La catégorisation est une phénomène banal dont les implications politiques sont profondes. À partir du moment où des individus sont socialisés et travaillent, on a tendance à les considérer selon des catégories en particulier professionnelles. Déjà enfants, on les catégorise comme “enfant”.
Dans le domaine culture on parle DES artistes, DES philosophes, DES commissaires d’exposition, DES médiateurs, etc. On croit ainsi savoir de quoi on parle. Derrière cette catégorisation, mot fétichisé et réifié, se cache un réflexe platonicien préférant considérer les généralités mortes que les individualités vivantes qui pourraient troubler le libre jeu des concepts. On se rassure en généralisant, on croit ainsi tenir son sujet en main mais on ne manie alors que des précompréhensions abusives. Et chacun a ainsi le sentiment de savoir ce qu’il en retourne quand il parle DES artistes, DES philosophes, DES commissaires d’exposition, etc. Ce réflexe n’est pas propre au domaine culturel, on pourrait l’appliquer à n’importe quel autre. Le ridicule de cette conceptualisation est le même chez les comptables, les professeurs, les… Et disant cela nous comprenons comment nous sommes immédiatement enfermés dans ce réflexe que nous même nous utilisons pour le décrire et le déconstruire.
Il faudrait donc avoir l’humour typologique de Nietzsche et face aux généralisations répondre sous forme de question “Qui?”, “Qui dit cela?”, “Qui en particulier?”.
La forme vulgaire de cette généralisation se retrouve sous des formes plus subtiles dans la réflexion philosophique, dans le désir de dire le vrai, de développer à tout prix sa pensée sans laisser une place à l’autre, place vacante et incertaine (voir Rudiments païens, Lyotard). Ou encore dans certains discours artistiques: artiste que l’on rencontre dans un vernissage, dans un bar, chez des amis et qui pendant une certaine durée vous entreprend à propos de l’art. Il développe des concepts généraux, défend une vision de ce que l’art doit être, il y a de l’enthousiasme, peut-être de la verve dans ses mots. Au bout d’un certain laps de temps, l’ennui commençant à vous submerger, vous comprenez que ces généralisations maladroites faites au nom du grand Art, ne sont en fait élaborées que pour défendre son propre travail. Bref, qu’une conceptualisation est faites au nom d’une singularité. La vulgarité de l’affaire vous apparaît: combien il faut être sûr de soi, égocentré pour ainsi parler de ce que l’on tente de faire singulièrement. Quelle prétention il faut avoir pour penser que son travail peut s’identifier avec ce que l’art en général , avec ce qu’il est, avec ce qu’il doit être, ce qu’il devrait être. La généralité de l’art justement n’existe pas, il faut tout de suite partir quand quelqu’un prononce ce mot au singulier, fuir quand quelqu’un critique l’art contemporain en général sans donner un exemple ou en en donnant quelqu’uns et en ne comprenant pas que ce ne sont pas des exemples d’une catégorie supérieure mais simplement des singularités insubsumables, bref que l’art contemporain cela n’existe pas.