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(merci à l’Institut Coppet pour la diffusion de cet ouvrage)
Il faut souligner que l’Essai de Cantillon, en dehors de la rigueur scientifique de son cadre conceptuel, est particulièrement remarquable parce qu’il est le premier à décrire un phénomène économique fondamental : le rôle qu’il attribue à l’entrepreneur (ch. XIII). Pour Cantillon, comme pour les auteurs modernes, est un entrepreneur quiconque prend un risque et reçoit un revenu non sous forme de salaire ou de rente foncière, mais sous forme de profit. Par ce rapprochement, comme dans de nombreux autres points, Cantillon anticipe une classification des catégories de revenus qui est plus tard devenue la norme. Il en est ainsi, par exemple, de la distinction habituelle en anglais entre les trois rentes que le fermier doit produire : la rente foncière qui revient au propriétaire ; le salaire qui couvre ses propres besoins et ceux de ses ouvriers ; et son profit entrepreneurial.
— F. A. Hayek, Richard Cantillon (1931), extrait.
Présentation de l’ouvrage par William Stanley Jevons
Les lecteurs attentifs de la Richesse des nations auront probablement noté qu’Adam Smith cite à l’occasion un certain M. Cantillon. Il y a là une intrigue, et une intrigue émaillée d’erreurs, de mystères et d’énigmes. Si rares sont les auteurs antérieurs cités par Adam Smith qu’être mentionné dans ses pages est en quelque sorte un gage d’immortalité. Mais cela n’a pas porté chance à Cantillon. Non seulement il a trouvé la mort par le feu et l’arme blanche, mais une série d’accidents littéraires malencontreux ont presque entièrement obscurci son nom et son souvenir.
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Le livre lui-même est organisé en trois parties, chacune de sept, dix et huit chapitres, respectivement. La première est dans une certaine mesure une introduction générale à l’économie politique, et commence définir la richesse, avant de traiter de l’association des individus en sociétés, hameaux, villages, villes et en capitales ; le salaire du travail ; la théorie de la valeur ; le ratio entre le travail et la terre ; la dépendance de toutes les classes à l’égard des propriétaires terriens ; la multiplication de la population ; et l’usage de l’or et de l’argent. La deuxième partie aborde la question du troc, des prix, de la circulation de la monnaie, l’intérêt, etc. et constitue un petit traité complet sur la monnaie, probablement plus profond que tout les ouvrages de taille similaire qui ont été publiés sur le sujet. La troisième traite du commerce international, le taux de change, la banque, et les « subtilités du crédit ». À l’aune des connaissances et de l’expérience de l’époque, on ne peut trop faire l’éloge de cette troisième partie, qui démontre que Richard Cantillon avait une compréhension solide et assez complète de nombreux sujets sur lesquels la plupart des pamphlétaires se chamaillent en égrenant des sottises, s’égarant eux-mêmes ainsi que leurs lecteurs. L’Essai est bien plus qu’un simple essai ou même qu’un recueil d’essais discontinus comme ceux de Hume. C’est un traité systématique et organisé, qui passe en revue de manière concise la quasi-totalité de l’économie, à l’exception de la fiscalité. Il mérite donc, plus qu’aucun autre ouvrage à ma connaissance, le titre de premier traité d’économie. L’Arithmétique politique de Sir William Petty et son Traité des taxes et des contributions sont des livres merveilleux à leur façon, et en leur temps, mais à côté de l’Essai de Cantillon ce ne sont que des pistes de réflexion informelles. D’autres ouvrages anglais plus anciens ont d’immenses qualités, tels ceux de Vaughan, Locke, Child, Mun, etc., mais ce n’étaient là que des pamphlets ou des essais occasionnels, ou alors des traités incomplets. L’essai de Cantillon constitue, plus que n’importe quel autre travail, le « berceau de l’économie politique ».
— William Stanley Jevons, Richard Cantillon et la nationalité de l’économie politique (1881), extraits.