Cette étude qui porte sur une protéine utilisée par la mouche drosophile à la fois pour percevoir la chaleur et détecter les substances chimiques dangereuses pourrait bien nous apporter un traitement révolutionnaire à la douleur humaine et, en même temps, le moyen de contrôler les maladies propagées par les moustiques, comme le paludisme. Mais comment ? Le biologiste Paul Garrity, du Centre national de génomique du comportement de l'Université Brandeis (Massachussets) répond dans l'édition en ligne du 4 décembre de Nature.
Mais comment font les mouches à fruits pour distinguer de la chaleur d'une journée d'été du piquant d'un wasabi (une plante à épines) ? Grâce à une protéine, nommée TRPA1, qui pourrait jouer un rôle critique pour la prise en charge de la douleur et de l'inflammation chez l'Homme.
L'équipe de Paul Garrity a montré, avec de précédentes études que les mouches, comme les humains, détectent les produits chimiques irritants grâce à cette protéine TRPA1, montrant par là même une capacité très ancienne à détecter les substances qui peuvent être dangereuses. Ainsi, en 2008, l'équipe a démontré que cette protéine a une autre fonction, la détection de la chaleur.
Une protéine à 2 rôles : Si la chaleur et les produits chimiques dangereux déclenchent des réponses distinctes, comment un même capteur peut-il permettre de les détecter ? Les chercheurs viennent de comprendre la réponse Les insectes possèdent 2 formes de TRPA1, chacune étant spécialisée pour chacune des tâches. Cette découverte, de protéines TRPA1 spécialisées a des implications pour la conception d'insecticides et de pièges pour lutter contre la transmission de maladies vectorielles comme le paludisme, la dengue et le virus West Nile. «Ce travail sur TRPA1 explique comment les insectes suceurs de sang comme les moustiques peuvent distinguer (et fuir) les produits chimiques nocifs qui les repoussent, de la chaleur d'un humain, qui les attire», explique P. Garrity. "En activant une sorte de TRPA1 on peut décourager les moustiques de piquer, en activant l'autre type de TRPA1 on peut les attirer dans un piège."
TRPA1, une cible thérapeutique pour de nombreuses maladies : C'est aussi une étape dans la compréhension de la façon dont les neurones humains détectent la douleur ou les lésions. TRPA1, dans son mode de détection de la chaleur et donc de l'inflammation, tout comme dans son mode de détection de substances toxiques -comme les allergènes par exemple- est donc aussi une cible thérapeutique pour le traitement de maladies comme l'asthme, les migraines et la douleur chronique.
"Les mouches à fruits sont de très bons modèles de laboratoire et nous permettent de tester des hypothèses sur la façon dont fonctionne TRPA1 rapidement et à faible coût. La fonction de TRPA1 semble ancienne et est restée stable des mouches aux moustiques puis aux humains, on peut donc déjà obtenir un aperçu de la pertinence biomédicale en faisant des tests sur les mouches."
«La douleur chronique et les maladies transmises par les insectes sont deux grands problèmes de santé publique", explique P. Garrity. Cette découverte présente donc un énorme potentiel pour soulager la douleur humaine.
Sources:Brandeis University « Addressing pain and disease on the fly» et Nature (2011) doi:10.1038/nature10715 Published online 4 December 2011 “Modulation of TRPA1 thermal sensitivity enables sensory discrimination in Drosophila” (Visuel © Stephane Bonnel - Fotolia.com)
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