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The Movie Magic is Gone

Publié le 09 mai 2007 par Gregory71

 La question qui est laissée de côté dans cet intéressant article est que le cinéma n’a cessé de raconter sa fin (par exemple dans Boulevard du Crépuscule), que le cinéma est structurellement du fait de son dispositif même de projection, nostalgie et deuil du spectateur.

Hollywood qui, à une certaine époque, était le centre nerveux de la vie américaine, ne compte plus désormais. L’industrie du cinéma est dans un état de croissante inquiétude.

Ce n’est pas une nouveauté de dire que, depuis maintenant plusieurs années, l’industrie américaine du film est prise dans une lente spirale descendante. Même si, d’après certains rapports, l’audience a légèrement augmenté en 2006 par rapport à l’année précédente, Exhibitors Relations, la firme d’observation et d’analyse du box-office, relate qu’en fait la fréquentation a décliné, pour atteindre son point le plus bas en dix ans. Et même si les défenseurs de l’industrie protestent que les marchés étrangers comptent pour 40 % des revenus d’un film et que ces bénéfices compensent la chute du box-office intérieur, les revenus étrangers ont également diminué et même les ventes de DVD stagnent. En bref, la tendance générale reste décourageante. Plus inquiétante encore que ce qui pourrait n’être qu’un fléchissement cyclique : la façon dont les gens considèrent les films et le fait d’aller au cinéma.

Une étude récente de Zogby montre que 45 % des Américains qui vont au cinéma ont réduit leur fréquentation des salles depuis cinq ans ; la frange la plus touchée étant celle très prisée des 18-24 ans. Dans le même temps, 21 % des personnes interrogées déclarent ne jamais aller au cinéma. Les deux raisons les plus citées par les gens pour expliquer pourquoi ils vont voir moins de films sont l’augmentation du prix des tickets et la qualité des films (éternelle coupable).
Une autre étude, conduite celle-ci par PA Consulting pour la Motion Picture Association of America, arrive à une conclusion encore plus inquiétante. 83 % des personnes interrogées ont déclaré qu’elles étaient satisfaites du contenu des films qu’elles avaient vus, mais 60 % s’attendaient néanmoins à réduire leurs dépenses de sortie au cinéma, en invoquant un manque de satisfaction et l’émergence d’activités plus intéressantes pour leur temps libre et leur argent.

Un « art démocratique »
Partant de là, peu importe que les films s’améliorent, leur avenir reste sombre. Ce qui suggère que quelque chose a fondamentalement changé dans notre relation au film. La très ancienne histoire d’amour se fane peut-être, et c’est pour cela qu’Hollywood a de quoi se faire du souci.
Ce qui arrive est une possible question de métaphysique. Quasiment depuis sa naissance, le cinéma a été le premier art populaire de l’Amérique, « l’art démocratique », comme on l’appelait, réussissant à susciter l’intérêt américain sans faillir pendant des années. Dans les années 20, presque toute la population du pays allait au cinéma toutes les semaines et, même quand la fréquentation a coulé dans les années 50 sous l’assaut de la télévision et que l’industrie était presque en réanimation, les films occupaient le centre de la vie américaine.

Les stars de cinéma ont été nos plus brillantes icônes. Un grand film comme le Parrain , Titanic ou le Seigneur des anneaux entrait dans toutes les conversations du pays et changeait la conscience nationale. Les films étaient le baromètre de la psyché américaine. _Plus que toute autre forme, ils nous définissaient et, à ce jour, le reste du monde nous connaît autant pour nos films que pour tout autre produit d’exportation.
Aujourd’hui, les films ne semblent plus avoir la même importance ­ ni pour le grand public ni pour la haute culture ­ alors qu’auparavant une chronique de Pauline Kael dans le New Yorker pouvait provoquer un incendie intellectuel.
Il n’y a plus d’incendie désormais et il n’y a plus de réalisateurs pour prendre le pouls de la nation comme le faisaient Steven Spielberg ou George Lucas dans les années 70 et 80. Les gens ne parlent plus des films comme ils le faisaient auparavant. Il paraîtrait absurde de dire, comme Kael l’a fait une fois, qu’elle savait si elle aimerait quelqu’un d’après ses films préférés. Jadis au centre, les films sont de plus en plus à la marge culturelle.

« Une culture en potins mondains »
C’est à la fois un symptôme et une cause de détresse. Il y a deux ans, je décrivais une « culture en potins mondains » sans cesse croissante, surtout chez les jeunes, pour qui être considéré comme faisant partie d’une élite informée ­ une élite qui savait quelle célébrité sortait avec quelle autre, qui avait subi une opération esthétique, qui était en cure de désintoxication, etc. ­ était plus gratifiant que le plaisir conventionnel d’aller au cinéma.
Dans cette culture, la valeur intrinsèque d’un film, ou de la plupart des divertissements conventionnels, a diminué. Leur tâche est désormais essentiellement de fournir des stars à des magazines comme People , Us , Entertainment Tonight et aux tabloïds de supermarché qui exhibent les nouveaux films, les sagas de la vie des stars.

