L’utilisation de ce terme, qui fait référence à un sentiment d’hostilité ou de haine à l’égard des Allemands, est exagérée. Je ne pense pas que cela corresponde à l’état d’esprit de Montebourg dont les propos étaient surtout déplacés, mal venus… et peu pertinents.
En effet, à l’heure où la situation économique en Europe est grave, il est très maladroit de faire référence à une période marquée par l’hostilité franco-allemande. Et ce d’autant plus que le gouvernement allemand actuel n’est sans doute pas mû par une volonté de domination ; à l’inverse, le fait que l’Allemagne soit économiquement en position de force peut générer l’hostilité…
Bref, ce pavé dans la marre n’a pas manqué de faire violemment réagir les twitteurs et blogueurs de gauche, quitte à se lancer dans un concours de “qui est le plus germanophobe” !
Et voilà, une nouvelle polémique lancée.
Ce qui amusant dans cette polémique en période électorale où l’on fait feu de tout bois, c’est que finalement l’accusation de “germanophobie” est de bonne guerre de la part de la droite. Car mes amis de gauche ont la mémoire courte, eux qui crient à la xénophobie pour un oui ou un non. Encore récemment, pour soutenir le principe du vote des étrangers non-européens aux élections locales, Sarkofrance n’a pas hésité à qualifier le refus de ce principe de “xénophobe” ! On croit rêver ! [Mais ceci est un autre sujet qui mériterait un billet à part.]
On retrouve peu ou prou la même situation d’arroseurs arrosés au sujet du protectionnisme ou de la critique de la mondialisation. Maintenant que Marine Le Pen se pique de ces questions économiques, certains n’hésitent pas à mettre dans le même sac les “populistes” de droite et de gauche qui osent critiquer les idées reçues en la matière. Au grand dam – et à juste titre – de nos amis de gauche qui refusent cette assimilation et crient à la reductio ad hitlerum, au point Godwin… Eux qui il n’y a pas si longtemps avaient inventé le terme de “lepénisation des esprits” ou qui n’hésitaient – n’hésitent ? – pas à traiter de fascistes leurs adversaires. Technique rhétorique classique qui consiste à essayer de pétrifier l’adversaire en l’accusant du pire, pour couper court au débat, sans jamais discuter vraiment du fond. Drôle de conception de la liberté d’expression. C’est comme ça que bon nombre de sujets sont devenus tabous d’ailleurs…
Un peu dans la même veine, les intégristes catholiques se sont empressés, à propos d’un spectacle qu’ils jugeaient blasphématoire, de parler de “christianophobie”, terme miroir de celui d’”islamophobie” qui ces temps-ci fait florès à gauche pour dénoncer une discrimination et/ou une hostilité vis-à-vis des musulmans. Le hic, c’est que ce faisant, les gens de gauche promeuvent un mot utilisé à l’identique par les intégristes musulmans, mais dans un autre sens, beaucoup plus large, de toute critique de la religion. L’histoire de ce mot, apparu la 1ère fois lors de la révolution islamique en Iran, est édifiante : il s’agissait là aussi en utilisant le suffixe -phobe de disqualifier les adversaires du nouveau régime, “à commencer par les féministes et les musulmans libéraux”, comme le disait déjà Fourest en 2003.
Le mot racisme est mis lui aussi à toutes les sauces, comme l’a fait récemment Eva Joly – et à sa suite les écologistes – pour critiquer l’article de Besson se moquant de son accent ; article et accent qui sont tous deux très drôles au demeurant. Dans cette polémique là, personne n’a remarqué, à l’exception du perspicace Vérel, que Joly a tenu des propos qui, prononcés par d’autres, auraient pu être qualifiés de douteux ou de politiquement incorrects : “Il [Besson] pense que ça ne porte pas à conséquence parce qu’il s’agit d’une personne d’origine norvégienne qu’il affuble d’un accent allemand, et non d’une personne originaire d’Afrique ou du Maghreb”. Héhé…
Tout ça pour dire que les diverses -phobies sont à manier avec précaution, sous peine de les banaliser, de les vider peu à peu de leur sens. Et que lorsqu’on en use et abuse, on est mal placé pour critiquer. Notons au passage que les -phobes sont dans le camp des victimes quand le mot prend une connotation psychologique (agoraphobe, nyctophobe…) et dans le camp des méchants quant il prend une connotation politique (xénophobe…).
Mais alors quid des gynéphobes ou des Sarkophobes ? On s’y perd…