L’égalité des sexes prônée par toutes les femmes dans les années 1960 ferait-elle évoluer toutes les tendances, y compris les comportements d’addiction féminins ?
Les fonctions de “haut niveau” dans la société font-elles évoluer les conduites de consommation de la femme ?
Le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) du 10 mars 20091 consacre son numéro à la thématique “Femmes et addiction” en abordant la place que prend désormais les comportements de dépendance dans la vie des femmes.
La dépendance de la femme
À la lecture de la littérature internationale, on s’aperçoit que des variations physiologiques entraînent un impact différent entre l’homme et la femme concernant le métabolisme des substances, mais également qu’il existe des différences ayant trait à la santé mentale. En effet, la dépendance affective est plus forte chez la femme que chez l’homme avec un impact plus marqué concernant des événements négatifs de l’enfance qui seraient à l’origine des addictions. De même, la prise de risque dans les comportements addictifs serait plus importante chez la femme.
L’observation porte aussi sur une différence dans l’accès et l’utilisation des traitements. Françoise Facy, spécialiste en épidémiologie des conduites addictives aux drogues et à l’alcool, s’est intéressée à la position de la femme face à ce problème2. Dans l’ensemble, les femmes restent minoritaires par rapport aux hommes pour l’ensemble des comportements addictifs à la seule exception des troubles des conduites alimentaires.
Les différentes addictions
Les centres de soins spécialisés en alcoologie et toxicomanie accueillent 75 % d’hommes versus 25 % de femmes. Les prises en charge restent problématiques en France à la différence des États-Unis ou des pays d’Europe du Nord. Le BEH indique également que les hommes sont plus consommateurs de drogue que les femmes mais la différence varie suivant le milieu social. Plus les positions sociales deviennent favorables plus la tendance s’inverse, les hommes adoptant des comportements d’usage plus raisonnables tandis que ceux des femmes se “masculinisent”.
Les ivresses alcooliques sont en augmentation, ainsi que l’expérimentation des produits illicites avec une tendance à la féminisation pour le crack et les amphétamines. Il est vrai qu’aujourd’hui, il n’est pas rare d’observer des groupements de plus en plus féminins s’adonnant, par exemple, au binge drinking, “jeu” qui consiste à boire une grande consommation d’alcool en un minimum de temps. L’inquiétude se fait ressentir dans les services hospitaliers où la fréquence des hospitalisations pour alcoolisation forte augmente. La Suisse a mis en place une information de communication inédite avec la diffusion de films sur les téléphones portables des 14-25 ans.
Les campagnes d’information
La banalisation de ces conduites à risque est inquiétante, et seule la crainte de se faire ôter le permis de conduire semble être retenue par les consommatrices. En revanche, les risques pour la santé ne semblent pas les préoccuper. Rappelons que les consommations excessives d’alcool favorisent l’humeur dépressive et qu’en France la consommation d’antidépresseurs reste élevée. Le Plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les toxicomanies 2008-20113 a mis l’accent sur la prévention de ces comportements en réalisant une vaste campagne d’information.
L’impact de ces campagnes d’information est-il suffisant ? Le BEH indique que, d’après les résultats d’une approche qualitative fondée sur les discussions de 42 femmes enceintes, il existe une incompréhension des messages transmis concernant l’alcoolisation pendant la grossesse à propos de la prévention des risques pour l’enfant. En effet, la source d’information que les femmes enceintes estiment la plus digne est leur propre mère.
Ce résultat peut légitimer une interrogation : faut-il donc élargir la prévention aux futures grand-mères ? L’enquête Coquelicot, effectuée entre 2004 et 20074, met en évidence la place essentielle du partenaire sexuel lors de l’initiation ainsi que l’influence du conjoint dans les trajectoires de consommation des femmes usagères de drogues. Ainsi la dimension du couple doit être prise en compte dans la prévention des risques.
Conclusion
Les conclusions tirées de la littérature, des enquêtes ou des forums de discussion visent à personnaliser les soins individuels pour la femme, sans oublier le travail de prévention en amont et celui avec les familles. Ces démarches sont indispensables au vu des répercussions des actions de prévention.
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Coll. Femmes et addictions. Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) 2009 ; 10-11, disponible sur cliquez ici
2 De l’addiction au féminin : 3 questions à Françoise Facy. Inserm Actualités 2008 ; 210. 3 Plan gouvernemental 2008-2011 de lutte contre les drogues et les toxicomanies, adopté en juillet 2008, disponible sur cliquez ici 4 Institut de veille sanitaire (InVS). Enquête Coquelicot, 2004-2007, disponible sur cliquez ici |
1- Isabelle Adou
http://www.em-consulte.com/article/222249
Source: Soins Psychiatrie, Vol 30, N° 263 – juillet-août 2009