Est-ce l’horizon de la Toussaint qui a posé sur vous aussi son crêpe noir ? Que se passe-t-il ? Une journée entière, et pire encore une nuit dans la foulée sans un message, sans un commentaire, sans un lien échangé. Mur désespérément figé. Aucun mouvement. Sinon le lancinant défilé du « ticker » qui m’informe de ce que vous écoutez. Au ralenti lui aussi.
Ce soir, c’est marche funèbre pour tous. Ambiance glaciale sur le réseau et fantômes personnels qui viennent ricaner et danser autour de moi. Si vous n’êtes pas là pour m’aider, vous mes amis, mes connaissances et vous mes chers inconnus, comment faire tandis que sous le poids d’idées lugubres mon inspiration se tarit ?
Une lumière – noire – est heureusement venue de là où je ne l’attendais plus. Un mail, un communiqué. Champ objet : « Parler à ses proches après sa mort ». Il ne manquait plus que cela ! Facebook de l’au-delà ou Twitter d’outre-tombe ? Ni l’un ni l’autre en fait.
Je cite le communiqué : « Le site www.e-mylife.fr permet de déposer «en un clic» des messages, anecdotes, photos, vidéos, documents, identifiants de comptes Internet… sur un espace personnel et sécurisé de 3 Go. Pour chaque élément déposé, l’utilisateur choisit le ou les bénéficiaire(s) et le moment de transmission : par e-mail avant sa mort ou après sa mort, par courrier ou en main propre. »
Comme l’humour lui aussi est parfois tout de noir vêtu, le chroniqueur n’a pu s’empêcher de sourire en découvrant que l’offre était « disponible sous forme d’un «Passeport annuel», avec une offre à 28 euros par an, et un «Passeport à vie» à 229 euros. » Et que « les remises en main propre se font gratuitement dans un rayon de 20 kilomètres autour de Lille ». Les morts d’ailleurs se lèveront-ils contre cette injustice ? Puis il a replongé dans l’humeur sombre d’une nuit de pré-Toussaint en songeant qu’une vie pouvait se résumer à 3 Go de données déposées en un clic sur un serveur distant.
(paru dans “Le Monde daté du 31 octobre 2011)
Olivier Zilbertin