P.a.r.i.s

Publié le 24 mai 2007 par Gregory71

Je n’étais pas revenu depuis septembre. J’avais oublié le lien qui m’unissait si intimement à cette ville, la façon dont elle est ancrée en moi, dans le tissu de mes souvenirs. Chaque fragment de rue, chaque pan de mur, chaque fenêtre, chaque écoulement d’eau le long des trottoirs me semble hanté par une familiarité. Arpenter la ville c’est comme la couvrir de la matière informe de son esprit, de ses esprits. C’est explorer son corps et sa respiration.

Paris a certes changé, l’attraction de ses quartiers a changée, s’est déplacée selon une architectonique inconnue. Sa population s’est embourgeoisée (lisant une histoire de Paris je vois que c’est un phénomène ancien) mais il y a des restes de toutes les époques précédentes. Paris est décidémment une ville du XIXème siècle, cette dimension me frappe un peu plus à chaque retour. Il y a d’autres périodes historiques, mais le XIXème semble avoir marqué cet espace de façon si forte que son empreinte est encore visible partout: homogénéité des bâtiments, grands travaux, la Seine, la pierre blanche des murs, les écoulements partout, une organisation qui tente de se sortir du chaos des corps. Il reste tant de traces de ces passés. Les pavés en sont marqués. On s’imagine les passants passés. Leurs pas et leurs souffles. Leurs voix et leurs vies. Désirs et tensions tout à la fois. Énergie qui se mourra, qui est morte mais dont écoute l’écho lointain et assourdi.

Cette présence physique de l’histoire me manque en Amérique du Nord. Ce qu’on gagne en histoires (à se raconter, à reconstituer, à hériter) on le perd peut être en mobilité, en facilité de vie et de changement. En devenir. Mais j’avoue aimer le poids de ces existences disparues, de cet héritage que personne ne m’a donné mais que j’ai désiré. Cette respiration dans les rues. Quand j’y fais un pas, je fais un pas que je ne connais pas, que je n’ai jamais fait et que j’ai déjà fait sans me souvenir. Je parcours pour la première fois un chemin mille fois empruntés.