La dépense publique a pour objectif la redistribution et la mutualisation de certains services, ce qui concerne tout le monde. Elle doit donc être sous contrôle de tout le monde.
Par Vladimir Vodarevski
En France, parler de maîtrise de la dépense publique fait scandale. C’est considéré comme une atteinte aux acquis sociaux. Les solutions proposées pour soutenir cette dépenses publiques sont l’endettement et l’augmentation de l’imposition des riches. La dépense publique est ainsi considérée comme un outil de redistribution, qui assure les acquis sociaux, en prélevant une dîme sur les profits des riches.
Cependant, en réalité, la redistribution n’est qu’un aspect de la dépense publique, et peut-être pas l’essentiel. En effet, les prélèvements ne concernent pas que les riches, mais tous les citoyens, car la dépense publique nous concerne tous.
La dépense publique a une fonction redistributrice, comme le montre l’INSEE. Ainsi, l’étude 2011 de l’INSEE, Les revenus et le patrimoine des ménages, découpe la population françaises en déciles. Chaque décile regroupe 10% des ménages français. Le premier décile regroupe les ménages les plus pauvres, le dixième les plus riches. En termes de revenu disponible, le décile D1 est le montant sous lequel se situent les 10% les moins riches, et le décile D9 celui au dessus duquel se situent les 10% les plus riches. Selon l’INSEE, en ce qui concerne le revenu disponible, « le rapport interdécile du revenu avant transferts est de 6,4 ; le jeu des transferts le ramène à 4,6. Le rapport interdécile étant le rapport entre D1 et D9. »
L’INSEE publie un tableau suivant qui montre les effets de la redistribution. Le revenu disponible comprend, selon les définitions de l’INSEE qui sont ici recopiées, « les revenus déclarés à l’administration fiscale (revenus d’activité, retraites et pensions, indemnités de chômage et certains revenus du patrimoine), les revenus financiers non déclarés et imputés (produits d’assurance-vie, livrets exonérés, PEA, PEP, CEL, PEL), les prestations sociales perçues et la prime pour l’emploi, nets des impôts directs (impôt sur le revenu, taxe d’habitation, contribution sociale généralisée [CSG] et contribution à la réduction de la dette sociale [CRDS]). »
Le niveau de vie est défini comme « le revenu disponible du ménage rapporté au nombre d’unité de consommation (UC). On compte une UC pour le premier adulte du ménage, puis 0,5 UC pour les autres personnes de 14 ans ou plus, et 0,3 UC pour les enfants de moins de 14 ans. »
Les déciles du tableau sont la répartition de la population en fonction du niveau de vie: D1, représente le montant de niveau de vie en dessous duquel se situe 10% des ménages les moins riches, et D9 le montant où se situent 10% des plus riches. C’est donc le niveau de vie après transfert. C’est un peu compliqué, mais c’est l’INSEE.
Enfin, ajoutons que l’indice de Gini de la France, selon Eurostat, pour 2010, est 29,9. Par contre, l’INSEE n’indique pas quel critère sert de comparaison européenne. Il semblerait que ce soit les chiffres du niveau de vie, car l’indice en termes de revenu disponible est supérieur. L’indice de Gini mesure ici le degré d’inégalité de la distribution des revenus. Il varie entre 0 et 1. La valeur 0 correspond à l’égalité parfaite, et 1 à l’inégalité extrême, selon les termes mêmes de lNSEE: une personne a tout le revenu. Par comparaison, l’indice pour l’Union Européenne, est 30,4.
La France est donc un pays où les revenus sont correctement distribués, après redistribution. La redistribution permettant de réévaluer les revenus des moins riches, comme le montre ce tableau de l’Université d’Aix-Marseille:
La dépense publique a donc une fonction de redistribution vers les moins favorisés, mais est-ce sa principale raison d’être? La redistribution s’effectue-t-elle principalement du haut vers le bas? En fait, elle se fait également beaucoup à l’intérieur même de la classe moyenne. Ainsi, les salariés paient des cotisations sociales obligatoires, directement, ou indirectement via les cotisations employeurs, pour en échange être remboursés de leurs soins, ou bénéficier d’un revenu assuré par la collectivité une fois qu’ils ont arrêté de travailler.
De même, l’éducation des enfants est financée par la dépense publique, comme les routes, la Justice, la police, etc.
Toutes ces dépenses, peuvent être considérées pour partie comme de la redistribution vers les moins favorisés, qui n’auraient pas pu payer une assurance santé ou l’école pour leurs enfants. Mais la plupart auraient pu se payer ces services. Il s’agit alors pour eux d’une mutualisation de services. Ces services sont mutualisés car on pense qu’on ne peut pas faire autrement, comme la construction de routes, ou par choix, comme les retraites par répartition.
La dépense publique a donc pour objectif la mutualisation de certains services. C’est même sa principale raison d’être. À ce titre, son contrôle concerne tout le monde.
Enfin, en 2010, la dépense publique représentait 56,6% du PIB selon l’INSEE. À ce niveau, elle ne peut que concerner tout le monde, tous ceux qui ont des revenus. Pour donner un ordre de grandeur, la France comptait 28 millions d’actifs, dont 25 millions ayant un emploi. À cela il faut ajouter ceux qui peuvent vivre de leurs rentes, non précisé, pour avoir le nombre de personnes sur qui pèsent la dépense publique. Autre chiffre, les retraites représentait 13,6 % du PIB en 2008. Les retraites sont financées par les actifs.
À ce niveau, la dépense publique concerne tout le monde, du moins tous ceux qui ont un revenu. Et c’est ainsi que sont organisés les prélèvements en France: tout le monde est prélevé, même le salarié à temps partiel qui gagne la moitié du SMIC.
Les prélèvements sont organisés de façon à être cachés. Ainsi, la population s’imagine ne pas payer de prélèvements car elle ne paie pas d’impôts, et seuls ceux qui voient ce qu’ils paient, les riches, les employeurs, protestent, ce qui donne l’impression que les prélèvements ne touchent que les favorisés, ce qui est considéré comme normal. L’essence même de la dépense publique, qui est une mutualisation, est oubliée, cachée.
Mais la dépense publique concerne tout le monde, en démocratie. Et, en démocratie, c’est au peuple de la contrôler, et d’en être le garant de l’efficacité.
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