On voit fleurir dans les expositions d’art comtemporain les vidéos filmées avec un téléphone portable. La médiocrité de la définition et du capteur CCD, le grain de l’image impressionniste, la proximité manuelle, la brièveté des séquences enregistrables, est pour beaucoup dans le succès du petit appareil qui décomplexent un certain nombre d’artistes par rapport à l’usage de la vidéo (le fantasme du cinéma est toujours présent dans une caméra qui ressemble à une caméra) et qui permet à des cinéastes ou vidéastes confirmés de rejouer une scène underground depuis longtemps disparue.
Il est temps de réféchir à ce qui est en train de devenir un lieu commun esthétique, à cette image instable, aux pixels apparents, aux images volées, etc. à ces images que nous voyons de plus en plus souvent et qui signent peut être une certaine part esthétique de notre temps.
Il y a dans cette pratique une manière de jouer avec une technologies contemporaines de façon passive, en la reprenant telle quelle, mais aussi d’inverser les fondements de cette technologie en remettant de l’autorité narrative là où elle devrait faire justement défaut. En effet, un téléphone portable peut être certes un moyen d’enregistrement (audio, vidéo, gps, etc.), on peut y greffer toutes sorte de capteurs (comme sur n’importe quelle matière d’ailleurs), mais c’est surtout un moyen de communication et de diffusion. Or en filmant avec un téléphone portable et en diffusant sur un vidéoprojecteur cette vidéo, on coupe la communication, on reprend un mode de diffusion qui est celui du XXème et qui est comme par hasard le mode de présentation cinématographique qui est, comme nous le savons, un mode narratif.
De plus réfléchissons bien à ces images pixellisées, tremblées, nous savons bien que leur qualité est temporaire, elle n’est pas liée structurellement aux portables mais simplement à un certain état de miniaturisation des capteurs CCD. Les téléphones portables, soyons-en sûr, dans un avenir proche pourront enregistrer des images HD. Ce qui veut dire qu’utilisant ces images, on produit d’avance une certaine archéologie des médias. Dans quelques années ces images feront portables, on parlera d’une esthétique début XXIème siècle. Bref elles anticipent, ces images, une certaine obsolescence, sans que pour autant cela, cette nostalgie, ne soit thématisée comme telle.
Les projets qui utilisent vraiment le portable dans ses possibilités esthétiques propres (la communication, le feedback, etc.) sont beaucoup plus rares. Cette rareté n’est pas simplement liée aux difficultés techniques propres à des projets spécifiques de diffusion/communication, mais au fait que cette diffusion/communication est difficile à penser d’un point de vue esthétique parce qu’elle remet en cause la place de la narration, c’est-à-dire d’un narrateur qui rapporte des faits réels ou imaginaires (on pourra nommer ce narrateur artiste).
Le charme pixellisé de ces images est passager, une simple manière de réactiver une image spontanée qui ne l’est pas. Faire une image sans y penser. Faire une image qui a l’air d’une image prise sur le vif. Le portable, un moyen facile de faire “vrai”? Alors que le téléphone portable est un instrument technologique (une forme qui a certaines finalités: échanger de l’information par exemple), certains artistes le transforment en moyen économique (une économie de l’image, une image moindre, une image pauvre, etc.).
Faire la liste des projets questionnant profondément le portable et regarder d’un oeil critique ces images standards et impensées. Complexité plus grande si on adopte le téléphone portable comme un médium à part entière, c”est-à-dire si on pense des projets à diffuser sur portable.