Le vote d’hier dans Bonaventure est révélateur, même si le comté est depuis toujours une forteresse du parti libéral. Celui-ci l’a conservé avec un pourcentage de votes qui approche 50% (9% de moins qu’à la dernière élection). De son côté, le score du Parti Québécois (PQ) a augmenté de 14% depuis le scrutin précédent. Jean Charest est sûrement heureux de l’élection de son candidat, car la tempête d’accusations négatives qui lui tombent sur la tête depuis deux ans auraient pu avoir des répercussions dans cette élection complémentaire.
De son côté, Pauline Marois ne peut être que satisfaite. Elle a travaillé fort et nonobstant les dénonciations de plusieurs membres influents de son parti qui réclamaient sa démission, les électeurs de ce coin de la Gaspésie n’en n’ont pas tenu compte et lui ont accordé leur confiance, en plus grand nombre.
Mon récent billet « Bye, bye, Jean Charest, Pauline Marois… » m’a été dicté par mon expérience politique. Je crois dans les enquêtes scientifiques d’opinions populaires sur la politique. Elles sont généralement précises. Leurs résultats évoluent jour après jour puisqu’ils sont en fait une image de l’instant où ils sont captés. Mais lorsqu’une tendance se maintient, durant plusieurs semaines, on peut présumer de la tournure des évènements.
Un bon exemple est l’élection générale fédérale du 2 mai dernier. Au déclenchement, je croyais que le Bloc Québécois (BQ) conserverait ses sièges à la Chambre des Communes. Mais dès les deux premiers sondages, j’ai observé une baisse dans sa cote de popularité. Pas beaucoup, mais assez pour attirer ma curiosité et me pousser à les suivre. Comme le mouvement a continué, j’en suis vite venu à conclure que le BQ se dirigeait vers une débandade. Aux débats des chefs, Gilles Duceppe me l’a confirmé. Il me semblait mal à l’aise et réagissait plus nerveusement et avec moins d’assurance qu’à l’habitude. J’en ai alors déduit qu’il devait être affecté par les sondages internes de son parti qui, sûrement, confirmaient ceux des médias. On sait ce qui est arrivé !
Il en est de même actuellement pour Newt Gingrich, candidat à la nomination présidentielle républicaine. On ne lui attribuait aucune chance d’être le nominé. Le 30 octobre dernier, dans le billet pour mon blog, j’ai décrit le mouvement que je percevais dans les sondages américains : « les arguments de Gingrich touchent positivement la frange droite du parti. Plusieurs électeurs, qui l’avaient classé comme un « has been », commencent maintenant à le voir sous un nouvel angle. Les sondages changent, puisqu’au point de vue national, on l’a vu partir de 4% à 6% à 8% pour se retrouver maintenant à 11%. Petit à petit, Gingrich refait son nid ». Aujourd’hui, il obtient près de 40% d’appuis (soit + 29% en un mois) et dépasse Mitt Romney, le grand favori depuis le début de la course, qui semble figé à 20-25%. Il est fortement possible qu’une grande surprise soit en voie de préparation. Tout cela pour indiquer que lorsqu’une tendance s’exprime, même ce qui semble impossible devient possible. Le NPD au Québec !
Pauline Marois, a été victime d’une telle tendance. Alors que sa popularité se fixait dans les 30-35%, tout le monde la donnait gagnante. Puis, suite à la démission de quatre de ses députés, elle a chuté en quelques semaines à 16% et se maintient à ce niveau. Depuis, 40% des péquistes espèrent sa démission. Ils peuvent affirmer et prétendre que c’est à cause de sa politique de gouvernance souverainiste…. mais je crois que cela a plus à voir avec son score constant aux sondages.
