Il y avait une telle complémentarité entre les deux musiciens (et même les trois, n’oublions pas John Elliott) sur DILLIMH ? que je me suis naturellement demandé, en lançant la galette, si Hauschildt supporterait le poids de la solitude. Et la réponse est : oui et non. Oui parce que des titres comme "Overnight Venusian" et "Batteries May Drain" sont des petites perles psychédéliques ; le premier semblable à un océan ténébreux de nappes, le second, pour moi le meilleur du LP, dans une veine clairement krautrock à la Neu!, avec un beat mid-tempo presque dansant et un riff bien accrocheur. Et non, parce que Steve a beau se démener comme un diable sur ses claviers, ce qui fonctionne sur quelques morceaux tombe un peu à plat sur d’autres.
"Music for a Moire Pattern", la pièce centrale de l’album, présente par exemple une progression un peu trop molle du genou pour maintenir l’attention éveillée durant ses 11 minutes. Quant aux plages ambient courtes qui font office d’interlude ("Arche", "Cupid’s Dart"), elles ne présentent pas un grand intérêt. Tragedy & Geometry souffre surtout d’une trop grande uniformité de textures, et l’on se prend à imaginer à quel point certains titres pourraient être sublimés par la guitare de McGuire. "Already Replaced" apparaît ainsi comme une version squelettique, loin d’être désagréable mais incomplète, du grandiose "Candy Shoppe".
Si l’ensemble manque parfois de relief et de tension, c’est parce que Hauschildt a fait des choix esthétiques forts, en s’orientant vers des sons chauds et accueillants, et en structurant ses morceaux comme de vraies chansons pop. Tout en restant bien sûr très cosmique ("Blue Marlin", "Peroxide"…), Tragedy & Geometry ne vise pas le même type de transe que les Emeralds, reste plus en retenue, moins expansif, ce qui en fait, de loin, le disque le plus accessible de toute la galaxie Emeralds, et une formidable porte d’entrée vers l’œuvre foisonnante du groupe.
En bref : escapade solo plutôt réussie pour le plus discret des Emeralds. Moins viscéral et plus pop que les disques du trio, Tragedy & Geometry est accessible, planant, et contient quelques fulgurances, comme le fabuleux "Batteries May Drain", mais aussi quelques longueurs.
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