Conférence donnée au sein du doctorat en arts de l’UQAM (Louise Poissant)
INTRODUCTION
“Existence, résidence d’une personne dans un lieu marqué” (Littré)
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Traditionnellement la présence est présence à soi ou à autre chose. La présence est présence à. Elle n’est pas une qualité d’un objet mais un sentiment face à un objet, une visée. Ce qui est présent est. La présence est fondée sur l’eccéité. Le travail de la philosophie antique a été de distinguer ce qui était présent en étant de ce qui était présent sans être. La philosophie a conjuré les effets de présence sans l’être. Les arts ont pour leur part consistés en l’inverse: produire de la présence sans être, des simulacres, signaler la présence comme un effet de style non comme l’effet d’une causalité. Montrer que ce qui est présent n’est pas ce qui semble être, que quelque chose est fissuré dans l’être même.
Tout se passe comme si pour être présence l’être devait être, c’est-à-dire comme si l’être devait se redoubler. Et n’y-a-t-il pas là un profond paradoxe puisque ce redoublement pourrait bien être le dédoublement de la représentation? Le fait que la présence est l’être qui est (”Je suis celui qui est”) n’est-il pas lié à cet autre fait que la présence de ce qui est existence est hantée par le redoublement même de l’existant. Pour l’existence qu’est l’être humain, il n’y a d’existence que dans la reprise de cette existence elle aussi redoublée. En ce sens, nous rechercherions dans ce qui est simplement subsistant (les étants) un redoublement qui est à l’oeuvre dans l’existence qui est un déficit d’être.
Notre hypothèse est que ce paradoxe entre l’existence et les étants est en train de subir une évolution sans précédent par les technologies. L’existence que nous sommes trouverait dans les technologies des étants qui, comme nous, sont sans être, appellent en eux ce redoublement de l’être qui est le mode privilégié de la présence. Les technologies ne subsisteraient pas à la manière d’objets inanimés, mais consisteraient en des déficits à être (bug, panne, coupure, etc.).
Le concept que nous proposerons pour définir les modalités fondamentales de cette nouvelle relation entre les étants et les existences est le Flußgeist qui est un mode de présence des flux remettant en cause la distinction entre les éléments de cette relation.Avec le Flußgeist l’après-coup a toujours eu lieu.
a. Un affect, la multitude et l’anonyme
incident.net/users/gregory/wordpress/27-avm580-3/
Il s’agit de partir d’un affect simple et quotidien, affect de la multitude qui nous entoure et qui défie toutes tentatives de contrôle politique. Par exemple une ville, les fenêtres de cette ville, les vies, chaque vie anonyme. Par exemple l’électricité qui va de bâtiment en bâtiment. Par exemple l’eau, les égoûts (cf Hugo). Ou encore: les moyens de transport. D’autres affects encore. Il faudra se tenir à la lisière de ce sentiment.
Il y a le caractère insaisissable des flux (car saisir, comprendre un flux c’est le couper). Et pourtant il y a cette extrême présence diffuse des flux. Partout.
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Wim Wenders, Les ailes du désir (1986)
Andy Warhol, The Crowd. Silk Screen (1963)
b. Pop-flux, les flux sont déjà là
La situation de la production d’images, entendue comme imagination, a radicalement changé en un temps assez bref. Nous sommes passés d’une économie de l’image (les symboles) à une multiplicité d’images. Ce qu’on a nommé l’art à une époque n’a plus la place centrale qu’il avait dans le passé. Le fait que des structures passées (marché, archives, etc.) continuent à persister ne signifie pas qu’elles sont encore actuelles.
Le sentiment que rien ne cesse, que les images se déversent sans arrêt, qu’une image c’est encore une image en trop.
Leçon du popart: tout est déjà là, à portée de main.
Hans Haacke, News (1969-1970)
c. La question du parallélisme entre le flux de la conscience et le flux numérique
Il y a cette étrange question d’un parallélisme, non d’une ressemblance mimétique, entre le flux de notre conscience et le flux des images techniques. Question laissée ici en suspend. Bergson, Deleuze, Simondon et Derrida (dans La voix et le phénomène ainsi que dans De la grammatologie) seraient les lignes de fuite.
incident.net/users/gregory/wordpress/11-parallelisme/
incident.net/users/gregory/wordpress/03-interdetermination/
I/ TOUCHER À DISTANCE,
CONTINUITÉ ET DISCONTINUITÉ DES FLUX
mots-clés: défaillance, décalage, insensibilité, coupure, peau, la ville,
Le flux articule continuité et discontinuité car le flux est toujours écoulement et coupure dans celui-ci, passage d’un écoulement à un autre. Tourbillon. Brouillage des frontières instaurées par le langage.
a. Le paradoxe du sens intime et la passibilité numérique
« (…) le mode singulier de la présentation d’une limite, c’est que cette limite vienne à être touchée : Il faut changer de sens, passer de la vue au tact. »
Jean-Luc Nancy, Une pensée finie, p. 179
Dans le tactile il y a quelque chose du flux et de la prothèse.
