Une fois encore, je me suis laissé surprendre par la nuit. Je ne l’avais pas cherchée, elle est venue à moi lentement, tranquillement. Le silence s’est installé, les dernières lumières ont cessé de se refléter dans les flaques. Le clavier de l’ordinateur rétroéclairé a répandu dans la pièce son reflet laiteux. Sous ses latitudes, je voyais bien se présenter à l’horizon la possibilité d’une zone de turbulences. Remède personnel, par dérision : cliquer sur l’icône Spotify et écouter Turbulences, de Diane Dufresne. Le casque sur les oreilles, à fond les manettes dans l’apaisement nocturne. Les turbulences des autres ont-elles la vertu de panser nos propres plaies ? Dans la foulée, j’ai en tout cas poussé le volume sur le parc Belmont, songeant que j’y finirai peut-être un jour moi-même.
J’ai enchaîné sur Top secret et sur Désir, de Diane. J’ai reçu un message de Corinne : ” Ecoute Oxygène version Live. “ J’ai poussé encore un peu plus le son et j’ai failli manquer d’air. Pour un peu je l’aurais presque oublié : depuis quelques semaines, à la suite d’un accord entre les deux, mes amis, mes relations et mes chers inconnus Facebook savent en temps réel ce que j’écoute sur Spotify. Mieux : en un clic, ils peuvent écouter la même chanson, la même musique, le même artiste, à condition du moins qu’ils aient également installé l’application. Ils savent aussi ce que je regarde sur Dailymotion et peuvent visionner avec moi. C’est indiscret, mais c’est ainsi. Et puis c’est réciproque. En contrepartie, je sais ce qu’ils écoutent, ce qu’ils voient, ce qu’ils échangent. Ce qu’ils se disent, presque. Je ne devrais pas m’en vanter, bien sûr, mais oui, j’aime à savoir que Sophie a ajouté une photo, qu’Emilie écoute Classical Masterpieces, que Gilles et Pierre sont désormais amis. Que se nouent presque sous mes yeux et en musique les liens indéfectibles de grandes camaraderies numériques. En pensant à Fabienne, j’ai remis Diane sur la platine virtuelle et monté une dernière fois le volume… Les Hauts et les bas d’une hôtesse de l’air. Décidément.
Olivier Zilbertin
zilbertin@lemonde.fr
(article paru dans Le Monde daté du 23 octobre 2011)
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