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"Les Français ont un problème. Ils croyaient avoir un superprésident, un hyperdirigeant capable de les sortir de la dépression et de la décadence, et voilà qu’ils ont écopé d’un président comme ils en ont déjà connu beaucoup d’autres : à savoir malade, limité, qu’il faut dorloter et protéger tout en s’organisant pour que la France tourne et que le gouvernement et les institutions fassent leur devoir (...) La maladie dont souffre Sarkozy n’a pas la gravité du cancer de la prostate de Mitterrand, mais elle touche un organe vital s’il en est : l’ego. Celui du président est d’évidence atteint d’une hypertrophie probablement incurable".
C'est ainsi que débute l'édito de Lluís Bassets dans le quotidien espagnol El País, dont Le Canard Enchaîné avait publié les dernières lignes mercredi, que Courrier International a traduit, et dont rue89.com parle, pour avoir été la cause de la censure de Métrobus et de chaîne de distribution Relay, en ce qui concernait les affiches promo de Courrier, où l'on aurait dû pouvoir lire : "Vu de Madrid, Sarkozy, ce grand malade".
L'article espagnol est titré "Sarkozy c'est fini", en français dans le texte. Daté du 14 février, le journaliste, directeur adjoint d''El País explique pour quelles raisons, à son avis, Sarko est en chute libre dans les sondages : "l’économie, qui n’a pas enregistré la moindre amélioration depuis son arrivée ; son idéologie (...) en témoignent des prises de position sur la laïcité contraires à la culture de la République ; et sa vie privée, étalée dans les médias. En monarque thaumaturge qui par une simple imposition des mains devait augmenter le pouvoir d’achat, il a échoué au point de prononcer la formule maudite qui rompt les sortilèges : “Qu’est-ce que vous attendez de moi ? Que je vide des caisses qui sont déjà vides ?” En monarque philosophe, il a manifesté les plus fortes réserves vis-à-vis des traditions républicaines, en exprimant avec désinvolture son affinité intellectuelle avec le pape. Il n’a pleinement triomphé que dans le rôle de sultan, seigneur en son sérail, paré des atours qui passionnent un certain public – et manifestement aussi ses pairs. Le voilà fasciné par son propre pouvoir de séduction, son goût exquis et sa désinvolture. Mais ce triomphe-là a le don de déprimer beaucoup de Français car il rabaisse la République au niveau de la principauté de Monaco".
Lagardère, propriétaire de Relay, a dû tousser en lisant cela, d'où la censure des affiches de Courrier. Ce même Lagardère est actionnaire du Monde, propriétaire de Courrier International, propriétaire qui souhaite monter en participation dans le quotidien.
Dans une presse écrite en crise (il y a encore eu une grève aux Echos mercredi, son rédacteur vient de claquer la porte), c'est pas demain la veille qu'on pourra lire de telles choses dans les journaux français.