Que s’est-il passé? Question quotidienne qui se pose au réveil. On flâne sur le site d’un journal, on regarde les titres. Attente d’une catastrophe nous rendant un peu plus impuissant. Incapacité d’agir qui est une proximité du savoir. Conscience d’un monde dont la causalité est si complexe, que la causalité n’est plus un moyen de comprendre et de se saisir des événements afin de pouvoir agir dessus, mais simplement affirmation de la puissance de la causalité[1]
Que s’est-il passé? Contre son gré on cherche l’événement majeur qui viendrait bouleverser l’ordre du monde, c’est-à-dire les relations de causalité dont par ailleurs nous avons du mal à concevoir le sens. Construire le sens du monde passerait justement par une catastrophe, éclairant des rapports de force encore indisctinctes, des pouvoirs aux rapports imprécis, des transactions économiques grises. Il n’y a bien sûr aucun complot, aucune volonté secrète, aucun plan d’ensemble, est-ce la peine de le dire?, c’est pourquoi de nombreux individus rêvent de cet ordre ancien [2]
Le monde est strié de fils, structure matérielle transportant bits et octets. Les flux RSS sont le rêve d’un monde venant à notre rencontre de façon homogène: un même langage pour des événements disparates. Qu’en est-il de la terre? En quel sens peut-on parler aujourd’hui d’un conflit entre le monde construit et le secret de la terre qui se retire[3] Est-il encore possible de conceptualiser ce conflit comme ce qui est à la source de notre être-au-monde? Avec l’information [4] nous faisons face à un changement radical dans cet être-au-monde, nous nous entretenons quotidiennement avec quelque chose qui appartient au monde en tant qu’il est configuré, donc à l’espacement entre la terre et le monde, et qui en même temps n’est pas déjà formé, ne cesse de se former. Les informations se chassent les unes les autres, le flux de s’arrête. Est-ce le devenir? Ou ce bal incessant d’informations est-il un peu au devenir ce que le monde était à la terre?
Notes:- On aurait bien tort de croire que le monde contemporain est un monde dont les relations de cause à effet se sont absentées. C’est qu’elles sont devenues si complexes, si entrelacées qu’il ne reste plus que l’autoposition de la structure causale. Ce qui était conçu à l’âge classique comme la possibilité d’un savoir ouvrant sur la capacité d’agir du le monde, est devenue un système d’impuissance ou, pour le dire autrement, de contemplation. ↩
- Le 11 septembre a été le lieu d’une reconstruction performative sur Internet et ailleurs,chercher un sens global à ce qui n’a qu’une signification partielle ↩
- Michel Haar, Le chant de la terre, L’Herne édit, Paris, 1987 ↩
- Nous ne savons pas encore très bien ce que c’est que l’information, peut-être est-il de la nature de l’information de ne pas répondre au mot d’ordre platonicien de la définition, c’est-à-dire de la Forme Idéale qui suppose toujours que cette Forme préalable aux objets singuliers soit déterminée, stable et définie avant d’être comme étant. L’information, dans laquelle nous devons entendre le mot forme, ne cesse de se former, elle est en in-formation. L’information met en jeu le langage et en jeu la possibilité même d’une définition. ↩