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Fantasmagories technologiques (Denis Marleau)

Publié le 06 juin 2007 par Gregory71

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Il y a des titres à éviter. Celui-ci en fait parti. D’autant plus dommage que le travail en question est remarquable.

C’est un vieux procédé: projeter sur un masque une image (animée) de visage. Tony Oursler l’a largement utilisé en reprenant cette tradition héritée de la fin du XIXème siècle. Denis Marleau pour sa part propose 3 pièces au format court, en choississant des textes parfaitement adaptés au procédé technique utilisé. Un texte sur l’instanciation du lieu, un texte sur le cliché et un texte sur l’invisbilité. Pour le second, “Comédie” de Beckett, le hasard a voulu que j’ai vu voici quelques semaines au Centre Pompidou le film original tourné pour la BBC.

J’avais lu quelques textes sur ce travail mais rien ne remplace en la matière la perception même de cette recherche qui a une valeur auratique toute étrange. Nous sommes en effet au théâtre mais il n’y a personne, il n’y a pas d’acteurs, ces présences qui définissent la théâtralité. Il n’y a que des formes vides et des images projetées dessus. Et paradoxalement cette absence de présence produit une aura parce que celle-ci n’a jamais été une présence pleine et entière mais plus exactement, comme l’écrit Benjamin, le fait que quelque chose pourrait lever les yeux sur nous. Et ces images projetées ont justement cette caractéristiques de presque nous regarder. Elles clignent des yeux, attendent, les pupilles se dilatent, les yeux s’affolent comme voulant s’échapper de leurs masses immobiles.

Cette aura est sans doute liée au fait technique que nous ne parvenons pas localiser la source lumineuse de la projection, nous sortons ainsi de la métaphore toute platonicienne auquelle le travail pourrait prêter le flanc, et nous ne parvenons pas non plus à déterminer les limites de l’image projetée parce que les bords se fondent lentement sur le volume anthropomorphique. Ces deux impossibilités sont le génie esthétique de ce travail car en défiant les limites de l’écran Marleau ne nous propose pas une immersion (thème si cher aux arts scéniques actuels) mais au contraire une distanciation puisque ce sont des figures anthropomorphiques dont l’environnement s’absente, des figures se détachant sur un fond sans fond. Nous sommes au dehors.

Ainsi nous sommes devant des images que nous n’avions jamais vu. Des images qui ne viennent ni de l’objet imagé (comme dans le cas de télévision) ni d’une source extérieure et projetée (comme dans le cas du cinéma). C’est pourquoi la lumière dans le travail de Marleau défie une certaine tradition occidentale qui métaphorisait la connaissance par ce phénomène physique. Et il y a là quelque chose de radical comme un théâtre dépeuplé et repeuplé par une foule étrange d’images sans source, sans provenance. Il y a en même temps, et c’est là le grand intérêt de ce travail, quelque chose de populaire, d’audible, de sensible. Format court, mise en scène explicite, technique qui ne s’oublie ni ne se présentifie elle-même, mais qui est véritablement un médium structurant les textes.


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