Le réseau est étendu. Des robots parcourent sa surface à la recherche de quelques mots qu’ils pourront mémorisés pour en permettre un accès à d’autres sur un moteur de recherche. Ce moteur permet d’articuler une réserve sémantique (le stock des mots archivés et liés) à une anticipation sémantique (le mot-clé recherché). La carte fait défaut ou si carte il y a c’est simplement celle des accès et des flux, des i.p qui s’interconnectent. La configuration globale est absente, nous qui avions été enfant nourris aux géographies sur les grandes cartes cartonnées accrochées sur l’ardoise de l’école, nous voilà à présent au milieu des flux.
Peupler ce réseau peut s’appuyer sur le principe de la génération. Un dispositif donné va chercher certains mots et les détectant y envoie par exemple un fragment de texte généré. Il va de mot en mot, de lieu en lieu, l’articulation d’un fragment à un autre existe bien mais seulement dans le programme. Il est impossible de parcourir à nouveau le fil conducteur de ces fragments car il n’y a pas de lien (hypertexte par exemple) entre eux. Bref la lecture est au moment de la génération (de l’écriture si vous voulez). En tant que lecteur humain vous ne pourrez avoir accès qu’à des fragments, le texte est celui de Babel, toujours hors de votre portée.
Imaginez cette manière d’habiter sémantiquement le réseau par des histoires dont la narration est illisible, c’est-à-dire dont l’autorité du narrateur qui rapporte des événements réels et/ou imaginaires n’est pas donné d’avance dans le contrat implicite de la lecture. Vous ne lisez que de fragments, épars pourrait être le nom donné à cette structure.
Ne craignez plus l’absence de sens, cette absence n’est pas mélancolique. Elle est sa dislocation.