Économie 0 n’est pas un slogan, un logo, une recette encore moins un manifeste. Économie 0 n’est pas la négation de l’économie.
Jusqu’à présent l’économie a été conçue en termes de + et de -, de profits et de pertes, de bilans, construisant une temporalité: une attente, espoir et menace tout à la fois selon l’action projetée. On aura beau expliquer que l’économie se limite à une approche objective et chiffrée, il semble bien difficile de la distinguer d’une machinerie des affects.
Économie 0 est un concept permettant de décrire certains phénomènes contemporains où les dépenses et les gains sont équilibrés et pour ainsi dire s’annulent. La production artistique en est le champ d’application privilégié mais non-exclusif.
Économie 0 ne s’oppose donc pas au libéralisme économique, à la mondialisation. Nous savons combien la critique est intégrée d’avance par le système dénoncé qui se nourrit de telles dialectiques. Nous savons combien critique et critiqué se valident l’un l’autre par un jeu croisé. Nous savons combien toutes contre-propositions au pouvoir dominant est un reflet de son emprise, une justification de sa position, nous qui sommes dans des démocraties représentatives (mimesis).
Mais que faut-il alors entendre par “neutralisation”? Qu’est-ce que le neutre appliqué à l’espace écomomique? Il s’agit simplement d’une manière de s’organiser afin que nous ne soyons ni à l’intérieur ni à l’extérieur du système des échanges. Cette logique du “ni ni” n’est pas une manière de suspendre l’économie, encore moins de la dénoncer, il ne s’agit pas d’une attitude passive mais la mise en place de stratégies du neutre.
Les pertes et les profits mesurent et construisent des affects, crainte et satisfaction, attente ou précipitation, défense ou prédation. Ces affects diminuent la puissance des flux et des devenirs en retenant, en délivrant et en identifiants (”c’est mon flux” ou “c’est ton flux”). Avec l’économie 0 il s’agit de laisser les flux couler. Extraction, coupure, décodage et encodage des flux sont des fonctions de production non de bilan. Le bilan arrête l’écoulement conçu comme une hémorragie à soigner.
Le crédit organise les pertes (humaines) au profit de bénéfices (banquaires). Le crédit soumet les existences au régime abstrait de l’idée de valeur. L’économie 0 n’est pas une économie a minima, une économie de simple subsistance. Les flux dépensés peuvent être importants, peu importe puisqu’il n’y aura ni perte ni gain, ni déception ni satisfaction, nulle espérance en un avenir meilleur ou pire, nul messianisme donc, simplement le présent de ce qui est effectivement produit.
De ce fait la question de la valeur (donc de la perte) ne se pose plus simplement. La valeur économique était fonction d’un rapport de pouvoir: gagnant ou perdant, créditeur ou débiteur. La perte est encore une possibilité négative de gain et le gain une possibilité de perte (ce que j’ai gagne je peux le perdre). L’économie 0 brouille cette réversibilité et la notion même de valeur et d’échange. Elle replace l’économie sur le plan d’un symbole secondaire dérivé d’une intention typologique de pouvoir. Le concept de part maudite (G. Bataille) n’est plus suffisant pour comprendre le devenir du libéralisme. Il y a en elle quelque chose de lointain et d’exotique, une forme de romantisme à tonalité christique: don absolu de quelque chose en dehors de la valeur. La dissipation d’une énergie sur le socius proposée par la part maudite est quelque chose d’apprécié par le libéralisme économique car elle se rattache aux loisirs qui détendent les corps, les suspendent, les palpitent. La part maudite est une partie à part de l’économie. L’économie 0 n’est pas au dehors, elle ne suspend rien.
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