Les vieilles nippes

Publié le 08 décembre 2011 par Corboland78

Hier soir, alors que je me préparais à regarder la télévision, poussé par une petite fraîcheur, je suis allé me chercher un pull dans l’armoire. En l’enfilant, j’ai constaté que le coude en était bien usé. L’examinant de plus près encore, j’ai dû me rendre à l’évidence, mon pauvre pull avait une triste mine, et un témoin extérieur aurait dit qu’il avait une sale gueule !

Le plus malheureux, c’est qu’il s’agit de mon meilleur pull-over, mon préféré, celui que je mets dès qu’il m’en faut un, l’unique, celui dont je ne me séparerai jamais. Empilés dans mon armoire, tous attendent mon bon vouloir, bleu, rouge, gris, chacun est prêt à s’accorder au mieux avec ma tenue, mais lui, toujours sur le dessus de la pile, un peu comme le fayot en classe qui se met au premier rang, il me tombe toujours sous la main dès que j’ai besoin d’un lainage.

Parfaitement à ma taille, juste chaud comme j’aime. Non pas celui en poil de lama, cadeau d’un voyageur au Pérou, qui me fait crever de chaleur et que je ne mets jamais, abandonné et neuf, au fond de l’étagère. Ni trop mince et synthétique comme celui qu’il m’arrive d’enfiler au printemps, le matin quand je sors faire un tour. Non, lui mon chouchou, n’est pas un pull-over pour être exact, il est mieux encore, c’est un gilet. Pour le confort il est parfait, ouvert sur le bide ou fermé par des boutons, j’en peux régler la climatisation aisément. Un peu large, mais pas trop pour gêner les mouvements, je m’y pelotonne quand je bouquine en hiver. Couleur passe-partout, il se marie avec tout, sur ce point aucune faute de goût.

Esthétiquement, il n’arrange pas vraiment ma silhouette je veux bien le concéder, mes épaules voûtées et mon bidon confortable s’y ébattent à l’aise, et l’ensemble fait plus pépère que jeune premier. D’un autre côté, n’étant plus ni jeune et encore moins premier, il n’y a pas tromperie sur la marchandise. Ma femme a déjà évoqué l’idée que je m’en défasse, dans sa bouche ça ressemblait à une évidence, voire un ultimatum. Une idée saugrenue si vous voulez mon avis ! Un gilet que je possède depuis une éternité, qui me connaît si bien et dans lequel je me sens comme coq en pâte. Je serais bien curieux de savoir où l’on pourrait en trouver un aussi confortable ?

Et je me dois de préciser, qu’il ne sort jamais de la maison, il est à usage privatif exclusivement. Jamais je ne l’enfile quand je vais chez des amis ou même me promener. Non, non, il reste dans l’appartement, sa seule raison d’être, m’attendre fidèlement durant la belle saison, sa période de gloire s’étendant d’octobre à mars ou avril, pour des plaisirs domestiques.

Pendant que j’en suis là à examiner ma garde-robe, je reconnais qu’en règle générale et en intérieur particulièrement, je ne supporte que les vêtements lâches et moelleux. Une taille supérieure sera préférable à une inférieure, pour moi cintré veut dire boudiné. Et s’il est un vêtement qui me va comme un gant, c’est celui que j’ai mis si souvent qu’il a acquis cette noble patine que je nomme confort.

L’intimité de l’homme s’accommode aisément d’un vieux pull et d’un pantalon râpé devenu mou sans plis gênants, le confort est à ce prix et quand on en a les moyens, le bonheur n’est pas plus loin.