Les films traditionnels ont la plus grande difficulté à lutter contre des récits de vie réelle, que ce soit les carabistouilles de TomKat ou de Brangelina, la mort d’Anna Nicole Smith ou la dernière dépression de Britney Spears. Ce sont les sujets qui dominent maintenant les conversations autour de la machine à café. Il y a peut-être eu une époque où ces histoires faisaient de la publicité aux films. Maintenant, ce sont les films qui ont tendance à faire de la publicité à ces histoires qui ont leur vie propre et une valeur divertissante en elles-mêmes.
Mais au cours de ces deux dernières années, un autre phénomène a frappé l’industrie du film, en attaquant un des éléments fondamentaux de la séance de cinéma : l’intérêt commun pour un film. Avant que la sociodémographie ne devienne le mantra marketing en vogue, les films étaient l’art du milieu. Ils procuraient une expérience et un langage communs ­ un sens de l’unité. Dans le noir nous n’étions qu’un.

Désormais, à une époque où les gens préfèrent s’identifier comme faisant partie de cohortes ­ ethnique, politique, démographique, régionale, religieuse ­ toujours plus petites, les films ne peuvent plus être l’art du milieu. L’industrie elle-même a contribué à ce processus pendant des années en ciblant ses films plus étroitement, particulièrement pour les plus jeunes spectateurs. C’est l’effet de l’impulsion conservatrice de notre politique qui a fait la promotion de l’individu plutôt que de la communauté, qui a aidé à détruire l’intérêt collectif pour les films.
Ce processus s’est accéléré parce qu’il y a maintenant un instrument pour tirer avantage des stratifications sociales. Dans la mesure où Internet est une machine à niches, divisant ses utilisateurs en minuscules catégories autodéfinies, il pose un défi aux films que la télévision elle-même ne leur avait pas lancé, car Internet s’adresse à une évolution de la conscience tandis que la télévision ne s’adressait qu’à une modification du moyen de délivrer le contenu.

MySpace, YouTube…
La télévision n’a jamais remis en question la nature même des divertissements conventionnels. Internet, lui, non seulement crée des niches pour les communautés ­ pour les jeunes, pour les aficionados de la bière, pour les drogués de l’information, pour les fanatiques de Britney Spears ­ qui semblent obvier aux besoins d’une communauté plus large, mais il joue de plus sur une autre force puissante de l’Amérique moderne, qui affaiblit les films : le narcissisme.

Ce n’est certainement pas un secret qu’une grande partie des médias modernes est vouée à donner le pouvoir à des publics qui ne veulent plus être passifs. Déjà, les jeux vidéo génèrent plus de revenus que les films parce qu’ils mettent l’utilisateur au centre du système et font du joueur un protagoniste à part entière. Des sites Web populaires comme Facebook, MySpace et YouTube, où l’internaute est transformé en star et où le contenu est démocratisé, obtiennent un nombre de connexions bien plus grand que le nombre de spectateurs que peut mobiliser un film. MySpace a plus de 100 millions d’utilisateurs à travers le monde. Et le magazine Fortune rapporte que 54 millions d’entre eux passent, en moyenne, 124 minutes sur le site à chaque visite, tandis que 11,6 millions d’utilisateurs passent 72 minutes lors d’une visite sur Facebook. Les vidéos les plus populaires de YouTube attirent plus de 40 millions de connexions, ce qui est substantiellement plus important que le public de tous les films, à l’exception de quelques-uns.

Mais, sans aucun doute, ces sites ne détournent pas seulement les spectateurs qui pourraient aller au cinéma, ils remplacent l’une des fonctions des films : si la vie des stars est plus importante que l’histoire racontée dans les fictions, le public est lui aussi plus important que les stars. Qui a besoin de Brad Pitt lorsqu’on peut être son propre héros dans un jeu vidéo, lorsqu’on peut fabriquer sa propre vidéo sur YouTube ou se mettre en scène sur Facebook ? La promesse d’une vie alternative ­ le plaisir indirect de la fuite ­ a toujours été l’un des plus grands atouts et l’une des plus grandes séductions des films. Dans la salle de cinéma, nous pouvons tous nous imaginer être Cary Grant ou Bette Davis. Désormais, avec les avatars ­ essentiellement des masques que l’on peut utiliser pour se représenter sur Internet ­ n’importe qui peut être Cary Grant ou Bette Davis sans avoir besoin de l’imaginer. De fait, nous sommes devenus nos propres films.

Des intrigues alternatives partout
Le cinéma supportera sans aucun doute tous ces assauts. L’industrie, avec toutes ces synergies, trouvera probablement une façon de profiter des vies des stars et de nos propres vies elles-mêmes vedettarisées.
Mais il est beaucoup plus difficile de survivre à un changement de conscience qu’à un changement de goût ou de technologie, et c’est à cela que le film doit faire face désormais ­ un défi aux satisfactions psychologiques de base que les films nous fournissaient traditionnellement. Là où le cinéma proposait auparavant des intrigues, il y a des intrigues alternatives partout. Là où auparavant les films proposaient une communauté, il y a beaucoup moins de désir pour participer à un tel ensemble commun. Et même si nous aimons toujours le frisson que les stars nous procurent, nous aimons désormais être l’objet de nos propres frissons. La façon dont le cinéma s’accommodera de ces menaces permettra de déterminer s’il reste vital ou s’il doit être remplacé. Mais le problème pour l’industrie est que la réponse réside probablement moins entre les mains de ses dirigeants que dans nos têtes.

Traduction de l’anglais par Jean-Charles Burou.

(1) Vient de paraître en français le Royaume de leurs rêves : la saga des Juifs qui ont fondé Hollywood, coécrit avec Johan-Frédérik Hel-Guedj, Hachette « Pluriel ».

Neal Gabler

www.ecrans.fr/spip.php?article1296


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