Un avis de recherche a été lancé par l'Office central contre le trafic des biens culturels sur Internet pour ces objets. (Crédits photo: DR)
À la suite de l’affaire des vols de Drouot, le ministère de l’Intérieur dédie un site aux objets récupérés lors des perquisitions de la police.
Depuis mercredi, les photos de six mille œuvres détournées par les manutentionnaires de Drouot, lors d’un vaste trafic d’objets d’art révélé avec fracas en 2009, sont publiées sur le site Internet de la Direction centrale dela police judiciaire. C’est un inventaire à la Prévert: tableaux de Matisse, Chagall, Gauguin, Picasso, sculptures, bronzes, statuettes d’art primitif, photos de famille, argenterie, vins fins ou encore jouets anciens s’entassent dans un pêle-mêle improbable. Ils proviennent de 147 perquisitions de conteneurs à Bagnolet, en banlieue parisienne, et représentent un poids de 250 tonnes. Mis sous scellés, ils sont stockés sous bonne garde dans un entrepôt en France. En attendant de retrouver leurs propriétaires.Sur le site, «les photographies d’objets et de documents de faible valeur ont été volontairement insérées et présentées avec les objets d’art retrouvés en même temps, afin de faciliter l’identification des objets et du lieu de succession où l’ensemble a été dérobé », précise le colonel Stéphane Gauffeny, chef de l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels. Pour l’OCBC, la procédure est peu banale: «Normalement, on garde la maîtrise des photographies, en demandant aux gens de venir nous voir. Mais là, il s’agit de ventes sur la France entière. Et il faut aller vite. Nous nous donnons trois mois pour retrouver les victimes. Le site restera ouvert jusqu’au 28 février 2012», ajoute le colonel.
Complicités
Le groupe Drouot s’est réjoui de cette initiative à laquelle il a été associé. «Nous aussi sommes des victimes. Dès le début de l’affaire, le groupe s’est constitué partie civile dans le cadre de l’instruction pénale. Mais, dans l’esprit du public, l’amalgame entre l’hôtel des ventes et les commissionnaires mis en cause nous porte un véritable préjudice. C’est d’abord aux propriétaires lésés que nous pensons. Dans l’intérêt des collectionneurs et des amateurs d’art, j’annoncerai dans la Gazette de Drouot l’existence du site», déclare Olivier Lange, le directeur général de la publication, et nouveau directeur général du groupe Drouot. Nommé le 13 mai dernier, pour «moderniser» les structures de l’institution, le responsable se dit «accablé dans cette affaire» qui inquiète toujours le milieu de l’art parisien.
Sur le Web, voir l’avis de recherche de ces «objets volés découverts en attente de restitution» côtoyer la rubrique des «personnes disparues» et celle des «auteurs présumés de crimes et délits aggravés» donne un ton plus dramatique encore au plus grand scandale de l’histoire de Drouot. Le trafic a été perpétré par des manutentionnaires de l’Union des commissionnaires de l’hôtel des ventes (UCHV). Or le monopole de cette société, qui travaillait avec les commissaires-priseurs et les donneurs d’ordre dans l’institution parisienne, était historique. Il remontait à 1832.
Ce sont les fameux «cols rouges», de la couleur du col de leur blouse de travail, encore surnommés «Savoyards», en référence à la région où ils étaient recrutés de père en fils depuis des décennies. Ils étaient chargés de la manutention et du transport des objets vendus lors des ventes aux enchères publiques ou judiciaires. Ils étaient aussi responsables du transport des œuvres depuis le lieu d’enlèvement (appartements ou maisons, à la suite d’une succession) jusqu’au lieu de stockage. «C’était la première occasion de dérober certains objets», souligne le juge d’instruction Alain Philibeaux, en charge du dossier.
Les œuvres étaient stockées puis mises en vente à Drouot au profit des commissionnaires, avec la complicité de commissaires-priseurs. Les policiers ont ainsi retrouvé un tableau attribué à Gustave Courbet, volé en 2004. Depuis le début de l’affaire, quarante-deux personnes, dont quatre commissaires-priseurs et des commissionnaires, ont été mises en examen. À l’automne 2010, l’UCHV a été mise en examen pour «association de malfaiteurs, complicités et recels de vols en bande organisée». «Drouot, qui est partie civile, a immédiatement interdit l’accès de l’hôtel des ventes aux représentants de l’UCHV. Depuis, la manutention de tous les objets est assurée par un nouveau prestataire que Drouot peut contrôler, le groupe Chenue, acteur historique du transport et de la manutention des œuvres d’art», souligne Olivier Lange. Des précisions nécessaires pour réhabiliter l’image de l’institution parisienne où 2 000 ventes se font chaque année, représentant 800 000 objets à travers 74 maisons de toute la France.
source: Valérie Sasportas le Figaro.fr