Reconnaître dans la rue quelqu’un qu’on a jamais vu.
Ne pas avoir de doute sur l’inexpérience de ses traits, de ses contours, de ses yeux, de son corps. Savoir qu’on ne connaît personne qui lui ressemble. Que rien de connu ne nous fait penser à lui. Mais avoir le sentiment d’une familiarité plus grande encore que celle entretenue avec les personnes que nous cotoyons quotidiennement. Savoir que nous le cherchions dans d’autres visages que nous avons eux expérimentés.
Certitude de la réciprocité de cette reconnaissance: marche qui ralentie, regard qui se lève, sourire surpris, présence qui est déjà intimité, langage des corps inconnus, tête qui se baisse d’avoir regardé. Reconnaître qu’il y a la connaissance et la reconnaissance. Connaissance des expériences visibles et factuelles et reconnaissance de ces présences que nous n’avons jamais expérimentées mais qui nous hantent.
Le matin, la fenêtre entreouverte, chaleur naissante du jour, bruissement qui soulève les rideaux. Sa silouhette est là toute proche. À nouveau.