Ai-je bien raison de me dévoiler ainsi ? De tout exposer aux lumières crues du réseau, de mes états d’âme, de mon état d’homme ? De dire quand la tempête gronde en moi, que tout me donne l’impression de chavirer, que cela tangue sévère autrement dit, et qu’il me faut m’agripper fort au bastingage pour ne pas passer par-dessus bord ? Après tout, je l’écris bien ici, pourquoi ne le clamerai-je pas là-bas ? Et puis, heureusement, cela ne me prend quand même pas tous les jours. Le reste du temps mon ” statut ” Facebook se nourrit comme les autres depetites phrasesdu quotidien, d’échanges anodins, d’exclamations futiles, et parfois, oui, aussi, de plaisanteries vénielles. Devrait-on dire le bien et taire le mal ? Partager seulement les verbes roses, et garder pour soi les gris ? Qui se soucie vraiment, d’ailleurs, de cespetites phrasesde rien du tout, de ces mots souvent mal écrits et jetés à la mer ? Qui s’en soucie, et qui s’en souvient ? Je les croyais en tout cas effacés pour toujours. Je me trompais : ils me sont revenus en pleine face par une nuit de gros temps. J’ignore par quelle méthode mais il est bon de le savoir : le site Archivedbook.com les retrouve.
Sa mémoire est un peu défaillante, elle n’a pas fait resurgir de messages antérieurs à juin 2009. J’ai quand même pu ainsi retracer presque trois ans de ma vie écrite uniquement en statuts. Depuis le premier retrouvé, daté du 14 juin 2009, où j’affiche ma grande satisfaction ” d’avoir monté le lit de Roman “ jusqu’au plus récent ” A voté “. Entre les deux, un flot de souvenirs remonte à la surface : des ” je reviens de la salle d’armes “ et des ” ménisque en bouillie Bloqué@home “.
Et puis le plus important, peut-être, puisque le site conserve aussi les commentaires et les messages postés sur mon mur : la confirmation que, lorsque le vent commence à se lever, il y a toujours quelqu’un parmi vous pour me tendre la main, vous mes amis, vous mes connaissances, et vous mes chers inconnus.
(article paru dans Le Monde du 16 octobre 2011)
Olivier Zilbertin
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