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Viva la Vida : los sueños de Ciudad Juarez (Baudoin & Troub’s)

Par Mo

Viva la Vida : los sueños de Ciudad Juarez

© Baudoin & Troub's & L'Association - 2011

De la rencontre entre Edmond Baudoin et Troub’s est né cet album. Initialement, c’était un projet fou de faire un voyage à Ciudad Juarez, une ville au passé riche et agité, une ville cosmopolite. Le taux de mortalité y est élevé en raison d’une guerre des gangs acharnée due à la présence massive de narcotrafiquants. Cette agglomération est également un lieu de passage presque incontournable pour de nombreux migrants qui fuient la pauvreté et espèrent parvenir à passer la frontière clandestinement… Au bout de la route, peut-être quelques-uns trouveront-ils l’Edlorado américain ? Car Ciudad Juarez se situe sur la frontière entre le Mexique et les États-Unis ; la ville est mitoyenne avec une ville du Texas : El Paso. Au milieu : des barbelés et la voie ferrée qui dépend de la gare (située dans la partie américaine). Les rues de la ville sont désertées dès la tombée de la nuit, les gens se mettent en sécurité jusqu’au petit matin où la Une des journaux se chargent de faire le résumé des incidents de la nuit passée.

« Un anniversaire d’adolescents : 14 morts dont un enfant ».

Mais ce n’est pas tout. Ciudad Juarez défraye la chronique. Chaque année, des centaines de femmes sont kidnappées, séquestrées, torturées. Des centaines de cadavres ont déjà été retrouvés. Les sévices sont tels que les visages sont parfois méconnaissables rendant impossible l’identification de la victime. Ciudad Juarez est donc une ville traumatisée par ces innombrables meurtres de femmes constatés depuis 2003.

Le projet d’Edmond Baudoin et de Troub’s s’est concrétisé en 2010, leur séjour a duré un mois ½ (du 1er octobre à mi-novembre). Leur objectif ? Montrer le côté “humain” de la ville. Équipés de leurs carnets de croquis, ils sont allés à la rencontre des habitants et leur ont proposé de dessiner leurs portraits. En échange, ils ont demandé aux gens de leur dire quels sont leur rêve. Ce voyage est donc avant tout un voyage de rencontres et d’amitiés éphémères.

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Au préalable, les auteurs avaient noués suffisamment de contacts en France et au Mexique. Les interlocuteurs sur place ont mis à leur disposition un logement et les ont accompagné durant leur séjour. Au programme : visite de la ville, de ses alentours et rencontres (planifiées ou fortuites) avec les habitants de Ciudad Juarez.

La réalisation de cette bande dessinée est originale puisque les auteurs l’ont réalisée en « temps réel ». Chaque matin, ils consacraient leur temps à dessiner leur journée de la veille, à raison de deux ou trois pages par journée. Le résultat ressemble à un carnet de voyage : croquis et portraits illustrent les pages souvent complétés des réflexions, pensées et échanges des auteurs. Pas de distinction entre le rôle de l’un et de l’autre : les illustrations de Troub’s et Baudoin cohabitent parfois sur une même page, la seule différenciation pour savoir qui intervient est l’utilisation de symboles (Troub’s dessine une petite tortue quand il intervient alors que Baudoin utilise le visuel d’une chèvre). L’un comme l’autre s’expriment à l’aide de « JE » sans que cela ne complique la lecture.

Viva la Vida : los sueños de Ciudad Juarez (Baudoin & Troub’s)

Chaque rencontre faite à Ciudad Juarez donne donc lieu à un portrait, généralement accompagné d’un crayonné nous permettant de nous rendre compte du cadre de la rencontre. Chaque portrait est également accompagné du prénom de celui ou celle qui a posé et du rêve qu’il a donné en échange du dessin. Ces multiples petits tableaux réalisés par Troub’s et Baudoin se complètent tout au long de l’album. Quand on le referme, l’impression d’en avoir senti les effluves et la chaleur domine. Aux côtés des auteurs, le lecteur est allé aux quatre coins de la ville à la recherche de rêves. Les violences urbaines ne sont jamais occultées mais Troub’s et Baudoin ne s’attardent pas sur cette question de la criminalité. Elle est omniprésente, mais le lecteur ne verra pas de meurtres, pas de corps, pas de passages à tabac. La violence est suggérée ; la Une de journaux, les non-dits, les confidences d’une femme… sont autant d’éléments qui la personnifie tout au long du récit mais Viva la Vida n’est pas un reportage ni un regard larmoyant sur ce quotidien urbain.

Une lecture que je partage avec Mango et les participants aux

Mango
Viva la Vida : los sueños de Ciudad Juarez (Baudoin & Troub’s)
L’album garde à l’esprit la notion de voyage. Le fait que les habitants soient interpellés sur leur rêves décale le discours d’une réalité mortifère et donne lieu à un album porteur d’espoir, malgré la difficulté à vivre dans cette ville et l’inquiétude que l’on peut avoir pour ces gens.

Merci à OliV pour la découverte ! Je vous renvoie vers sa chronique ainsi que vers l’avis de Sebso (Par la bande) et de Dolcino (Jizô).

Pour aller plus loin sur ce sujet :

- la chronique de Joëlle sur un album de Peggy Adam : Luchadoras.

- le témoignage de Jérôme Sessini. Il parle du reportage qu’il a effectué à Ciudad Juarez.

Extraits :

« Et le vent de la mort souffle au-dessus des frontières. Parce que lui, rien ne l’arrête. Il se moque bien de savoir à qui appartient le sang versé » (Viva la vida).

« Cette nuit-là, la nuit de notre arrivée, on a bien dormi malgré les chiens qui continuaient d’aboyer. Au matin, la Une du Diario disait : seize assassinats en vingt-quatre heures » (Viva la vida).

« La nuit, il vaut mieux rester chez soi, c’est une affaire entendue. Et essayer de dormir. Mais il y a : les chiens qui montent la garde et qui aboient entre eux. Ils sont innombrables. Les sirènes de la police, perçantes, tout au long de la nuit. Crissements de pneus. Courses poursuites. On imagine. Et puis, plus subtils, mais tout aussi redoutables, les klaxons des trains, sourds et profonds comme les cornes de brume qu’on entend dans les ports. La gare est du côté USA. L’appel du large » (Viva la vida).

Viva la Vida – Los Sueños de Ciudad Juarez

Challenge Carnet de Voyage
One Shot

Éditeur : L’Association

Collection : Ciboulette

Dessinateurs : Edmond BAUDOIN & TROUB’S

Scénaristes : Edmond BAUDOIN & TROUB’S

Dépôt légal : aout 2011

Bulles bulles bulles

Viva la vida © Edmond Baudoin & Troub’s & L’Association – 2011


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