En attente

Publié le 20 mai 2007 par Gregory71

Le réseau rend sensible tous les gens que nous ne connaîtrons pas mais dont nous supposons l’existence, toutes ces vies dont nous croisons parfois des images, des textes ou d’autres traces et auxquels parfois nous nous attardons, parfois nous passons en un clin d’oeil. Le fourmillement du réseau est cela, cette absence devenue consciente d’elle-même sans espoir de devenir présence, de se résorber, restant une oscillation permanente entre deux états intenables.

Nous savons que nous n’aurons jamais assez d’une vie pour connaître tous ceux que nous devrions connaître parce que nous les aimons, parce que nous les faisons jouir et nous jouissons, parce que leur peau nous émeut, parce que nous avons des goûts en commun ou dont nous pouvons simplement discuter, parce que nous aimons le regard ou le sourire. Nous n’aurons pas assez de notre vie.

Nous le savons alors nous continuons à passer des heures sur le réseau à observer ces visages et ces textes, à contempler cette absence que nous savons endurer, à sentir cette intimité de l’anonyme. Nous allons aussi dans les rues, dans les cafés et les librairies pour voler des regards et des odeurs, des peaux imaginées et presque senties, pour frôler dans la distance quelque chose que nous ne connaissons pas encore, quelque chose que nous ne connaîtrons pas et cette impossibilité là, dans cette proximité, nous touche. Nous voudrions y voir une intelligence politique qui reconnaît le singulier sans le résorber sous l’idée générale et mortifère d’humanité.Quelque chose de neutre proche de 0 qui nous affecte.

Cette communauté là, inconnue et sensible, existait-elle auparavant? Qu’est-ce qui aujourd’hui la rend si tangible et défait la nécessité de la fiction, c’est-à-dire de raconter pour d’autres et de façon elliptique la densité incongrue des existences?