L’angoisse psychotique, encore

Publié le 06 décembre 2011 par Lana

Ton angoisse, celle qu’ils ont la chance de ne pas mesurer, est-ce que tu peux leur dire? Leur expliquer?

Non, quand je cherche, c’est le vide dans ma tête, pas de mots, rien, le vide, l’indicible. Une impression de regarder partout et de ne rien trouver à quoi s’accrocher. Un puits sans mots comme l’angoisse est un puits sans fond. Une destruction du monde. Une emprise sur tout le corps. Des tremblements. Une chute.

Assise par terre. Devant ton lit. Dans la douche. Dans un coin de la salle-de-bains. Sur une marche d’escalier. Dans un coin de la chambre. A l’hôpital, dans le couloir. Assise par terre n’importe où. Debout sans jambes, tu vas tomber. Assise dans le train, tu n’imagines pas comment tu pourrais te lever pour descendre à la gare.

A pleurer dans les toilettes. Avant un examen. A une fête. Au travail. Pleurer dans la rue. Au cours. Devant les gens. Pleurer partout, parce que ça rend un peu plus léger. La souffrance a un nom et on pleure dessus. On la comprend, on la ressent, elle déchire mais les larmes, les gens les comprennent, au moins les larmes.

La main en sang. Le poignet en sang. Le pull trempé de sang, le doigt qui dégouline sans s’arrêter. Parce que ça fait mal et que c’est toi qui provoque ce mal. Tu le contrôles. Tu le regardes, tu le soignes, tu le caches, tu l’admires, il est beau, il est ta blessure que tu peux enfin voir en face. Tu gardes tes ciseaux tâchés, tu as un morceau de verre dans ton portefeuille, et une boîte avec un verre cassé, pour choisir les débris qui coupent le mieux. Tu casses même une bouteuille qui traîne par terre dans la nuit. Tu ne te soignes jamais qu’avec un peu d’eau. Il ne faut pas que ça guérisse trop vite. Il faut que ça ressemble au moins un tout petit peu à ta douleur intérieure.

Mais qu’est-ce que j’ai dit de l’angoisse? Rien. Elle te jette à terre. Elle te dévore. Elle t’envahit, te brise, te transperce, te prends ton corps et ton esprit. Elle fait chavirer le monde. Elle te donne envie de hurler et te paralyse. Elle te cloue là où tu es. Elle est toi. Tu n’es plus qu’elle.

Mais je n’ai toujours rien dit de cette angoisse. Elle ne connaît pas les mots, elle est au-delà du langage, de la raison, de la vie. Elle est en schizophrénie et il n’y a pas de mots là-bas.


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