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Se toucher toi (2004)
b. Publication du privé / privatisation du public
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Standard (2005)
II/ LE TEMPO DES POSSIBLES,
VARIABLE PROGRAMMATIQUE ET VARIATION ESTHÉTIQUE
mots-clés: tra(ns)duction,détournement, enregistrement, information, données
Variables d’un programme et variation esthétique sont liés dans la création contemporaine. Une variable langagière devient la cause d’une variation esthétique remettant en cause la stabilité isomorphique de la relation entre la forme et matière.
a. Les traces de la traduction
Comment la traduction passe d’un statut d’idéalité sémantique (sauvegarder l’intégratité d’un texte) à un jeu de transformation. L’écart sémiotique entre les deux textes malgré l’exactitude de la traduction numérique produit un surplus de sens.
Explicitation du concept de tra(ns)duction au regard de la pensée de Gilbert Simondon.
“Nous entendons par transduction une opération, physique, biologique, mentale, sociale, par laquelle une activité se propage de proche en proche à l’intérieur d’un domaine, en fondant cette propagation sur une structuration du domaine opérée de place en place: chaque région de structure constituée sert à la région suivante de principe de constitution, si bien qu’une modification s’étend ainsi progressivement en même temps que cette opération structurante (…) Il y a transduction lorsqu’il y a une activité partant d’un centre de l’être, structural et fonctionnel, et s’étendant en diverses directions à partir de ce centre, comme si de multiples dimensions de l’être apparaissaient autour de ce centre; la transduction est apparition corrélative de dimensions et de structures dans un être en état de tension préindividuelle, c’est-à-dire un être qui est plus qu’unité et plus qu’identité, et qui ne s’est pas encore déphasé par rapport à lui-même en dimensions multiples.”
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2 translation (2002)
incident.net/users/gregory/wordpress/16-les-fictions-du-flux/
b. De la temporalité industrielle à l’espace numérique
Passage d’une culture industrielle du flux cinématographique (Bernard Stiegler) à une culture post-industrielle du flux spatialisé, fragmenté, disséminé. Comment rendre le flux cinématographique variable? Comment revenir sur la mémoire du cinéma en la détournant de sa synchronisation?
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Movies without time(2002)
www.incident.net/works/readonlymemories/
incident.net/users/gregory/wordpress/20-18-et-19-octobre-raconter-et-naviguer/
c. Variables programmatiques et variations esthétiques
Relation complexe entre la tradition de la fiction et de l’encyclopédie (base de données) à partir de la remise en cause de la narration (autorité du narrateur, de l’énonciation et de la représentation qui rapporte).
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Sur Terre (2006)
incident.net/users/gregory/wordpress/06-4-et-5-octobre-les-variables/
d. L’espace du cinéma en hors-champ
Remettre des films dans l’espace imaginé par un cinéaste. Question de l’après-coup du cinéma, du post-cinéma.
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Jean Paul Civeyrac: Interstices (2006)
III/ FLUßGEIST,
L’ANONYME EN PERSONNE
mots-clés: flux, coupure, déluge, énergie, flot, écoulement
Pourquoi le concept philosophique de Zeitgeist est devenu d’usage courant avec le web 2.0?
Le Zeitgeist est une manière de décoder le flux du réseau, de le suspendre en revenant à une représentation.
www.google.com/press/zeitgeist.html
www.flickr.com/fun/zeitgeist
La question que je souhaite poser avec le concept de Flußgeist est celle d’un décodage du flux sans repréentation, c’est-à-dire d’un déplacement, d’un devenir transductif du flux.
incident.net/users/gregory/wordpress/21-le-zeigeist-et-lesprit-de-notre-temps/
a. Le flux de la fiction
Deux concepts de la fiction sans narration:
l’indifférence des fragments (question de l’apathie esthétique) et de la lacune sémiotique comme possibilité d’appropriation par le spectateur.
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La révolution a eu lieu à New York (2002)
incident.net/users/gregory/wordpress/19-flux-entre-fiction-et-narration/
b. “Chacun d’entre eux”
La géolocalisation de chacun et la colonisation ontologique réalisée par Google qui investi chaque secteur de la réalité.
“On ne peut pas travailler pour les autres. On travaille pour des frères mystérieux qu’on possède à travers le monde. Il y a une île qui est brisée, dispersée à travers le monde. Et, en somme, l’art est une espèce de signal, comme un mot d’ordre pour retrouver des compatriotes”
(Jean Cocteau - Journal sonore du testament d’Orphée)
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Insulaires, flussgeist 3 (2007)
c. Flux de la conscience et flux numérique
Explication concernant le site twitter et sur la motivation des intervenants de ce site.
incident.net/users/gregory/wordpress/01-existences-et-medias/
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L’attente, Flussgeist 2 (2007)
d. L’extraction du flux
Une archive matérielle du flux.
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Le registre, Flussgeist 4 avec Claude le Berre (2007)
e. Ceux qui nous rêvent
L’accumulation de notre mémoire sur des sites commerciaux.
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Le peuple manque, Flussgeist 5 avec Jean Pierre Balpe(2007)
f. À venir: “Passibles”
Maintenir le flux hors du réseau en adoptant la pratique logicielle du “undo“. Ainsi le téléphone portable qui permet de toujours reporter une décision à plus tard.