Conte soufi : L’Aristocrate

Publié le 06 décembre 2011 par Unpeudetao

   Imam Yusuf de Samarcande nous a laissé ce récit.

   J’étudiais les documents où sont consignés les miracles et les hauts faits des membres du clan hachémite. Il m’apparut que l’abondance en son sein de grands spirituels ne pouvait être un caprice du hasard ou une pure invention.
   Enfin je décidai d’aller voir Sayed Nuri Shah-i-Husseini, qui habitait un magnifique palais et vivait dans le luxe, et je parvins à l’approcher.
   Il m’admit en sa compagnie, mais chaque fois que j orientais la conversation sur la question de son héritage, héritage qui faisait de lui un gardien de la connaissance du gouvernement intérieur, il parlait d’autre chose.
   À la fin je lui dis :
   « Seigneur des princes ! Ta réputation et l’attraction que tu exerces sont fondées sur le fait bien connu de ton appartenance à la famille élue. Pourquoi ne veux-tu donc jamais discuter de ce point ?
   — Mes traces t’ont conduit jusqu’à moi, répondit le sayed. Faut-il encore discuter de ces « empreintes sur la neige ou le sable », ou es-tu venu ici pour apprendre ? »
   J’étais stupéfait. Je vis tout de suite qu’il avait raison, et combien les idées répandues sur cette science étaient superficielles. Je m’enhardis jusqu’à lui poser l’autre question qui m’intriguait :
   « Comment un maître spirituel peut-il vivre dans un tel luxe ? C’est contraire à la tradition !
   — M’as-tu jamais vu profiter de quelque façon que ce soit du milieu où je vis ? interrogea-t-il.
   — Non, dis-je.
   — Dans ce cas, me dit-il, je peux te révéler (mais cela devra être tenu secret jusqu’à ma mort) qu’il y a deux façons de se dissimuler : se cacher, ou vivre dans une ambiance dont l’incongruité fait fonction de système protecteur. »
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 Prêter nuit à l’amitié.
   L’homme peut se trancher la gorge avec sa langue.
   À quoi bon la cage sans l’oiseau ?
   Saadi

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