EADS prépare un nouvel organigramme.
Les paris sont ouverts : Louis Gallois, 67 ans, va-t-il ouvrir une librairie dans sa bonne ville de Montauban, retourner à ses premières amours politiques ou remplacer Bodo Uebber à la présidence d’EADS ? Le départ prochain du charismatique patron du groupe européen constitue un événement qui sera évoqué demain au cours d’un conseil d’administration exceptionnellement important mais peu propice à de grandes surprises.
Louis Gallois (notre illustration) arrive en fin de mandat, avec le sentiment du devoir accompli, et il a de toute manière largement dépassé l’âge «normal» de départ en retraite. Modeste, il minimise la signification de ce tournant programmé et, comme l’ensemble de ses collègues, il s’abstient prudemment de tout pronostic, surtout quand est prononcé le nom d’Arnaud Lagardère. Ce dernier, comme le veut un savant dosage d’influences françaises et allemandes, sans cesse examinées sur une balance de pharmacien, devrait accéder à la présidence en remplacement d’Uebber.
Cette hypothèse suscite des sourires embarrassés, sachant que le groupe Lagardère entend bien abandonner la participation dans EADS dès que les circonstances lui seront favorables, peut-être après les premières livraisons d’A350XWB. De ce fait, confier la présidence à un «sortant» n’a pas beaucoup de sens, d’autant que ce «fils de» n’affiche pas grand intérêt pour le secteur aérospatial et de la Défense. De plus, sa crédibilité a été entamée, récemment, par un épisode de vie soi-disant privée étalé dans la presse people.
Du coup, on verrait bien Louis Gallois dans ce rôle de président du conseil d’administration qui lui permettrait de profiter d’une situation apaisée dans laquelle il est pour beaucoup. Pour reprendre un terme très en vogue ces temps-ci, EADS est peu à peu devenue une société normale. La preuve étant qu’elle se prépare à revoir le sommet de son organigramme avec près de 6 mois d’avance sur les échéances statutaires. Thomas Enders devrait accéder au poste suprême de président exécutif et serait remplacé à la direction d’Airbus par Fabrice Brégier. Deux personnalités très différentes, complémentaires, qui ont trouvé un terrain d’entente bien réel qui a permis à leurs grandes ambitions de cohabiter pacifiquement.
Le tandem est assuré d’avoir fort à faire dans l’immédiat. EADS est en situation de quasi dépendance vis-à-vis d’Airbus, sa principale filiale, et rencontre de sérieuses difficultés dans ses efforts visant un meilleur équilibre entre avions commerciaux et autres activités. En effet, les dépenses militaires sont pour la plupart en berne, y compris aux Etats-Unis, une situation qui reporte à des jours meilleurs, sans doute lointains, tout espoir d’expansion. Sauf à pratiquer une stratégie de croissance externe qui n’est pas exclue.
Côté Airbus, précisément, la situation est très contrastée. Ainsi, la famille A320 fait figure de best-seller absolu depuis le lancement de la version remotorisée NEO, au point de conduire à des cadences de production jamais connues précédemment. En revanche, même normalisé au plan des fabrications, l’A380 est encore loin du seuil de rentabilité tandis que son carnet de commandes ne progresse que très lentement. L’A350XWB, en revanche, bénéficie de perspectives commerciales optimistes mais prend du retard. Reste le cas de l’A400M, réussi techniquement mais qui fut lancé sur des bases bancales, ensuite en retard et en surcoût, sauvé in extremis d’un risque inquiétant de naufrage politico-budgétaire.
EADS, en marge du cas Lagardère et du désengagement de Daimler, devra aussi installer un actionnariat mis à jour, sans pouvoir espérer un retrait clair et net des Etats et la fin des interférences politiques. Qui plus est, sans le vouloir, sans le chercher, EADS a plus que jamais acquis une valeur de symbole : le groupe montre parfaitement bien ce dont une Europe forte et unie est capable. En ces temps troublés, c’est un résultat inestimable.
Pierre Sparaco - AeroMorning