Et si, contrairement à ce que j’ai écrit, Jean Charest et Pauline Marois ne démissionnaient pas et décidaient de faire face aux électeurs lors de la prochaine élection, qu’arriverait-il ? Personnellement, c’est le scénario que je préfère. Ces chefs politiques ont travaillé durement et ont été élus. Pourquoi démissionneraient-ils sur la base de sondages ou suite aux pressions de membres de leur parti influencés par les sondages. Que les électeurs décident et non les lobbys de groupes d’intérêts ou les individus qui visent à exercer le pouvoir ou encore à faire progresser leur option politique. C’est la façon la plus démocratique.
Actuellement, les sondages indiquent un gouvernement majoritaire dirigé par le nouveau parti de François Legault, la Coalition Avenir Québec (CAQ). Mais rien n’est figé dans le béton car la situation demeure très volatile.
Legault est-il capable de maintenir son allure ? A-t-il le charisme pour conserver tout le support qu’il a aujourd’hui ? Lors des débats des chefs, aura-t-il la capacité de bien débattre avec les autres chefs et de persuader les auditeurs de la valeur de ses politiques ? Présentera-t-il une équipe crédible, de qualité et capable d’assurer aux Québécois que voter pour le CAQ ne sera pas un trop grand risque ? Pourra-t-il démontrer que son parti est libre de toutes attaches avec des groupes d’intérêts particuliers et qu’il œuvrera pour l’intérêt général ? Malgré son positionnement à droite, saura-t-il démontrer que ses politiques tout en visant à améliorer la protection sociale des québécois ne détruiront pas l’ensemble de nos programmes sociaux ? Saura-t-il consulter les Québécois et non imposer brusquement ses politiques comme il semble vouloir le faire ? Et …
L’erreur qu’a faite Charest de proposer une commission d’enquête sur la construction sans lui donner tous les pouvoirs énoncés dans la loi, viendra-t-elle le hanter ? Malgré qu’il ait bien dirigé le Québec comme premier ministre, durant un si long pouvoir, les Québécois ne penseront-ils pas que « c’est le temps que ça change » ? Toutes les accusations de corruption, même si non prouvées, vont-elles finalement l’atteindre ? Et …
Pauline Marois aura-t-elle le pouvoir d’amener ses députés à s’émouvoir devant ses problèmes afin qu’ils reviennent au bercail et l’aident à gagner l’élection ? Est-elle suffisamment forte pour arrêter l’hémorragie de ses députés qui pour sauver leur peau, lorgnent vers une alliance politique différente ? Pourra-t-elle rallier les indépendantistes « purs et durs » qui actuellement lui font la vie dure ? Que fera-t-elle pour toucher les séparatistes indignés et accusateurs afin qu’ils cessent de dénoncer sans limite son leadership sur la place publique ? Saura-t-elle convaincre les souverainistes que la porte à leur idéal est un PQ qui gouverne ? Est-elle capable de faire une campagne électorale à la hauteur des difficultés qui s’élèvent devant elle ? A-t-elle le pouvoir de persuasion et le bon sens politique pour présenter un programme politique réaliste qui corresponde aux problèmes actuels des Québécois ? Et …
Quant au chef de l’ADQ, Gérard Deltell, qui veut fusionner son parti avec le CAQ, saura-t-il agir sagement pour convaincre ses ouailles à le suivre afin qu’ils trouvent leur place dans le nouveau parti ?
Et ces Québécois et Québécoises qui montrent une impatience grandissante envers la classe politique en voulant « tout foutre en l’air », sont-ils prêts à retrouver leur objectivité traditionnelle et écouter, analyser et choisir le meilleur programme politique, les meilleurs candidats et le meilleur parti capables de leur redonner confiance dans la politique et dans le gouvernement, nonobstant toute la démagogie des dernières années.
Charest, Marois, Legault, Deltell et Québec Solidaire ont un beau défi devant eux car il est clair que la prochaine élection ne sera pas une élection comme les autres.
Le résultat dépendra beaucoup des chefs, des débats, de la nature et de la qualité de l’organisation électorale de chaque parti, de la motivation des troupes et aussi … de qui sera à la ligne de départ ? Jean Charest et Pauline Marois y seront-ils ?
Claude Dupras