurément le seul autre candidat capable d’être élu à l’Élysée
le 6 mai 2012. Voulant casser la fatalité bipolaire, il devra entre temps battre vigoureusement campagne et convaincre les citoyens français qu’il est temps de bâtir un État impartial basé sur la
production industrielle, l’instruction, le renforcement de la démocratie et la mise en place d’un nouvel idéal commun autour de l’humain.
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (7 décembre
2011)
http://www.rakotoarison.eu
LE TEXTE INTEGRAL DE LA DECLARATION EST ICI.
Pour aller plus loin :
Le rassembleur de
Giens.
L’homme
honnête.
L’homme
libre.
L’homme qui
mûrit.
Produire.
Le
potentiel Bayrou.
La
famille centriste.
La
proportionnelle.